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Émile Verhaeren

Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers (Belgique), le 21 mai 1855 et mort (accidentellement) à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale proche de l’anarchisme lui fait évoquer les grandes villes dont il parle avec lyrisme sur un ton d’une grande musicalité. Il a su traduire dans son œuvre la beauté de l’effort humain. Biographie Verhaeren est né à Saint-Amand (en néerlandais: Sint-Amands) en Belgique, au bord de l’Escaut, dans une famille aisée où l’on parlait le français, tandis qu’au village et à l’école régnait le flamand. Il fréquenta d’abord l’internat francophone Sainte-Barbe, tenu par des jésuites à Gand, puis il étudia le droit à l’université catholique de Louvain. C’est là qu’il rencontra le cercle des écrivains qui animaient La Jeune Belgique et il publia en 1879 les premiers articles de son cru dans des revues d’étudiants. Chaque semaine, l’écrivain socialiste Edmond Picard tenait à Bruxelles un salon où le jeune Verhaeren put rencontrer des écrivains et des artistes d’avant-garde. C’est alors qu’il décida de renoncer à une carrière juridique et de devenir écrivain. Il publiait des poèmes et des articles critiques dans les revues belges et étrangères, entre autres L’Art moderne et La Jeune Belgique. Comme critique d’art, il soutint de jeunes artistes tels que James Ensor. En 1883, il publia son premier recueil de poèmes réalistes-naturalistes, Les Flamandes, consacré à son pays natal. Accueilli avec enthousiasme par l’avant-garde, l’ouvrage fit scandale au pays natal. Ses parents essayèrent même avec l’aide du curé du village d’acheter la totalité du tirage et de le détruire. Le scandale avait été un but inavoué du poète, afin de devenir connu plus rapidement. Il n’en continua pas moins par la suite à publier d’autres livres de poésies. Des poèmes symbolistes au ton lugubre caractérisent ces recueils, Les Moines, Les Soirs, Les Débâcles et Les Flambeaux noirs. En 1891, il épousa Marthe Massin, peintre connue pour ses aquarelles, dont il avait fait la connaissance deux ans plus tôt, et s’installa à Bruxelles. Son amour pour elle s’exprime dans trois recueils de poèmes d’amour: Les Heures claires, Les Heures d’après-midi et Les Heures du soir. Dans les années 1890, Verhaeren s’intéressa aux questions sociales et se lança dans la « révolte anarchiste ». Son implication sociale apparaît clairement dans des articles et des poèmes parus dans la presse libertaire (L’En-dehors, Le Libertaire, La Revue blanche, etc.) et surtout dans des manuscrits inachevés et demeurés inédits, comme la pièce La Grand-Route et le roman Désiré Menuiset et son cousin Oxyde Placard,. Il travailla à rendre dans ses poèmes l’atmosphère de la grande ville et son opposé, la vie à la campagne. Il exprima ses visions d’un temps nouveau dans des recueils comme Les Campagnes hallucinées, Les Villes tentaculaires, Les Villages illusoires et dans sa pièce de théâtre Les Aubes. Ces poèmes le rendirent célèbre, et son œuvre fut traduite et commentée dans le monde entier. Il voyagea pour faire des lectures et des conférences dans une grande partie de l’Europe. Beaucoup d’artistes, de poètes et d’écrivains comme Antonio de La Gandara, Georges Seurat, Paul Signac, Auguste Rodin, Edgar Degas, August Vermeylen, Léon Bazalgette, Henry van de Velde, Max Elskamp, Maurice Maeterlinck, Stéphane Mallarmé, André Gide, Rainer Maria Rilke, Gostan Zarian et Stefan Zweig l’admiraient, correspondaient avec lui, cherchaient à le fréquenter et le traduisaient. Les artistes liés au futurisme subissaient son influence. Émile Verhaeren était aussi un ami personnel du roi Albert et de la reine Élisabeth ; il fréquentait régulièrement toutes les demeures de la famille royale. En 1914 la Première Guerre mondiale éclata et, malgré sa neutralité, la Belgique fut occupée presque entièrement par les troupes allemandes. Verhaeren se réfugia en Angleterre. Il écrivit des poèmes pacifistes et lutta contre la folie de la guerre dans les anthologies lyriques: La Belgique sanglante, Parmi les Cendres et Les Ailes rouges de la Guerre. Sa foi en un avenir meilleur se teinta pendant le conflit d’une résignation croissante. Il n’en publia pas moins dans des revues de propagande anti-allemandes et tenta dans ses conférences de renforcer l’amitié entre la France, la Belgique et le Royaume-Uni. Le 27 novembre 1916, il alla visiter les ruines de l’abbaye de Jumièges. Le soir, après avoir donné une nouvelle conférence à Rouen, il mourut accidentellement, ayant été poussé par la foule, nombreuse, sous les roues d’un train qui partait. Le gouvernement français voulut l’honorer en l’ensevelissant au Panthéon, mais la famille refusa et le fit enterrer au cimetière militaire d’Adinkerque. En raison du danger que représentait l’avancée des troupes, ses restes furent encore transférés pendant la guerre à Wulveringem avant d’être en 1927 définitivement enterrés dans son village natal de Saint-Amand où depuis 1955 un musée, le musée provincial Émile Verhaeren, rappelle son souvenir. Divers En 2015-2016, à l’approche du centenaire de sa mort, le musée des Avelines de Saint-Cloud, en région parisienne, lui consacre une exposition hommage intitulée Émile Verhaeren (1855-1916), poète et passeur d’Art.Un buste de Verhaeren en bronze signé et dédicacé par Charles van der Stappen (1843-1910) figure dans une vente publique à Lille le 26 juin 2017 (reprod. coul. dans La Gazette Drouot du 16 juin 2017 reprod. coul. p. 232). Dans un champ d’orge Poème autographe paru dans La Plume en février 1904. Œuvres Principaux recueils * Les Flamandes, 1883 * Les Moines, 1886 * Les Soirs, 1887 * Les Débâcles, 1888 * Les Flambeaux noirs, 1891 * Les Apparus dans mes chemins, 1892 * Les Campagnes hallucinées, 1893 * Les Bords de la route, 1895 * Les Villes tentaculaires, 1895 * Les Villages illusoires, 1895 * Les Heures claires, 1896 * Les Visages de la vie, 1899 * Petites Légendes, 1900 * Les Forces tumultueuses, 1902 * Toute la Flandre, 1904-1911 * Les Heures d’après-midi, 1905 * La Multiple Splendeur, 1906 * Les Rythmes souverains, 1910 * Les Heures du soir, 1911 * Les Blés mouvants, 1912 * Les Ailes rouges de la guerre, 1916 * Les Flammes hautes, 1917 * À la vie qui s’éloigne, 1923 * Quelques chansons de village, (posthume), 1924 Œuvre critique * James Ensor * Rembrandt * Monet * Impressions (3 volumes) recueils de textes et d’articles critiques sur des écrivains. * Pages belges 1926, recueils de textes sur des écrivains belges. Théâtre * Le cloître (drame en quatre actes). * Philippe II * Hélène de Sparte * Les Aubes Prose * Le travailleur étrange, recueil de nouvelles * Villes meurtries de Belgique. Anvers, Malines et Lierre * Impessions d’Espagne Ed. Casimiro, (ISBN 9788416868858) Éditions bibliophiliques posthumes * Belle chair, poèmes d’Émile Verhaeren, lithographies originales de Philippe Cara Costea, Éditions Les Francs Bibliophiles, 1967. * Belle Chair, poèmes suivi de chants dialogués ; petites légendes ; feuilles éparses, Mercure de France, 3° edition (1939) (ASIN B003X1CO6G) * Les villes à pignons, le texte du poète s’accompagne de 35 eaux-fortes originales du peintre et aquafortiste Julien Célos, Éditions Victor Dancette, 1946. * Le Vent, livre d’artiste sur le poème d’Émile Verhaeren, conçu sous forme d’une œuvre d’art au sein du Laboratoire du livre d’artiste, en 2014. Correspondance * Émile Verhaeren– Stefan Zweig 1996 * À Marthe Verhaeren Mercure de France 1937 * Verhaeren-Rilke / Verhaeren-Dehmel Correspondance. (Archives et Musée de la littérature– AML) Reconnaissance, honneurs * Le roi Albert Ier de Belgique a donné le titre honorifique de Poète national à Émile Verhaeren en 1899. Représentations * Portrait d’Émile Verhaeren par Pierre Hodé, a été reproduit dans La Revue du foyer, novembre 1916. * Buste en bronze du poète dû à Henri Lagriffoul dans les jardins de l’hôtel de ville de Rouen (1948). * Buste par Louis Mascré au parc Josaphat à Bruxelles. * Buste du poète à Roisin au lieu dit “Le caillou qui bique” où il a séjourné, ce petit domaine dans le Bois d’Angre parcouru par la Grande Honnelle est un lieu de détente agréable et bien connu. * Des pierres sculptées où sont gravés certains de ces poèmes sont placés tout au long du parcours “Circuit des pierres Verhaeren”. * Buste de Verhaeren à Paris, square André-Lefèbvre, jouxtant l’église Saint-Séverin à Paris. * * * Exposition * Émile Verhaeren. Poète et Passeur d’art. Saint-Cloud, Musée des Avelines, du 15 octobre 2015 au 6 mars 2016. Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89mile_Verhaeren

Voltaire

François-Marie Arouet, dit Voltairebre 1694 à Paris et mort dans la même ville le 30 mai 1778 (à 83 ans), est un écrivain et philosophe français qui a marqué le XVIIIe siècle. Représentant le plus connu de la philosophie des Lumières, anglomane, féru d’arts et de sciences, personnage protéiforme et complexe, non dénué de contradictions, Voltaire domine son époque par la durée de sa vie, l’ampleur de sa production littéraire et la variété des combats politiques qu’il a menés. Son influence est décisive sur la bourgeoisie libérale avant la Révolution française et pendant le début du XIXe siècle. Anticlérical mais déiste, il dénonce dans son Dictionnaire philosophique le fanatisme religieux de son époque. Sur le plan politique, il est en faveur d’une monarchie modérée et libérale, éclairée par les « philosophes ». Mettant sa notoriété au service des victimes de l’intolérance religieuse ou de l’arbitraire, il prend position dans des affaires qu’il a rendues célèbres: Jean Calas, Pierre-Paul Sirven, chevalier de La Barre, comte de Lally. Son œuvre littéraire est riche et variée: son importante production théâtrale, ses longs poèmes épiques, telle La Henriade, et ses œuvres historiques firent de lui l’un des écrivains français les plus célèbres au XVIIIe siècle. Son œuvre comprend aussi des contes, notamment Candide ou l’Optimisme, des Lettres philosophiques, le Dictionnaire philosophique et une correspondance monumentale dont nous connaissons plus de 15 000 lettres sur un total parfois estimé à 40 000. Titulaire d’une charge officielle d’historiographe du roi, il a publié Le siècle de Louis XIV, puis Le Siècle de Louis XV, ouvrages considérés comme les premiers essais historiques modernes. Il a traduit librement La Science nouvelle de Jean-Baptiste Vico en lui donnant pour titre l’expression inédite de Philosophie de l’histoire, ce qui fait de lui le précurseur du déterminisme historique au XIXe siècle, puis de l’histoire culturelle au XXe siècle. Tout au long de sa vie, Voltaire fréquente les Grands et courtise les monarques, sans dissimuler son dédain pour le peuple, mais il est aussi en butte aux interventions du pouvoir, qui l’embastille et le contraint à l’exil en Angleterre ou loin de Paris. En 1749, après la mort d’Émilie du Châtelet, avec laquelle il a entretenu une liaison houleuse pendant quinze ans, il part pour la cour de Prusse mais, déçu dans ses espoirs de jouer un grand rôle auprès de Frédéric II à Berlin, il se brouille avec lui après trois ans et quitte Berlin en 1753. Il se réfugie un peu plus tard aux Délices, près de Genève, avant d’acquérir en 1759 un domaine à Ferney, sur la frontière franco-genevoise, à l’abri des puissants. Il ne reviendra à Paris qu’en 1778, ovationné par le peuple après une absence de près de vingt-huit ans. Il y meurt à 83 ans. Voltaire aime le