Albert Mérat

Le bonheur

Le bonheur, ce n’est point aimer, puisque l’on pleure.
Le bonheur, ce n’est point savoir : on ne sait rien.
Est-ce vivre ? La vie est-elle un si grand bien ?
Est-ce mourir ? La mort n’est-elle pas un leurre ?
 
Ce n’est point se blesser à nos amours d’une heure,
Ni, sans ailes, tenter l’essor aérien.
Ce n’est pas habiter la terre, et l’on peut bien
Ne pas croire qu’une autre étoile soit meilleure.
 
—Faible cœur, sais-tu bien, avant de blasphémer,
Ce qu’ouvre le tombeau qui vient de se fermer ;
Et que, tant qu’en nos yeux la lumière demeure,
 
Le bonheur, c’est marcher libre dans le devoir ;
C’est s’élever sans fin vers l’infini savoir.
Le bonheur, c’est aimer aussi, puisque l’on pleure.

Les chimères (1866)

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