confort, les plaisirs de la table et de la conversation qu’il considère, avec le théâtre, comme l’une des formes les plus abouties de la vie en société. Soucieux de son aisance matérielle, qui garantit sa liberté et son indépendance, il acquiert une fortune considérable dans des opérations spéculatives qui préfigurent les grandes spéculations boursières sous Louis XVI et dans la vente de ses ouvrages, ce qui lui permet de s’installer en 1759 au château de Ferney et d’y vivre sur un grand pied, tenant table et porte ouvertes. Le pèlerinage à Ferney fait partie en 1770-1775 du périple de formation de l’élite européenne éclairée. Investissant ses capitaux, il fait du village misérable de Ferney une petite ville prospère. Généreux, d’humeur gaie, il est néanmoins chicanier et parfois féroce et mesquin avec ses adversaires comme Jean-Jacques Rousseau ou Crébillon. La Révolution française voit en lui comme en Rousseau un précurseur, si bien qu’il entre au Panthéon en 1791, le deuxième après Mirabeau. À cette même période, sur l’initiative du marquis de Villette qui l’hébergeait, le « quai des Théatins » où l’écrivain habitait à Paris au moment de sa mort sera baptisé « quai Voltaire ». Célébré par la IIIe République (dès 1870, à Paris, un boulevard et une place portent son nom), il a nourri, au XIXe siècle, les passions antagonistes des adversaires et des défenseurs de la laïcité de l’État et de l’école publique, et, au-delà, de l’esprit des Lumières. Biographie Débuts (1694-1733) Origines: naissance et filiation contestée François-Marie Arouet est né officiellement le 21 novembre 1694 à Paris et a été baptisé le lendemain à l’église de Saint-André-des-Arcs. Il est le deuxième fils de François Arouet (1647-1722), notaire au Châtelet depuis 1675, marié le 7 juin 1683 à Saint-Germain-l’Auxerrois avec Marie-Marguerite Daumart (1661-1701), fille d’un greffier criminel au Parlement qui lui donne cinq enfants (dont trois atteignent l’âge adulte). Le père revend en 1696 sa charge de notaire pour acquérir celle de conseiller du roi, receveur des épices à la Chambre des comptes. Voltaire perd sa mère à l’âge de sept ans. Il a comme frère aîné, Armand Arouet (1685-1765), avocat au Parlement, puis successeur de son père comme receveur des épices, personnalité très engagée dans le jansénisme parisien à l’époque de la Fronde parlementaire et du Diacre Pâris. Sa sœur, Marie Arouet (1686-1726), seule personne de sa famille qui ait inspiré de l’affection à Voltaire, épousera Pierre François Mignot, correcteur à la Chambre des comptes, et elle sera la mère de l’abbé Mignot, qui jouera un rôle à la mort de Voltaire, et de Marie-Louise, la future « Madame Denis », qui partagera une partie de la vie de l’écrivain. Cependant, Voltaire a plusieurs fois affirmé qu’il était né le 20 février 1694 à Châtenay-Malabry, où son père avait une propriété, le château de la Petite Roseraie. Ce fait semble confirmé par la personne devenue propriétaire du château, la comtesse de Boigne ainsi qu’elle l’écrit dans ses mémoires: « La naissance de Voltaire dans cette maison lui donne prétention à quelque célébrité ». Il a contesté aussi sa filiation paternelle, persuadé que son vrai père était un certain Roquebrune,: « Je crois aussi certain que d’Alembert est le fils de Fontenelle, comme il est sûr que je le suis de Roquebrune ». Voltaire prétendit que l’honneur de sa mère consistait à avoir préféré un homme d’esprit comme était Roquebrune, « mousquetaire, officier, auteur et homme d’esprit », à son père, le notaire Arouet dont Roquebrune était le client, car Arouet était, selon Voltaire, un homme très commun. Le baptême à Paris aurait été retardé du fait de la naissance illégitime et du peu d’espoir de survie de l’enfant. Aucune certitude n’existe sinon que l’idée d’une naissance illégitime et d’un lien de sang avec la noblesse d’épée ne déplaisait pas à Voltaire. Du côté paternel, les Arouet sont originaires d’un petit village du nord du Poitou, Saint-Loup-sur-Thouet, près d’Airvault, où ils exercent aux XVe et XVIe siècles une activité marchands tanneurs, ce qui faisait de l’aïeul de Voltaire, Helenus Arouet (1569-1625), un très riche marchand, propriétaire de la seigneurie de Puy-Terrois, acquéreur en 1612 pour 4000 livres tournois « la maison noble terre et seigneurie et métairie de la Routte » à Saint-Loup qu’il revend en 1615. Le premier Arouet à quitter sa province s’installe à Paris en 1625 où il ouvre une boutique de marchand de draps et de soie. Il épouse la fille d’un riche marchand drapier et s’enrichit suffisamment pour acheter en 1675 pour son fils, François, le père de Voltaire, une charge anoblissante de notaire au Châtelet, assurant à son titulaire l’accès à la petite noblesse de robe. Le père de Voltaire, travailleur austère et probe aux relations importantes, arrondit encore la fortune familiale, et épouse le 7 juin 1683 la fille d’un greffier criminel au Parlement. Études chez les Jésuites (1704-1711) À la différence de son frère aîné chez les jansénistes, François-Marie entre à dix ans comme interne (400 puis 500 livres par an) au collège Louis-le-Grand chez les Jésuites. François-Marie y reste durant sept ans. Les jésuites enseignent le latin et la rhétorique, mais veulent avant tout former des hommes du monde et initient leurs élèves aux arts de société: joutes oratoires, plaidoyers, concours de versification, et théâtre. Un spectacle, le plus souvent en latin et d’où sont par principe exclues les scènes d’amour, et où les rôles de femmes sont joués par des hommes, est donné chaque fin d’année lors la distribution des prix. Arouet est un élève brillant, vite célèbre par sa facilité à versifier: sa toute première publication est son Ode à sainte Geneviève. Imprimée par les Pères, cette ode est répandue hors les murs de Louis-le-Grand (au grand dam ultérieurement de Voltaire adulte). Il apprend au collège Louis-le-Grand à s’adresser d’égal à égal aux fils de puissants personnages, le tout jeune Arouet tisse de précieux liens d’amitié, très utiles toute sa vie: entre bien d’autres, les frères d’Argenson, René-Louis et Marc-Pierre, futurs ministres de Louis XV et le futur duc de Richelieu. Bien que très critique en ce qui concerne la religion en général et les ecclésiastiques en particulier, il garde toute sa vie une grande vénération pour son professeur jésuite Charles Porée. Voltaire écrit en 1746: « Rien n’effacera dans mon cœur la mémoire du père Porée, qui est également cher à tous ceux qui ont étudié sous lui. Jamais homme ne rendit l’étude et la vertu plus aimables. Les heures de ses leçons étaient pour nous des heures délicieuses ; et j’aurais voulu qu’il eût été établi dans Paris, comme dans Athènes, qu’on pût assister à de telles leçons ; je serais revenu souvent les entendre ». Débuts comme homme de lettres et premières provocations (1711-1718) Arouet quitte le collège en 1711 à dix-sept ans et annonce à son père qu’il veut être homme de lettres, et non avocat ou titulaire d’une charge de conseiller au Parlement, investissement pourtant considérable que ce dernier est prêt à faire pour lui. Devant l’opposition paternelle, il s’inscrit à l’école de droit et fréquente la société du Temple, qui réunit dans l’hôtel de Philippe de Vendôme, des membres de la haute noblesse et des poètes (dont Chaulieu), épicuriens lettrés connus pour leur esprit, leur libertinage et leur scepticisme. L’abbé de Châteauneuf, son parrain, qui y avait ses habitudes, l’avait présenté dès 1708. En leur compagnie, il se persuade qu’il est né grand seigneur libertin et n’a rien à voir avec les Arouet et les gens du commun. C’est aussi pour lui une école de poésie ; il va ainsi y apprendre à faire des vers « légers, rapides, piquants, nourris de référence antiques, libres de ton jusqu’à la grivoiserie, plaisantant sans retenue sur la religion et la monarchie ». Son père l’éloigne un moment de ce milieu en l’envoyant à Caen, puis en le confiant au frère de son parrain, le marquis de Châteauneuf, qui vient d’être nommé ambassadeur à La Haye et accepte d’en faire son secrétaire privé. Mais son éloignement ne dure pas. À Noël 1713, il est de retour, chassé de son poste et des Pays-Bas pour cause de relations tapageuses avec une demoiselle. Furieux, son père veut l’envoyer en Amérique mais finit par le placer dans l’étude d’un magistrat parisien. Il est sauvé par un ancien client d’Arouet, lettré et fort riche, M. de Caumartin, marquis de Saint-Ange, qui le convainc de lui confier son fils pour tester le talent poétique du jeune rebelle. Arouet fils passe ainsi des vacances au château de Saint-Ange près de Fontainebleau à lire, à écrire et à écouter les récits de son hôte qui lui serviront pour La Henriade et Le Siècle de Louis XIV. En 1715, alors que débute la Régence, Arouet a 21 ans. Il est si brillant et si amusant que la haute société se dispute sa présence. Il aurait pu devenir l’ami du Régent mais se retrouve dans le camp de ses ennemis. Invité au château de Sceaux, centre d’opposition le plus actif au nouveau pouvoir, où la duchesse du Maine, mariée au duc du Maine, bâtard légitimé de Louis XIV, tient une cour brillante, il ne peut s’empêcher de faire des vers injurieux sur les relations amoureuses du Régent et de sa fille, la duchesse de Berry, qui vient d’accoucher clandestinement. Le 4 mai 1716, il est exilé à Tulle. Son père use de son influence auprès de ses anciens clients pour fléchir le Régent qui remplace Tulle par Sully-sur-Loire, où Arouet fils s’installe dans le château du jeune duc de Sully, une connaissance du Temple, qui vit avec son entourage dans une succession de bals, de festins et de spectacles divers. À l’approche de l’hiver, il sollicite la grâce du Régent qui la lui accorde. Le jeune Arouet alors recommence sa vie turbulente à Saint-Ange et à Sceaux, profitant de l’hospitalité des nantis et du confort de leurs châteaux. Mais, pris par l’ambiance, quelques semaines plus tard, il récidive. S’étant lié d’amitié avec un certain Beauregard, en réalité un indicateur de la police chargé de le faire parler, il lui confie être l’auteur de nouveaux ouvrages de vers satiriques contre le Régent et sa fille. Le 16 mai 1717, il est envoyé à la Bastille par lettre de cachet. Arouet a alors 23 ans et il restera embastillé durant onze mois. Premiers succès littéraires et retour à la Bastille (1718-1726) À sa première sortie de la prison de la Bastille, conscient d’avoir jusque-là gaspillé son temps et son talent, il veut donner un nouveau cours à sa vie, et devenir célèbre dans les genres les plus nobles de la littérature de son époque: la tragédie et la poésie épique. Pour rompre avec son passé, et notamment avec sa famille, afin d’effacer un patronyme aux consonances vulgaires et équivoques, il se crée un nom euphonique: Voltaire. On ne sait pas à partir de quels éléments il a élaboré ce pseudonyme. De nombreuses hypothèses ont été avancées, toutes vraisemblables mais jamais prouvées: inversion des syllabes de la petite ville d’Airvault (proche du village dont est originaire la famille Arouet), anagramme d’Arouet l.j. (le jeune) ou encore référence à un personnage de théâtre nommé Voltare[Lequel ?]. La ville de Volterra en Toscane fut aussi évoquée: organisée en République de Volterra dans la ligue Guelfe, elle fut fière et rebelle et s’opposa à l’autorité des évêques. Il a été dit que Voltaire, en voyage et malade y fut si bien soigné qu’il en fut reconnaissant ; l’hypothèse est belle mais contestée par Chaudon. Le 18 novembre 1718, sa première pièce écrite sous le pseudonyme de Voltaire, Œdipe, obtient un immense succès. Le public, qui voit en lui un nouveau Racine, aime ses vers en forme de maximes et ses allusions impertinentes au roi défunt et à la religion. Ses talents de poète mondain triomphent dans les salons et les châteaux. Il devient l’intime des Villars, qui le reçoivent dans leur château de Vaux, et l’amant de Madame de Bernières, épouse du président à mortier du parlement de Rouen. Après l’échec d’une deuxième tragédie, il connaît un nouveau succès en 1723 avec La Henriade, poème épique de 4 300 alexandrins se référant aux modèles classiques (Iliade d’Homère, Énéide de Virgile) dont le sujet est le siège de Paris par Henri IV et qui trace le portrait d’un souverain idéal, ennemi de tous les fanatismes: vendu à 4 000 exemplaires en quelques semaines, ce poème connaîtra soixante éditions successives du vivant de son auteur. Pour ses contemporains admiratifs, Voltaire va être longtemps l’auteur de La Henriade, le « Virgile français », le premier à avoir écrit une épopée nationale, mais celle-ci n’est pas passée à la postérité et a été repoussée dans l’oubli par le romantisme au XIXe siècle. En janvier 1726, il subit une humiliation qui va le marquer toute sa vie. Le chevalier de Guy-Auguste de Rohan-Chabot, jeune gentilhomme arrogant, appartenant à l’une des plus illustres familles du royaume, l’apostrophe à la Comédie-Française: « Monsieur de Voltaire, Monsieur Arouet, comment vous appelez-vous ? » ; Voltaire réplique alors: « Voltaire! Je commence mon nom et vous finissez le vôtre ». Quelques jours plus tard, on le fait appeler alors qu’il dîne chez son ami le duc de Sully. Dans la rue, il est frappé à coups de gourdin par les laquais du chevalier, qui surveille l’opération de son carrosse. Blessé et humilié, Voltaire veut obtenir réparation, mais aucun de ses amis aristocrates ne prend son parti. Le duc de Sully refuse ainsi de l’accompagner chez le commissaire de police pour appuyer sa plainte. Il n’est pas question d’inquiéter un Rohan pour avoir fait rouer de coups un écrivain: « Nous serions bien malheureux si les poètes n’avaient pas d’épaules », dit un parent de Caumartin. Le prince de Conti écrit sur l’incident que les coups de bâtons « ont été bien reçus mais mal donnés ». Voltaire veut venger son honneur par les armes, mais son ardeur à vouloir se faire justice lui-même indispose tout le monde. Les Rohan obtiennent que l’on procède à l’arrestation de Voltaire, qui est conduit à la Bastille le 17 avril. Il n’est libéré, deux semaines plus tard, qu’à la condition qu’il s’exile. En Angleterre, « terre de Liberté » (1726-1728) Voltaire a 32 ans. Cette expérience va le marquer d’une empreinte indélébile. Il est profondément impressionné par l’esprit de liberté de la société anglaise (ce qui ne l’empêche pas d’apercevoir les ombres du tableau, surtout vers la fin de son séjour). Alors qu’en France règnent les lettres de cachet, la loi d’Habeas corpus de 1679 (nul ne peut demeurer détenu sinon par décision d’un juge) et la Déclaration des droits de 1689 protègent les citoyens anglais contre le pouvoir du roi. L’Angleterre, cette « nation de philosophes », rend justice aux vraies grandeurs qui sont celles de l’esprit. Présent en 1727 aux obsèques solennelles de Newton à Westminster Abbey, il fait la comparaison: à supposer que Descartes soit mort à Paris, on ne lui aurait certainement pas accordé d’être enseveli à Saint-Denis, auprès des sépultures royales. La réussite matérielle du peuple d’Angleterre suscite aussi son admiration. Il fait le lien avec le retard de la France dans le domaine économique et l’archaïsme de ses institutions. Il estime que, là où croît l’intensité des échanges marchands et intellectuels, grandit en proportion l’aspiration des peuples à plus de liberté et de tolérance. Il ne lui faut que peu de temps pour acquérir une excellente maitrise de l’anglais. En novembre 1726, il s’installe à Londres. Il rencontre des écrivains, des philosophes, des savants (physiciens, mathématiciens, naturalistes) et s’initie à des domaines de connaissance qu’il ignorait jusqu’ici. Son séjour en Angleterre lui donne l’occasion de découvrir Newton dont il n’aura de cesse de faire connaître l’œuvre. Ainsi s’esquisse la mutation de l’homme de lettres en « philosophe », qui le conduit à s’investir dans des genres jusqu’alors considérés comme peu prestigieux: l’histoire, l’essai politique et plus tard le roman. C’est en Angleterre qu’il commence à rédiger en anglais l’ouvrage où il expose ses observations sur l’Angleterre, qu’il fera paraître en 1733 à Londres sous le titre Letters Concerning the English Nation et dont la version française n’est autre que les Lettres philosophiques. Il se rapproche de la cour de Georges Ier puis de Georges II et prépare une édition de la Henriade en souscription accompagnée de deux essais en anglais qui remporte un grand succès (343 souscripteurs) et renfloue ses finances. Une souscription analogue ouverte en France par son ami Thériot n’en rassemble que 80 et fera l’objet de nombreuses saisies de la police. Retour d’Angleterre (1728-1733) À l’automne 1728, il est autorisé à rentrer en France pourvu qu’il se tienne éloigné de la capitale. L’affaire Rohan remonte à plus de trois ans. Voltaire procède précautionneusement, séjournant plusieurs mois à Dieppe où il se fait passer pour un Anglais. Il obtient en avril l’autorisation de venir à Paris, mais Versailles lui reste interdit. Voltaire veut être riche pour être un écrivain indépendant. À son retour d’Angleterre, il n’a que quelques économies qu’il s’emploie activement à faire fructifier. Il gagne un capital important (avec d’autres et sur une idée du mathématicien La Condamine) en participant à une loterie d’État mal conçue. Puis, il part à Nancy spéculer sur des actions émises par le duc François III de Lorraine, opération dans laquelle il aurait « triplé son or ». Il reçoit aussi en mars 1730 sa part de l’héritage paternel. Ces fonds vont être judicieusement placés dans le commerce, « les affaires de Barbarie », vente des blés d’Afrique du Nord vers l’Espagne et l’Italie où elle est plus lucrative qu’à Marseille et les « transactions de Cadix », échange de produits des colonies françaises contre l’or et l’argent du Pérou et du Mexique. En 1734, il confie ses capitaux aux frères Pâris dans leur entreprise de fournitures aux armées. Enfin, à partir de 1736, Voltaire va surtout prêter de l’argent à des grands personnages et des princes européens, prêts transformés en rentes viagères selon une pratique courante de l’époque (à lui d’actionner ses débiteurs, désinvoltes mais ayant du répondant, pour obtenir le paiement de ses rentes). « J’ai vu tant de gens de lettres pauvres et méprisés que j’ai conclu dès longtemps que je ne devais pas en augmenter le nombre ». Programme réalisé à son retour d’Angleterre. En 1730, un incident, dont il se souviendra à l’heure de sa mort, le bouleverse et le scandalise. Il est auprès d’Adrienne Lecouvreur, une actrice qui a joué dans ses pièces et avec laquelle il a eu une liaison, lorsqu’elle meurt. Le prêtre de la paroisse de Saint-Sulpice refuse la sépulture (la France est alors le seul pays catholique où les comédiens sont frappés d’excommunication). Le cadavre doit être placé dans un fiacre jusqu’à un terrain vague à la limite de la ville où elle est enterrée sans aucun monument pour marquer sa tombe. Quelques mois plus tard meurt à Londres une comédienne, Mrs Oldfield, enterrée à Westminster Abbey. Là encore, Voltaire fait la comparaison. Voltaire fait sa rentrée littéraire à Paris par le théâtre (mais il travaille selon son habitude à plusieurs œuvres à la fois). Sans beaucoup de succès avec Brutus, La mort de César et Eriphyle. Mais Zaïre en 1732 remporte un triomphe comparable à celui d’Œdipe et est joué dans toute l’Europe (la 488e représentation a eu lieu en 1936). La mise sur orbite avec les Lettres philosophiques ou Lettres anglaises, publiées en 1734 apparaît le premier grand travail des Lumières. Vingt-cinq lettres abordent des sujets assez variés: la religion, les sciences, les arts, la politique ou la philosophie (de Pascal notamment). L’ouvrage est destiné à un peuple plus ou moins cultivé, capable de lire mais nécessitant une éducation certaine. Ce sont des lettres ouvertes, destinées à être lues par un plus grand nombre grâce à leur parution sous forme d’un livre. Les Lettres philosophiques et l’Académie (1733-1749) Depuis des mois, sa santé délabrée fait que Voltaire vit sans maîtresse. En 1733, il devient l’amant de Mme du Châtelet. Émilie du Châtelet a 27 ans, 12 de moins que Voltaire. Fille de son ancien protecteur, le baron de Breteuil, elle décide pendant seize ans de l’orientation de sa vie, dans une situation quasi conjugale (son mari, un militaire appelé à parcourir l’Europe à la tête de son régiment, n’exige pas d’elle la fidélité, à condition que les apparences soient sauves, une règle que Voltaire « ami de la famille » sait respecter). Ils ont un enthousiasme commun pour l’étude et sous l’influence de son amie, Voltaire va se passionner pour les sciences. Il « apprend d’elle à penser », dit-il. Elle joue un rôle essentiel dans la métamorphose de l’homme de lettres en « philosophe ». Elle lui apprend la diplomatie, freine son ardeur désordonnée. Ils vont connaître dix années de bonheur et de vie commune. La passion se refroidit ensuite. Les infidélités sont réciproques (la nièce de Voltaire, Mme Denis, devient sa maitresse fin 1745, secret bien gardé de son vivant ; Mme du Châtelet s’éprend passionnément de Saint-Lambert en 1748), mais ils ne se sépareront pas pour autant, l’entente entre les deux esprits demeurant la plus forte. À sa mort, en 1749, elle ne sera jamais remplacée. Mme Denis, que Voltaire aimera tendrement, va régner sur son ménage (ce dont ne se souciait pas Mme du Châtelet), mais elle ne sera jamais la confidente et la conseillère de ses travaux. Émilie est une véritable femme de sciences. L’étendue de ses connaissances en mathématiques et en physique en fait une exception dans le siècle. C’est aussi une femme du monde qui mène une vie mondaine assez frénétique en dehors de ses études. Elle aime l’amour (elle a déjà eu plusieurs amants, dont le duc de Richelieu ; elle devient en 1734 la maîtresse de son professeur de mathématiques, Maupertuis, que lui a présenté Voltaire) et le jeu, où elle perd beaucoup d’argent. Elle cherche un homme à sa mesure pour asseoir sa réussite intellectuelle: Voltaire est un écrivain de tout premier plan, de réputation européenne, avide de réussite lui aussi. 1734 est l’année de la publication clandestine des Lettres philosophiques, le « manifeste des Lumières », grand reportage intellectuel et polémique sur la modernité anglaise, publié dans toute l’Europe à 20 000 exemplaires, selon l’estimation de René Pomeau, chiffre particulièrement élevé à l’époque. L’éloge de la liberté et de la tolérance anglaise est perçu à Paris comme une attaque contre le gouvernement et la religion. Le livre est condamné par le Parlement à majorité janséniste et brulé au bas du grand escalier du Palais. Une lettre de cachet est lancée contre Voltaire qui s’enfuit à Cirey, le château champenois que possèdent les Châtelet. Un an plus tard, après une lettre de désaveu où il « proteste de sa soumission entière à la religion de ses pères », il sera autorisé à revenir à Paris si nécessaire, mais la lettre de cachet ne sera pas révoquée. Pendant les dix années suivantes passées pour l’essentiel à Cirey, Voltaire va jouer un double jeu: rassurer ses adversaires pour éviter la Bastille, tout en continuant son œuvre philosophique pour gagner les hésitants. Tous les moyens sont bons: publications clandestines désavouées, manuscrits dont on fait savoir qu’il s’agit de fantaisies privées non destinées à la publication et qu’on lit aux amis et visiteurs qui en répandent les passages les plus féroces (exemple La Pucelle qui ridiculise Jeanne d’Arc). Son engagement est inséparable d’un combat antireligieux. L’intolérance religieuse, qu’il rend responsable de retard en matière de civilisation, est pour lui l’un des archaïsmes dont il voudrait purger la France. Voltaire restaure Cirey grâce à son argent. Les journées sont studieuses: discussions, lectures et travaux en communs, travaux personnels, portant sur la science et la religion. Voltaire fait des expériences scientifiques dans le laboratoire d’Émilie pour le concours de l’Académie des sciences. Aidé par Émilie du Châtelet, il est l’un des premiers à vulgariser en France les idées de Newton sur la gravitation universelle en publiant l’Épitre sur Newton (1736) et les Éléments de la philosophie de Newton (1738). Il commence La Pucelle (pour s’amuser dit-il) et Le Siècle de Louis XIV (pour convaincre son amie qui n’aime pas l’histoire), prépare L’Essai sur les mœurs, histoire générale de l’Occident chrétien où il dénombre les horreurs engendrées par le fanatisme. Toujours du théâtre avec Alzire (qui fait « perdre la respiration » au jeune Rousseau) et Mérope qui est un grand succès. Un poème, où il fait l’apologie du luxe (« Le superflu, chose très nécessaire »), Le Mondain, et évoque la vie d’Adam, scandalise à Paris les milieux jansénistes. Prévenu, il s’enfuit en Hollande par crainte des représailles. En 1742, sa pièce Mahomet est applaudie à Paris. Mais les mêmes milieux accusent Voltaire de taxer d’imposture, à travers l’islam, le christianisme lui-même. Ils obtiennent du pouvoir royal plutôt réticent l’interdiction de fait de la pièce, que Voltaire, toujours sous le coup de la lettre de cachet de 1734, doit retirer après la 3e représentation. Elle ne sera reprise qu’en 1751. Voltaire apparaît de plus en plus comme un adversaire de la religion. En 1736, Voltaire reçoit la première lettre du futur roi de Prusse. Commence alors une correspondance qui durera jusqu’à la mort de Voltaire (interrompue en 1754, après l’avanie de Francfort, elle reprendra en 1757). « Continuez, Monsieur, à éclairer le monde. Le flambeau de la vérité ne pouvait être confié à de meilleures mains », lui écrit Frédéric qui veut l’attacher à sa cour par tous les moyens. Voltaire lui rend plusieurs fois visite, mais refuse de s’installer à Berlin du vivant de Mme du Châtelet qui se méfie du roi-philosophe. Pour cette raison peut-être, Madame du Châtelet pousse Voltaire à chercher un retour en grâce auprès de Louis XV. De son côté, Voltaire ne conçoit d’avenir pour ses idées sans l’accord du roi. En 1744, il est aidé par la conjoncture: le nouveau ministre des Affaires étrangères est d’Argenson, son ancien condisciple de Louis-le-Grand, et surtout il a le soutien de la nouvelle favorite Mme de Pompadour, qui l’admire. Son amitié avec le roi de Prusse est un atout. Il se rêve en artisan d’une alliance entre les deux rois et accepte une mission diplomatique, qui échoue. Grâce à ses appuis, il obtient la place d’historiographe de France, le titre de « gentilhomme ordinaire de la chambre du roi » et les entrées de sa chambre. Dans le cadre de ses fonctions, il compose un poème lyrique, La Bataille de Fontenoy et un opéra, avec Rameau, à la gloire du roi. Mais Louis XV ne l’aime pas et Voltaire ne sera jamais un courtisan. De même, la conquête de l’Académie française lui paraît « absolument nécessaire ». Il veut se protéger de ses adversaires et y faire rentrer ses amis (à sa mort, elle sera majoritairement voltairienne et aura à sa tête d’Alembert qui lui est tout dévoué). Après deux échecs et beaucoup d’hypocrisies (un éloge des Jésuites et le canular de la bénédiction papale), il réussit à se faire élire le 2 mai 1746. La même année, Zadig, un petit livre publié clandestinement à Amsterdam est désavoué par Voltaire: « Je serais très fâché de passer pour l’auteur de Zadig qu’on ose accuser de contenir des dogmes téméraires contre notre sainte religion ». Outre ses aspects philosophiques, Zadig apparaît comme un bilan autocritique qu’établit Voltaire à 50 ans, estime Pierre Lepape. La gloire ne s’obtient qu’au prix du ridicule et de la honte du métier de courtisan, le bonheur est saccagé par les persécutions qu’il faut subir, l’amour est un échec, la science une manière de se cacher l’absurdité de la vie. L’histoire de l’humanité est celle d’un cheminement de la conscience malgré les obstacles: ignorance, superstition, intolérance, injustice, déraison. Zadig est celui qui lutte contre cette obscurité de la conscience: « Son principal talent était de démêler la vérité, que tous les hommes cherchent à s’obscurcir ». En septembre 1749, Mme du Châtelet, enceinte de Saint-Lambert, officier de la cour du roi Stanislas et poète, meurt dans les jours qui suivent son accouchement. À la mort de Madame du Châtelet, avec laquelle il avait cru faire sa vie jusqu’à la fin de ses jours malgré leurs querelles et infidélités réciproques, Voltaire est désemparé et souffre de dépression (« la seule vraie souffrance de ma vie », dira-t-il). Il a 56 ans. Il ne reste que six mois à Paris. L’hostilité de Louis XV et l’échec de sa tragédie Oreste le poussent à accepter les invitations réitérées de Frédéric II. La maturité (1749-1768) Le voyage à Berlin (1749-1753) Il part en juin 1750 pour la cour de Prusse. Le 27 juillet, il est à Berlin. C’est l’enchantement. Magnifiquement logé dans l’appartement du maréchal de Saxe, il travaille deux heures par jour avec le roi qu’il aide à mettre au point ses œuvres. Le soir, des soupers délicieux avec la petite cour très francisée de Potsdam où il retrouve Maupertuis, président de l’Académie des sciences de Berlin, La Mettrie, d’Argens. Il a sa chambre au château de Sans-Souci et un appartement dans la ville au palais de la Résidence. En août, il reçoit la dignité de chambellan, avec l’ordre du Mérite. Voltaire va passer plus de deux ans et demi en Prusse (il y termine Le Siècle de Louis XIV et écrit Micromégas). Mais après l’euphorie des débuts, ses relations avec Frédéric se détériorent, les brouilles se font plus fréquentes, parfois provoquées par les imprudences de Voltaire (affaire Hirschel). Un pamphlet de Voltaire contre Maupertuis (ce dernier avait commis, en tant que président de l’Académie des sciences, un abus de pouvoir contre l’ancien précepteur de Mme du Châtelet, König, académicien lui aussi) provoque la rupture. Le pamphlet, La Diatribe du docteur Akakia, est imprimé par Voltaire sans l’accord du roi et en utilisant une permission accordée pour un autre ouvrage. Se sentant berné, furieux que l’on attaque son Académie, Frédéric fait saisir les exemplaires qui sont brûlés sur la place publique par le bourreau. Voltaire demande son congé. Il quitte la Prusse le 26 mars 1753 avec la permission du roi. Il ne se dirige pas tout de suite vers la France, faisant des arrêts prolongés à Leipzig, Gotha et Kassel où il est fêté, mais à Francfort, ville libre d’empire, Frédéric le fait arrêter le 31 mai par son résident le baron von Freytag, pour récupérer un livre de poésies écrit par lui et donné à Voltaire, dont il craint que ce dernier ne fasse mauvais usage (Voltaire en fait dans son récit de l’évènement « l’œuvre de poéshie du roi mon maitre »). Pendant plus d’un mois, Voltaire, en compagnie de Mme Denis venue le rejoindre, est humilié, séquestré, menacé et rançonné dans une série de scènes absurdes et ubuesques. Enfin libéré, il peut quitter Francfort le 8 juillet. À la frontière de la France (1753-1755) Jusqu’à la fin de l’année, il attend à Colmar la permission de revenir à Paris, mais le 27 janvier 1754, l’interdiction d’approcher de la capitale lui est notifiée. Il se dirige alors, par Lyon, vers Genève. Il pense trouver un havre de liberté dans cette république calviniste de notables et de banquiers cultivés parmi lesquels il compte de nombreux admirateurs et partisans. Grâce à son ami François Tronchin, Voltaire achète sous un prête-nom (les catholiques ne peuvent pas être propriétaires à Genève) la belle maison des Délices et en loue une autre dans le canton de Vaud pour passer la saison d’hiver. Les Délices annoncent Ferney. Voltaire embellit la maison, y mène grand train, reçoit beaucoup (la visite du grand homme, au cœur de la propagande voltairienne, devient à la mode), donne en privé des pièces de théâtre (le théâtre est toujours interdit dans la ville de Calvin). Très vite, les pasteurs genevois lui « conseillent » de ne rien publier contre la religion tant qu’il habite parmi eux. Le tremblement de terre et Candide (1755-1759) Il travaille aussi beaucoup: théâtre, préparation de Candide, sept volumes de l’Essai sur les mœurs tiré à 7 000 exemplaires, Poème sur le désastre de Lisbonne, révision des dix premiers volumes de ses Œuvres complètes chez Gabriel Cramer, son nouvel éditeur, qui a un réseau de correspondants européens permettant de diffuser les livres interdits. Voltaire collabore aussi à l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (125 auteurs recensés). Ce grand dictionnaire vendu dans toute l’Europe (la souscription coûte une fortune) défend aussi la liberté de penser et d’écrire, la séparation des pouvoirs et attaque la monarchie de droit divin. Voltaire rédige une trentaine d’articles, mais il est en désaccord sur la tactique (« Je voudrais bien savoir quel mal peut faire un livre qui coûte cent écus. Jamais vingt volumes in-folio ne feront de révolution ; ce sont les petits livres portatifs à trente sous qui sont à craindre »). Il voudrait imposer sa marque, faire de l’Encyclopédie l’organe du combat antichrétien, l’imprimer hors de France, mais, s’il possède en d’Alembert un allié de poids, il ne peut gagner Diderot à ses vues. Largement inspiré par Voltaire, l’article « Genève » de d’Alembert paru dans le volume VII en 1757 fait scandale auprès du clergé genevois. En France, après l’attentat de Damiens contre Louis XV, une offensive antiphilosophique se déclenche: après le livre d’Helvétius, De l’Esprit, interdit en août 1758, l’Encyclopédie est interdite à son tour le 8 mars 1759, par décret royal. Pour mieux assurer son indépendance et échapper aux tracasseries des pasteurs de Genève, Voltaire achète le château de Ferney (et celui de Tourney qui forme avec le précédent un vaste ensemble d’un seul tenant) et s’y installe en octobre 1758. Ferney est dans le Pays de Gex, en territoire français, mais loin de Versailles et à quatre kilomètres de la république genevoise où il peut trouver refuge et où se situe son éditeur Cramer et bon nombre de ses partisans dans les milieux dirigeants. Le Vignoble de la vérité (1759-1763) Ferney est la période la plus active de la vie de Voltaire. Il va y résider vingt ans jusqu’à son retour à Paris. C’est à Ferney qu’il va acquérir une nouvelle stature, celle d’un champion de la justice et de l’humanité et livrer ses grandes batailles. Il a 64 ans, un âge au XVIIIe siècle où la vie approche de son terme. Voltaire est devenu riche et en est fier: « Je suis né assez pauvre, j’ai fait toute ma vie un métier de gueux, de barbouilleur de papier, celui de Jean-Jacques Rousseau, et cependant me voilà maintenant avec deux châteaux, 70 000 livres de rente et 200 000 livres d’argent comptant », écrit-il à son banquier en 1761. Sa fortune lui permet de reconstruire le château, d’en embellir les abords, d’y construire un théâtre, de faire de son vivant du village misérable de Ferney une petite ville prospère et aussi de tenir table et porte ouvertes, jusqu’à ce que l’afflux de visiteurs et la fatigue l’obligent à restreindre l’accueil. C’est la nièce et compagne de Voltaire, Madame Denis, qui reçoit comme maitresse de maison dont le poète Florian. Lui ne se montre qu’aux repas, se réservant d’apparaître à l’improviste si cela lui convient, car il se ménage de longues heures de travail (« J’ai quelquefois 50 personnes à table. Je les laisse avec Mme Denis qui fait les honneurs, et je m’enferme »). Ses visiteurs, qui l’attendent impatiemment, sont en général frappés par le charme de sa conversation, la vivacité de son regard, sa maigreur, son accoutrement (habituellement Voltaire ne « s’habille » pas). Il aime conduire ses hôtes dans son jardin et leur faire admirer le paysage. Les grandes heures sont celles du théâtre (« Rien n’anime plus la société, rien ne donne plus de grâce au corps et à l’esprit, rien ne forme plus le goût », dit-il). Installé à côté du château, il peut contenir 300 personnes. Voltaire et Mme Denis y jouent eux-mêmes leurs rôles préférés. Lutte contre l’injustice: Calas, Sirven et La Barre (1761-1765) Le 22 mars 1761, Voltaire est informé que, par ordre du parlement de Toulouse, un vieux commerçant protestant, nommé Calas, vient d’être roué, puis étranglé et brulé. Il aurait assassiné son fils, qui voulait se convertir au catholicisme. Voltaire apprend bientôt qu’en réalité Calas a été condamné sans preuves. Des témoignages le persuadent de son innocence. Convaincu qu’il s’agit d’une tragédie de l’intolérance, que les juges ont été influencés par le fanatisme ambiant, il entreprend la réhabilitation du supplicié et l’acquittement des autres Calas qui restent inculpés. Pendant trois ans (1762-1765), il mène une intense campagne: écrits, lettres, mettent en mouvement tout ce qui a de l’influence en France et en Europe. C’est à partir de l’affaire Calas que le mot d’ordre « Écrasez l’Infâme » (chez Voltaire, la superstition, le fanatisme et l’intolérance), abrégé à l’usage en Ecr.linf., apparaît dans sa correspondance à la fin de ses lettres. Il élève le débat par un Traité sur la tolérance (1763). Une sentence d’un parlement n’étant pas susceptible d’appel, le seul recours est le Conseil du royaume, présidé par le roi. Seul Voltaire a assez de prestige pour saisir une telle instance. De Ferney, n’ayant que son écritoire et son papier, il parvient à faire casser l’arrêt du Parlement et à faire indemniser la famille. « Par lui – par lui seul – le procès Calas deviendra l’affaire Calas, une de ces affaires qui marquent la conscience des hommes », écrit René Pomeau. Il réussit de même à faire réhabiliter Sirven, un autre protestant condamné par contumace le 20 mars 1764 à être pendu, avec sa femme, pour le meurtre de leur fille que l’on savait folle et qu’on trouva noyée dans un puits. On accusait son père et sa mère de l’avoir assassinée pour l’empêcher de se convertir. Les deux parents vont solliciter Voltaire qui obtient leur acquittement après un long procès. L’affaire La Barre surpasse en horreur celles de Calas et de Sirven. À Abbeville, le 9 août 1765, on découvre en pleine ville, sur le Pont-Neuf, un crucifix de bois mutilé. Une enquête est ouverte. Les soupçons se portent sur un groupe de jeunes gens qui se sont fait remarquer en ne se découvrant pas devant la procession du Saint-Sacrement, en chantant des chansons obscènes et en affectant de lire le Dictionnaire philosophique de Voltaire. Deux s’enfuient. Le chevalier de La Barre, âgé de 19 ans, est condamné à avoir la langue coupée, puis à être décapité et brulé. Le Parlement de Paris confirme la sentence. L’exécution a lieu le 1er juillet 1766. Le Dictionnaire philosophique est brulé en même temps que le corps et la tête du condamné. Voltaire rédige l’exposé détaillé de l’affaire, fait ressortir le scandale, provoque un revirement de l’opinion. Le juge d’Abbeville est révoqué, les coïnculpés acquittés. « Ce sang innocent crie, et moi je crierai aussi ; et je crierai jusqu’à ma mort » écrit Voltaire à d’Argental. Son engagement pour combattre l’injustice va durer jusqu’à sa mort (réhabilitation posthume de Lally-Tollendal, affaires Morangiés, Monbailli, serfs du Mont-Jura). « Il faut dans cette vie combattre jusqu’au dernier moment », déclare-t-il en 1775. Le Dictionnaire portatif (1764-1768) À Ferney, Voltaire va s’affirmer comme le champion de la « philosophie », cette pensée des Lumières portée par de très nombreux individus—mais dispersés et constamment engagés entre eux en d’âpres discussions. Sa production imprimée pendant ces années va être considérable. « J’écris pour agir », affirme-t-il. Il veut gagner ses lecteurs à la cause des Lumières. Il choisit pour sa propagande des œuvres « utiles et courtes ». Contrairement à L’Encyclopédie, avec ses gros volumes facilement bloqués chez l’éditeur, il privilégie les brochures de quelques pages qui se dissimulent aisément, échappent aux perquisitions de la douane et de la police et se vendent pour quelques sous. À Paris, il peut compter sur une équipe de fidèles, en premier lieu d’Alembert, futur secrétaire de l’Académie française, dont les relations mondaines et littéraires lui sont de précieux atouts, et qui n’hésite pas à le mettre en garde ou à corriger ses erreurs, mais aussi Grimm, Mme d’Épinay, Helvétius, Marmontel, Mme du Deffand, et aussi sur des appuis politiques comme Richelieu ou Choiseul (qui ne sont ni philosophes, ni libéraux, mais à qui Voltaire plaît). Quand il s’installe à Ferney, la diffusion clandestine de Candide, son chef-d’œuvre, a commencé. « Jamais Voltaire n’a aussi bien exprimé le monde tel que le voit son humeur: vision désolée et gaie, décapante mais tonique » écrit René Pomeau, qui calcule qu’il a dû se vendre en 1759 environ 20 000 Candide, chiffre énorme à l’époque où L’Encyclopédie même ne dépasse pas 4 000 exemplaires. En France, le pouvoir et les milieux conservateurs ont lancé une campagne contre les idées nouvelles: interdiction de L’Encyclopédie, discours de Le Franc de Pompignan à l’Académie, comédie de Palissot contre les philosophes au Théâtre-Français, attaques de Fréron, grand journaliste et polémiste redoutable. De Ferney, Voltaire organise la contre-offensive: articles, brochures, petits vers (l’épigramme contre Fréron est restée célèbre: L’autre jour au fond d’un vallon, /Un serpent piqua Jean Fréron ;/Que croyez-vous qu’il arriva ?/Ce fut le serpent qui creva.), comédies, pièces, tout est bon pour faire taire les ennemis des philosophes. En 1764, le Dictionnaire philosophique portatif, bilan de la réflexion philosophique de Voltaire, en même temps qu’outil pédagogique destiné au public cultivé, se répand, toujours clandestinement, en Europe. Considéré comme impie, il est condamné en France par le Parlement le 19 mars 1765 (Louis XV, après avoir pris connaissance du livre aurait demandé: « Est-ce qu’on ne peut pas faire taire cet homme-là ? »), mais aussi à Genève et à Berne où il est brûlé. Manifeste des Lumières (Voltaire en donne quatre nouvelles éditions de 1764 à 1769 chaque fois enrichies d’articles nouveaux), le Dictionnaire est composé de textes brefs et vifs, rangés dans l’ordre alphabétique. « Ce livre n’exige pas une lecture suivie », écrit Voltaire en tête de volume, « mais, à quelque endroit qu’on l’ouvre, on trouve de quoi réfléchir ». De 1770 à 1774, le Dictionnaire... est prolongé et considérablement enrichi sous le titre Questions sur l’Encyclopédie. Dernières années (1768-1778) Le déiste toujours en lutte (1768-1769) « J’ai été pendant 14 ans l’aubergiste de l’Europe », écrit-il à Madame du Deffand. Ferney se trouve sur l’axe de communication de l’Europe du Nord vers l’Italie, itinéraire du Grand Tour de l’aristocratie européenne au XVIIIe siècle. Les visiteurs affluent pour le voir et l’entendre. Les plus nombreux sont les Anglais qui savent que le philosophe aime l’Angleterre (trois ou quatre cents affirme Voltaire), mais il y a aussi des Français, des Allemands, des Italiens, des Russes. Leurs témoignages permettent de connaître la vie quotidienne à Ferney. À Ferney, l’artiste genevois Jean Huber, devenu un familier de la maison, a fait d’innombrables croquis et aquarelles de Voltaire, à la fois comique et familier, dans l’ordinaire de sa vie quotidienne. En 1768, l’impératrice Catherine II lui commande un cycle de peintures voltairiennes dont neuf toiles sont conservées au musée de l’Ermitage. Les capitaux que Voltaire investit tirent Ferney de la misère. Dès son arrivée, il améliore la production agricole, draine les marécages, plante des arbres, achète une nouveauté dont il est fier, la charrue à semoir et donne l’exemple en labourant lui-même chaque année un de ses champs. Il fait construire des maisons pour accueillir de nouveaux habitants, développe des activités économiques, soieries, horlogerie surtout. « Un repaire de 40 sauvages est devenu une petite ville opulente habitée par 1 200 personnes utiles », peut-il écrire en 1777. À la fin des années 1990, l’État français a acheté le château de Ferney-Voltaire qui est administré par le Centre des monuments nationaux. En cours de restauration, seuls le parc et l’orangerie sont ouverts à la visite durant les travaux. La réouverture du château est prévue au printemps 2018. Dans l’expectative (1769-1773) Bien avant la mort de Louis XV, Voltaire souhaite revenir à Paris après une absence de près de 28 ans. Le dernier combat (1773-1776) Depuis le début de février 1773, Voltaire souffre d’un cancer de la prostate (diagnostic rétrospectif établi de nos jours grâce au rapport de l’autopsie pratiquée le lendemain de son décès). La dysurie est majeure, les accès de fièvre fréquents ainsi que les pertes de connaissance. Les jambes gonflées font parler d’hydropisie (affection dont son probable père biologique serait mort en 1719). Le 8 mai, il informe d’Alembert: « Je vois la mort au bout de mon nez ». Les mictions sont difficiles. L’été 1773, des forces reviennent, mais la crise de rétention aiguë d’urines de février 1773, le reprend en mars 1774. En mai 1774, il perd sa plus jeune nièce de tuberculose, Élisabeth, marquise de Florian (ex Mme de Fontaine, née Mignot). Suit, moins triste pour Voltaire, la mort de Louis XV de petite vérole le 10 mai 1774. Le dernier acte (1776-1778) Les nouvelles autorités font comprendre à ses amis qu’on fermerait les yeux s’il se rendait aux répétitions parisiennes de sa dernière tragédie. Après beaucoup d’hésitations, il décide de rallier la capitale en février 1778 à l’occasion de la création d’Irène à la Comédie-Française. Il arrive le 10 février et s’installe dans un bel appartement de l’hôtel du marquis de Villette (qui a épousé en 1777 sa fille adoptive, Mlle de Varicourt surnommée « Belle et Bonne ») au coin de la rue de Beaune et du quai des Théatins (aujourd’hui quai Voltaire). Dès le lendemain de son arrivée, Voltaire a la surprise de voir des dizaines de visiteurs envahir la demeure du marquis de Villette qui va devenir pendant tout son séjour le lieu de rendez-vous du Tout-Paris « philosophe ». Le 30 mars 1778 est le jour de son triomphe à l’Académie, à la Comédie-Française et dans les rues de Paris. Sur son parcours, une foule énorme l’entoure et l’applaudit. L’Académie en corps vient l’accueillir dans la première salle. Il assiste à la séance, assis à la place du directeur. À la sortie, la même foule immense l’attend et suit le carrosse. On monte sur la voiture, on veut le voir, le toucher. À la Comédie-Française, l’enthousiasme redouble. Le public est venu pour l’auteur, non pour la pièce. La représentation d’Irène est constamment interrompue par des cris. À la fin, on lui apporte une couronne de laurier dans sa loge et son buste est placé sur un piédestal au milieu de la scène. À la sortie, il est retenu longtemps à la porte par la foule qui réclame des flambeaux pour mieux le voir. On s’exclame: « Vive le défenseur des Calas! ». Voltaire peut mesurer ce soir-là l’indéniable portée de son action, même si la cour, le clergé et l’opinion antiphilosophique lui restent hostiles et se déchaînent contre lui et ses amis philosophes, ennemis de la religion, des « bonnes » mœurs et de la monarchie. La maladie (mars-mai 1778) Voltaire a 83 ans. Atteint d’un mal qui progresse insidieusement pour entrer dans sa phase finale le 10 mai 1778, Voltaire se comporte comme s’il était indestructible. Son état de santé et son humeur changent pourtant d’un jour à l’autre. Il envisage son retour à Ferney pour Pâques, mais il se sent si bien à Paris qu’il pense sérieusement à s’y fixer. Madame Denis, ravie, part à la recherche d’une maison. Il veut se prémunir contre un refus de sépulture. Dès le 2 mars, il fait venir un obscur prêtre de la paroisse de Saint-Sulpice, l’abbé Gaultier, à qui il remet une confession de foi minimale (qui sera rendue publique dès le 11 mars) en échange de son absolution. Le 28 mars, il écrit à son secrétaire Wagnière les deux lignes célèbres: « Je meurs en adorant Dieu, en aimant mes amis, en ne haïssant pas mes ennemis, et en détestant la superstition ». À partir du 10 mai 1778, malgré l’assistance du docteur Théodore Tronchin, ses souffrances deviennent intolérables. Pour calmer ses douleurs, il prend de fortes doses d’opium qui le font sombrer dans une somnolence entrecoupée de phases de délire. Mais une fois passée l’action de l’opium, le mal se réveille pire que jamais. La conversion de Voltaire, au sommet de sa gloire, aurait constitué une grande victoire de l’Église sur la « secte philosophique ». Le curé de Saint-Sulpice et l’archevêque de Paris, désavouant l’abbé Gaultier, font savoir que le mourant doit signer une rétractation franche s’il veut obtenir une inhumation en terre chrétienne. Mais Voltaire refuse de se renier. Des tractations commencent entre la famille et les autorités soucieuses d’éviter un scandale. Un arrangement est trouvé. Dès la mort de Voltaire on le transportera « comme malade » à Ferney. S’il décède pendant le voyage, son corps sera conduit à destination. Voltaire meurt le 30 mai dans l’hôtel de son ami le marquis de Villette, « dans de grandes douleurs, excepté les quatre derniers jours, où il a fini comme une chandelle », écrit Mme Denis. Le 31 mai, selon sa volonté, M. Try, chirurgien, assisté d’un M. Burard, procède à l’autopsie. Le corps est ensuite embaumé par M. Mitouart, l’apothicaire voisin qui obtient de garder le cerveau, le cœur revenant à Villèle (voir en Informations complémentaires l’histoire de ces deux organes). Le neveu de Voltaire, l’abbé Mignot, ne veut pas courir le risque d’un transport à Ferney. Il a l’idée de l’enterrer provisoirement dans la petite abbaye de Sellières près de Romilly-sur-Seine, dont il est abbé commendataire. Le 31 mai, le corps de Voltaire embaumé est installé assis, tout habillé et bien ficelé, avec un serviteur, dans un carrosse qui arrive à Scellières le lendemain après-midi. Grâce au billet de confession signé de l’abbé Gaultier, il est inhumé religieusement dans un caveau de l’église avant que l’évêque de Troyes, averti par l’archevêque de Paris Christophe de Beaumont, n’ait eu le temps d’ordonner au prieur de Scellières de surseoir à l’enterrement. Le Panthéon Après la mort de Voltaire, Mme Denis, légataire universelle, vend Ferney à Villette (la bibliothèque, acquise par Catherine II, est convoyée jusqu’à Saint-Pétersbourg par Wagnière). Villette, s’apercevant que le domaine est lourdement déficitaire, le revend en 1785. Le transfert de la sépulture à Ferney devient impossible. L’abbé Mignot veut commander un mausolée pour orner la dalle anonyme sous laquelle repose Voltaire, mais les autorités s’y opposent. En 1789, l’Assemblée constituante vote la nationalisation des biens du clergé. L’abbaye de Sellières va être mise en vente. Il faut trouver une solution. Villette fait campagne pour le transfert à Paris des restes du grand homme (il a déjà débaptisé de sa propre autorité le quai des Théatins en y apposant une plaque: « Quai Voltaire »). C’est lui qui lance le nom de Panthéon et désigne le lieu, la basilique de Sainte-Geneviève. Le 30 mai 1791, jour anniversaire de sa mort, l’Assemblée, malgré de fortes oppositions (les membres du clergé constituent le quart des députés) décide le transfert. Le 4 avril, après la mort de Mirabeau survenue le 2, l’Assemblée décrète que « le nouvel édifice de Sainte-Geneviève sera destiné à recevoir les cendres des grands hommes ». Mirabeau est le premier « panthéonisé ». Voltaire le suit le 11 juillet. Comme le corps de Mirabeau fut retiré de ce monument des suites de la découverte de l’armoire de fer, Voltaire est devenu le plus ancien hôte du Panthéon. Le cortège comprend des formations militaires, puis des délégations d’enfants. Derrière une statue de Voltaire d’après Houdon, portée par des élèves des beaux-arts costumés à l’antique, viennent les académiciens et gens de lettres, accompagnés des 70 volumes de l’édition de Kehl, offerts par Beaumarchais. Sur le sarcophage se lit une inscription: « Il vengea Calas, La Barre, Sirven et Monbailli. Poète, philosophe, historien, il a fait prendre un grand essor à l’esprit humain, et nous a préparés à être libres ». L’œuvre de Voltaire Œuvres complètes de Voltaire, Paris, édition Garnier, 50 volumes, 1877 (Wikisource) La production littéraire de Voltaire inclut le théâtre, l’histoire, la philosophie, la poésie, des contes, de nombreux textes polémiques, et une grande correspondance. De son vivant, ses Œuvres complètes comptent 40 volumes in-8° (édition de Genève de 1775). Après sa mort, l’édition de Kehl commanditée par Beaumarchais et éditée entre 1784 et 1789, inclut sa correspondance qui rajoute 30 volumes in-8° (malgré le fait que de nombreux détenteurs de lettres ont refusé de les communiquer). L’édition en cours de publication à Oxford en comptera près de 200[réf. nécessaire]. Les contes philosophiques Voltaire n’attribuait à ses contes qu’une faible importance, mais c’est sans doute aujourd’hui la partie de son œuvre la plus éditée et la plus lue. « C’est là que l’on retrouve, aussi libre que dans sa correspondance, l’esprit de Voltaire » écrit René Pomeau. Ils font partie des textes incontournables du XVIIIe siècle et occupent une place de choix au sein de la culture française. Ce sont, entre autres, le Songe de Platon, Micromégas, Le Monde comme il va, Zadig, Les Deux Consolés, Candide, l’Histoire d’un bon bramin, Jeannot et Colin, L’Ingénu, L’Homme aux quarante écus, Le Taureau blanc, Les Dialogues d’Evhémère. La correspondance Exilé à Ferney, Voltaire correspond avec tout ce qui compte en Europe. L’abondance de sa correspondance (de l’ordre de 23 000 lettres retrouvées, 13 tomes dans la bibliothèque de la Pléiade) rend nécessaire la publication de lettres choisies. Citons, entre autres, la correspondance suivie avec Madame du Deffand, âgée et aveugle, sceptique désabusée et lucide qui réunit dans son salon tout le grand monde parisien (« avec Voltaire, dans la prose, le classique le plus pur de cette époque » selon Sainte-Beuve). « Le pessimisme de Mme du Deffand est tellement absolu », écrit Benedetta Craveri, « qu’il oblige son correspondant à se prononcer sur le destin de l’homme, avec une précision qu’on ne retrouve pas dans le reste de son œuvre ». « C’est dans ses lettres qu’il faut chercher l’expression la plus intime de la philosophie de Voltaire ; sa manière d’accepter la vie et d’affronter la mort, ses idées métaphysiques et son scepticisme, ses luttes passionnées au nom de l’humanité et ses accès de résignation mystiques ». Les écrits philosophiques Voltaire n’apporte pas de réponses rassurantes, mais enseigne à douter, parce que c’est par le doute que l’on apprend à penser. La partie philosophique de son œuvre est toujours actuelle: Les Lettres philosophiques, le Traité sur la tolérance, le Dictionnaire philosophique portatif, les Questions sur l’Encyclopédie. Le théâtre Le théâtre de Voltaire, qui a fait sa gloire et passionné ses contemporains, est aujourd’hui largement oublié. Voltaire a cependant été le plus grand auteur dramatique du XVIIIe siècle et a régné sur la scène de la Comédie-Française de 1718 à sa mort. Il a écrit une cinquantaine de tragédies qui, selon l’estimation de René Pomeau, ont été applaudies, rarement sifflées, par environ deux millions de spectateurs. À Paris, ses plus grands succès sont, dans l’ordre, Zaïre (1732), Alzire, (1736), Mérope (1743), Sémiramis (1748), Œdipe (1718), Tancrède (1760), L’Orphelin de la Chine (1755) et Mahomet (1741). L’œuvre poétique La versification, pratiquée dès l’enfance, était devenue pour Voltaire un mode d’écrire naturel. Sa production poétique a été évaluée à 250 000 vers. Il n’avait pas son pareil pour manier l’alexandrin. Longtemps il sera pour ses contemporains l’auteur de La Henriade que Beaumarchais place au même niveau que l’Iliade et qui connaitra encore 67 éditions entre 1789 et 1830 avant d’être rejetée dans l’oubli par le Romantisme. Cette œuvre versifiée (La Pucelle d’Orléans, Le Mondain, le Poème sur le désastre de Lisbonne) est moins lisible pour nous aujourd’hui, mais il existe, en particulier à travers ses épitres, un Voltaire poète de la gaîté et du sourire, à la verve inventive, inspiré souvent par l’esprit satirique. L’œuvre historique Elle ne survit (Le Siècle de Louis XIV, Histoire de Charles XII, Histoire de l’empire de Russie sous Pierre le Grand), comme celle de Michelet, que parce qu’elle est l’œuvre d’un écrivain, même si sa perspective de l’histoire « philosophique » (Essai sur les mœurs et l’esprit des nations), consistant à suivre les efforts des hommes en société pour sortir de l’état primitif, reste valable. L’œuvre scientifique Elle est périmée même si Voltaire fut l’un des pionniers du newtonisme avec ses Éléments de la philosophie de Newton (1738). La morale de Voltaire Le libéralisme Dans la pensée du philosophe anglais John Locke, Voltaire trouve une doctrine qui s’adapte parfaitement à son idéal positif et utilitaire. John Locke apparaît comme le défenseur du libéralisme en affirmant que le pacte social ne supprime pas les droits naturels des individus. En outre, c’est l’expérience seule qui nous instruit ; tout ce qui la dépasse n’est qu’hypothèse ; le champ du certain coïncide avec celui de l’utile et du vérifiable. Voltaire tire de cette doctrine la ligne directrice de sa morale: la tâche de l’homme est de prendre en main sa destinée, d’améliorer sa condition, d’assurer, d’embellir sa vie par la science, l’industrie, les arts et par une bonne « police » des sociétés. Ainsi, la vie en commun ne serait pas possible sans une convention où chacun trouve son compte. Bien que s’exprimant par des lois particulières à chaque pays, la justice, qui assure cette convention, est universelle. Tous les hommes sont capables d’en concevoir l’idée, d’abord parce que tous sont des êtres plus ou moins raisonnables, ensuite parce qu’ils sont tous capables de comprendre que ce qui est utile à la société est utile à chacun. La vertu, « commerce de bienfaits, leur est dictée à la fois par le sentiment et par l’intérêt. Le rôle de la morale, selon Voltaire, est de nous enseigner les principes de cette « police » et de nous accoutumer à les respecter. Cependant, la conception oligarchique et hiérarchisée de la société de Voltaire ne nous permet pas de le situer clairement parmi les philosophes du libéralisme démocratique: il affirme également dans Essai sur les mœurs et l’esprit des Nations: « Quand nous parlons de la sagesse qui a présidé quatre mille ans à la constitution de la Chine, nous ne prétendons pas parler de la populace ; elle est en tout pays uniquement occupée du travail des mains: l’esprit d’une nation réside toujours dans le petit nombre, qui fait travailler le grand, est nourri par lui, et le gouverne. Certainement cet esprit de la nation chinoise est le plus ancien monument de la raison qui soit sur la terre ». Le déisme Étranger à tout dogmatisme religieux, Voltaire se refuse toutefois à l’athéisme d’un Diderot ou d’un d’Holbach. Il ne cessa de répéter son fameux distique: Ainsi, selon Voltaire, l’ordre de l’univers peut-il nous amener à constater l’existence d’un « éternel géomètre ». C’est pour lui une évidence rationnelle: un effet ne peut exister sans qu’il y ait aussi une cause préalable, de même que la lumière naturelle ne peut exister sans tirer son origine du soleil – ou qu’une bougie ne peut être allumée sans qu’un « athée » ait auparavant décidé d’enflammer sa mèche ; ce que Voltaire nomme « Dieu », c’est la Cause ultime, absolue qui ordonne éternellement et présentement tous les desseins cosmiques: le soleil est ainsi « fait pour éclairer notre portion d’univers ». Sa vision de Dieu correspond à un panthéisme, proche de Giordano Bruno et de Baruch Spinoza ; dans Tout en Dieu, commentaire sur Malebranche, Voltaire écrit: « Une cause sans effet est une chimère, une absurdité, aussi bien qu’un effet sans cause. Il y a donc éternellement, et il y aura toujours des effets de cette cause universelle. Ces effets ne peuvent venir de rien ; ils sont donc des émanations éternelles de cette cause éternelle. La matière de l’univers appartient donc à Dieu tout autant que les idées, et les idées tout autant que la matière. Dire que quelque chose est hors de lui, ce serait dire qu’il y a quelque chose hors de l’infini. Dieu étant le principe universel de toutes les choses, toutes existent en lui et par lui.(...) On ne fait point Dieu l’universalité des choses: nous disons que l’universalité des choses émane de lui ; et pour nous servir (...) de l’indigne comparaison du soleil et de ses rayons, nous disons qu’un trait de lumière lancé du globe du soleil, et absorbé dans le plus infect des cloaques, ne peut laisser aucune souillure dans cet astre. Ce cloaque n’empêche pas que le soleil ne vivifie toute la nature dans notre globe.(...) Nous pourrions dire encore qu’un trait de lumière, pénétrant dans la fange, ne se mêle point avec elle, et qu’elle y conserve son essence invisible ; mais il vaut mieux avouer que la lumière la plus pure ne peut représenter Dieu. La lumière émane du soleil, et tout émane de Dieu. Nous ne savons pas comment ; mais nous pouvons (...) concevoir Dieu comme l’Être nécessaire de qui tout émane. [Note: « nécessaire » signifie philosophiquement: « qui ne peut pas ne pas être – ni être autrement »]. » Mais, au-delà, il ne voit qu’incertitudes: « J’ai contemplé le divin ouvrage, et je n’ai point vu l’ouvrier ; j’ai interrogé la nature, elle est demeurée muette ». Il conclut: « Il m’est impossible de nier l’existence de ce Dieu », ajoutant qu’il est « impossible de le connaître ». Il rejette toute incarnation, « tous ces prétendus fils de Dieu ». Ce sont « des contes de sorciers ». « Un Dieu se joindre à la nature humaine! J’aimerais autant dire que les éléphants ont fait l’amour à des puces, et en ont eu de la race: ce serait bien moins impertinent ». S’il reste attaché au déisme, qui correspond à un théisme philosophique, il dénonce comme dérisoire le providentialisme (dans Candide par exemple) et repose cette question formulée dès saint Augustin dont la réponse est inaccessible à la logique humaine parfaitement limitée: « Pourquoi existe-t-il tant de mal, tout étant formé par un Dieu que tous les théistes se sont accordés à nommer bon ? ». Voltaire n’apporte à ce sujet que cette précision: « La terre est couverte de crimes (...) ; cela empêche-t-il qu’il y ait une cause universelle ? (...) Il y a une suite infinie de vérités, et l’Être infini peut seul comprendre cette suite. (...) Demander pourquoi il y a du mal sur terre, c’est demander pourquoi nous ne vivons pas autant que les chênes. (...) Le grand Être est fort ; mais les émanations sont nécessairement faibles. Servons-nous (...) de la comparaison du soleil. Ses rayons réunis fondent les métaux ; mais quand vous réunissez ceux qu’il a dardés sur le disque de la lune, ils n’excitent pas la plus légère chaleur. Nous sommes aussi nécessairement bornés que le grand Être est nécessairement immense. » —Voltaire, Tout en Dieu, commentaire sur Malebranche. Voltaire, dans le Dictionnaire philosophique, affirme que l’authentique miracle est l’ordre du monde, que l’apparition divine en ce monde est la nature des choses et non ce qui semble « surnaturel »: « Un miracle, selon l’énergie du mot, est une chose admirable. En ce cas, tout est miracle. L’ordre prodigieux de la nature, la rotation de cent millions de globes autour d’un million de soleils, l’activité de la lumière, la vie des animaux sont des miracles perpétuels. Selon les idées reçues, nous appelons miracle la violation de ces lois divines et éternelles. (…) Plusieurs physiciens soutiennent qu’en ce sens il n’y a point de miracles ; (…) un miracle est la violation des lois mathématiques divines, immuables, éternelles. Par ce seul exposé, un miracle est une contradiction dans les termes. Une loi ne peut être à la fois immuable et violée. Mais, une loi, leur dit-on, étant établie par Dieu même, ne peut-elle être suspendue par son auteur ? Ils ont la hardiesse de répondre que non. » Enfin, pour Voltaire, la croyance en un Dieu est utile sur le plan moral et social. Il est l’auteur du célèbre alexandrin: On lui attribue aussi cette phrase: « Nous pouvons, si vous le désirez, parler de l’existence de Dieu, mais comme je n’ai pas envie d’être volé ni égorgé dans mon sommeil, souffrez que je donne au préalable congé à mes domestiques ». L’humanisme Dès La Henriade en 1723, toute l’œuvre de Voltaire est un combat contre le fanatisme et l’intolérance: « On entend aujourd’hui par fanatisme une folie religieuse, sombre et cruelle. C’est une maladie qui se gagne comme la petite vérole. » Dictionnaire philosophique, 1764, article « Fanatisme ». Il a en tout cas lutté contre le fanatisme, celui de l’Église catholique romaine comme celui du protestantisme, symboles à ses yeux d’intolérance et d’injustice. Tracts, pamphlets, tout fut bon pour mobiliser l’opinion publique européenne. Il a aussi misé sur le rire pour susciter l’indignation: l’humour, l’ironie deviennent des armes contre la folie meurtrière qui rend les hommes malheureux. Les ennemis de Voltaire avaient d’ailleurs tout à craindre de son persiflage, mais parfois les idées nouvelles aussi. Quand en 1755, il reçoit le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, qui désapprouve l’ouvrage, répond en une lettre aussi habile qu’ironique: « J’ai reçu, monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain, je vous en remercie. […] On n’a jamais employé tant d’esprit à vouloir nous rendre bêtes ; il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j’en ai perdu l’habitude, je sens malheureusement qu’il m’est impossible de la reprendre et je laisse cette allure naturelle à ceux qui en sont plus dignes que vous et moi. […] » (Lettre à Rousseau, 30 août 1755) Le « patriarche de Ferney » représente éminemment l’humanisme militant du XVIIIe siècle. Selon Sainte-Beuve, « […] tant qu’un souffle de vie l’anima, il eut en lui ce que j’appelle le bon démon: l’indignation et l’ardeur. Apôtre de la raison jusqu’au bout, on peut dire que Voltaire est mort en combattant ». Sa correspondance compte plus de 23 000 lettres connues ainsi qu’un gigantesque Dictionnaire philosophique qui reprend les axes principaux de son œuvre, une trentaine de contes philosophiques et des articles publiés dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Cependant, son théâtre, qui l’avait propulsé au premier rang de la scène littéraire (Mérope, Zaïre et d’autres), ainsi que sa poésie (La Henriade, considérée comme la seule épopée française au XVIIIe siècle) sont oubliés. C’est à Voltaire, avant tout autre, que s’applique ce que Condorcet disait des philosophes du XVIIIe siècle, qu’ils avaient « pour cri de guerre: raison, tolérance, humanité ». La justice Voltaire s’est passionné pour plusieurs affaires et s’est démené afin que justice soit rendue. L’affaire Calas (1762) L’affaire Sirven (1764) L’affaire du chevalier de La Barre (1766) L’affaire Lally-Tollendal (1776) La liberté d’expression L’attachement de Voltaire à la liberté d’expression serait illustré par la très célèbre citation qu’on lui attribue à tort: « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ». Certains commentateurs (Norbert Guterman, A Book of French Quotations, 1963), prétendent que cette citation est extraite d’une lettre du 6 février 1770 à un abbé Le Riche où Voltaire écrirait: « Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire ». En fait, cette lettre existe, mais la phrase n’y figure pas, ni même l’idée. (Voir le texte complet de cette lettre à l’article Tolérance). Le Traité de la tolérance auquel est parfois rattachée la citation ne la contient pas non plus. De fait, la citation est absolument apocryphe (elle n’apparaît nulle part dans son œuvre publiée) et trouve sa source en 1906, non dans une citation erronée, mais dans un commentaire de l’auteure britannique Evelyn Hall, dans son ouvrage The Friends of Voltaire, où, pensant résumer la posture de Voltaire à propos de l’auteur d’un ouvrage publié en 1758 condamné par les autorités religieuses et civiles, elle écrivait « “I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it” was his attitude now » (« “Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire” était désormais son attitude »). Les guillemets maladroitement utilisés par Evelyn Hall ont été interprétés comme permettant d’attribuer la déclaration à Voltaire. En 1935, elle déclara « I did not intend to imply that Voltaire used these words verbatim, and should be much surprised if they are found in any of his works » (« Je n’ai pas eu l’intention de suggérer que Voltaire avait utilisé exactement ces mots, et serais extrêmement surprise s’ils se trouvaient dans ses œuvres »),. L’affaire à propos de laquelle Evelyn Hall écrivait concernait la publication par Helvétius en 1758 de De l’Esprit, livre condamné par les autorités civiles et religieuses et brulé. Voici ce que Voltaire écrivait dans l’article « Homme » des Questions sur l’Encyclopédie: « J’aimais l’auteur du livre De l’Esprit. Cet homme valait mieux que tous ses ennemis ensemble ; mais je n’ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu’il débite avec emphase. J’ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l’ont condamné pour ces vérités mêmes. » Autre passage pertinent: « En général, il est de droit naturel de se servir de sa plume comme de sa langue, à ses périls, risques et fortune. Je connais beaucoup de livres qui ont ennuyé, je n’en connais point qui aient fait de mal réel. […] Mais paraît-il parmi vous quelque livre nouveau dont les idées choquent un peu les vôtres (supposé que vous ayez des idées), ou dont l’auteur soit d’un parti contraire à votre faction, ou, qui pis est, dont l’auteur ne soit d’aucun parti: alors vous criez au feu ; c’est un bruit, un scandale, un vacarme universel dans votre petit coin de terre. Voilà un homme abominable, qui a imprimé que si nous n’avions point de mains, nous ne pourrions faire des bas ni des souliers [Helvétius, De l’Esprit, I, 1]: quel blasphème! Les dévotes crient, les docteurs fourrés s’assemblent, les alarmes se multiplient de collège en collège, de maison en maison ; des corps entiers sont en mouvement et pourquoi ? Pour cinq ou six pages dont il n’est plus question au bout de trois mois. Un livre vous déplaît-il, réfutez-le ; vous ennuie-t-il, ne le lisez pas ». Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie, article « Liberté d’imprimer ». La laïcité Même s’il n’utilise pas le mot « laïcité » en tant que tel, Voltaire est, néanmoins, non seulement par ses écrits mais aussi par ses démarches visant à rétablir une justice impartiale dénuée d’intérêt communautaire, un des instigateurs d’un civisme équidistant envers toutes les attitudes religieuses et opinions métaphysiques (athéisme compris), civisme qui allait de pair avec son combat pour la liberté d’expression. À l’époque de Voltaire, en France, critiquer la religion, spécialement le christianisme, reste encore un exercice risqué, car la séparation entre l’Église et de l’État n’existe pas – et que l’Église demeure très puissante. Face à l’idéalisme aveugle et fanatique, Voltaire oppose la figure de l’homme laïc, nommé « Citoyen », vu comme l’ami de tous et du bien public, policé et ne manquant jamais d’humour pour faire valoir le droit commun à s’entre-tolérer au sein d’un État qui défend la culture philosophique et poétique – tout en refusant de promouvoir telle ou telle profession de foi: « Je suis citoyen et par conséquent l’ami de tous ces messieurs [de différentes confessions]. Je ne disputerai avec aucun d’eux ; je souhaite seulement qu’ils soient tous unis dans le dessein de s’aider mutuellement, de s’aimer et de se rendre heureux les uns les autres, autant que des hommes d’opinions si diverses peuvent s’aimer, et autant qu’ils peuvent contribuer à leur bonheur ; ce qui est aussi difficile que nécessaire. Pour cet effet, je leur conseille d’abord de jeter dans le feu (...) la Gazette ecclésiastique, et tous autres libelles qui ne sont que l’aliment de la guerre civile des sots. Ensuite chacun de nos frères, soit théiste, soit turc, soit païen, soit chrétien grec, ou chrétien latin, ou anglican, ou scandinave, soit juif, soit athée, lira attentivement quelques pages des Offices de Cicéron, ou de Montaigne, et quelques fables de La Fontaine. Cette lecture dispose insensiblement les hommes à la concorde (...). On ne vendra ni circoncision, ni baptême, ni sépulture, ni la permission de courir dans le kaaba autour de la pierre noire, ni l’agrément de s’endurcir les genoux devant la Notre-Dame de Lorette, qui est plus noire encore. Dans toutes les disputes qui surviendront, il est interdit de se traiter de chien, quelque colère qu’on soit ; à moins qu’on ne traite d’hommes les chiens, quand ils nous emporteront notre dîner et qu’ils nous morderont, etc., etc., etc. » —Voltaire, Il faut prendre un parti, XXV Discours d’un Citoyen. Voltaire est par conséquent convaincu que les hommes (non parce que formant un groupe homogène, mais parce que liés entre eux par le civisme) peuvent s’allier un minimum pour œuvrer ensemble à la constitution d’une société équilibrée et équitable, même s’ils sont différents, de tous les bords culturels ; Voltaire conçoit donc une morale « civique » ou éthique « citoyenne », universelle et respectant la Liberté. Au doute de Blaise Pascal considérant, dans ses Pensées, qu’il est impossible que les hommes puissent se respecter entre eux hors de la sphère du christianisme (« Le port règle ceux qui sont dans un vaisseau ; mais où trouverons-nous ce point dans la morale ? »), Voltaire répond très simplement: « Dans cette seule maxime reçue de toutes les nations: « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît. » » (Vingt-cinquième lettre sur les Pensées de M. Pascal, XLII) Théiste, Voltaire n’en condamne pas moins fermement – toujours dans le cadre de sa philosophie laïque – les idéalismes dogmatiques dévalorisant (pour le profit d’une quelconque abstraction ou « Dieu » illusoire) les existences, la vie, la nature et les relations sociales et familiales: « Pensées de Blaise Pascal: « S’il y a un Dieu, il ne faut aimer que lui, et non les créatures. » [Réponse de Voltaire:] Il faut aimer, et très tendrement, les créatures ; il faut aimer sa patrie, sa femme, son père, ses enfants ; et il faut si bien les aimer que Dieu nous les fait aimer malgré nous. Les principes contraires ne sont propres qu’à faire de barbares raisonneurs. » —Voltaire, Vingt-cinquième lettre sur les Pensées de M. Pascal, X. Le végétarisme Voltaire refusait de voir les êtres humains comme supérieurs, de par leur essence, aux autres espèces animales ; cela correspond à son rejet des religions abrahamiques (où l’animal est le plus souvent considéré comme inférieur à l’homme) et de la doctrine des « animaux-machines » du Discours de la méthode de René Descartes – qu’il déteste, et considère comme étant la « vaine excuse de la barbarie » permettant de dédouaner l’homme de tout sentiment de compassion face à la détresse animale. Voltaire commence à s’intéresser avec constance au végétarisme, et à sa défense, vers 1761-1762 environ ; diverses lectures sont en lien avec cette affirmation « pythagoricienne » de la part du philosophe (le terme de « végétarisme » n’existait pas à l’époque): le testament de Jean Meslier, l’Émile de Jean-Jacques Rousseau, le Traité de Porphyre, touchant l’abstinence de la chair des animaux, ainsi que de nombreux ouvrages sur l’hindouisme (œuvres brahmaniques qui commencent à être traduites en français et étudiées dans les milieux intellectuels européens). Dans ses lettres, Voltaire déclare qu’il « ne mange plus de viande » « ni poisson », se définissant encore plus « pythagoricien » que Philippe de Sainte-Aldegonde, un végétarien qu’il reçut à Ferney, à côté de Genève. Chez Voltaire, le végétarisme n’est jamais justifié selon une logique liée à la santé, mais toujours pour des raisons éthiques: le végétarisme est une « doctrine humaine » et une « admirable loi par laquelle il est défendu de manger les animaux nos semblables ». Prenant comme exemple Isaac Newton, la compassion pour les animaux se révèle pour lui une solide base pour une « vraie charité » envers les hommes, et Voltaire affirme qu’on ne mérite « guère le nom de philosophe » si on ne possède point cette « humanité, vertu qui comprend toutes les vertus ». Dans Le Dialogue du chapon et de la poularde, Voltaire fait dire aux animaux que les hommes qui les mangent sont des « monstres », « monstres » humains qui, d’ailleurs, s’entretuent cruellement, aussi ; le chapon y fait l’éloge de l’Inde où « les hommes ont une loi sainte qui depuis des milliers de siècles leur défend de nous manger » ainsi que des philosophes antiques européens: « Les plus grands philosophes de l’Antiquité ne nous mettaient jamais à la broche. Ils tâchaient d’apprendre notre langage, et de découvrir nos propriétés si supérieures à celle de l’espèce humaine. Nous étions en sûreté comme à l’âge d’or. Les sages ne tuent point les animaux, dit Porphyre ; il n’y a que les barbares et les prêtres qui les tuent et les mangent. » —Voltaire, Le Dialogue du chapon et de la poularde. Dans La Princesse de Babylone, Voltaire fait dire à un oiseau que les animaux ont « une âme », tout comme les hommes. Et dans le Traité sur la tolérance (note du chapitre XII), Voltaire rappelle que la consommation de chair animale et de traiter les animaux comme de stricts objets ne sont point des pratiques universelles et qu’« il y a une contradiction manifeste à convenir que Dieu a donné aux bêtes tous les organes du sentiment, et à soutenir qu’il ne leur a point donné de sentiment. Il me paraît encore qu’il faut n’avoir jamais observé les animaux pour ne pas distinguer chez eux les différentes voix du besoin, de la souffrance, de la joie, de la crainte, de l’amour, de la colère, et de toutes les affections ». Dans l’Article « Viande » du Dictionnaire philosophique, Voltaire montre que Porphyre regardait « les animaux comme nos frères, parce qu’ils sont animés comme nous, qu’ils ont les mêmes principes de vie, qu’ils ont ainsi que nous des idées, du sentiment, de la mémoire, de l’industrie. » Le végétarisme de Voltaire s’affirme donc comme une posture philosophique opposée à toute attitude anthropocentrique. Le philosophe ne croit pas que l’humanité soit le centre de la création ou le sommet de la chaîne alimentaire – et que les animaux soient en dessous des nations humaines et comme uniquement « prédestinés » à servir de nourriture aux hommes: « Les moutons n’ont pas sans doute été faits absolument pour être cuits et mangés, puisque plusieurs nations s’abstiennent de cette horreur ». Dans La Philosophie de l’histoire (chapitre XVII, « de l’Inde »), Voltaire défend la doctrine de la réincarnation des âmes (« métempsychose ») qui prévaut chez les Indiens (ou « Hindous »), dans les terres « vers le Gange », et qui est selon lui un « système de philosophie qui tient aux mœurs » inspirant « une horreur pour le meurtre et pour toute violence ». Cette considération voltairienne se retrouve aussi dans Les Lettres d’Amabed (« Seconde lettre d’Amabed à Shastadid »), où un jeune hindou de Bénarès, élève d’un missionnaire chrétien jésuite qui veut l’évangéliser et lui faire abjurer la foi de ses ancêtres, se désole de voir les Européens, colonisant l’Inde et commettant « des cruautés épouvantables pour du poivre », tuer des petits poulets. Cette posture morale végétarienne est pour Voltaire une occasion de relativiser les certitudes occidentales issues du christianisme, par une universalisation des références niant tout ethnocentrisme et tout anthropocentrisme. C’est aussi une occasion de louer les « Païens » et leur philosophie antique (grecque ou indienne) et de se moquer ouvertement du clergé chrétien et des institutions ecclésiastiques – convaincus de leur exemplarité –, qui font grand cas de détails dogmatiques infimes concernant les croyances à reconnaître ou à condamner (rappel de la haine entre Catholiques, Juifs et Protestants), mais qui refusent d’éduquer les masses à la clémence envers les animaux, sont incapables de promouvoir le végétarisme: « Je ne vois aucun moraliste parmi nous, aucun de nos loquaces prédicateurs, aucun même de nos tartufes, qui ait fait la moindre réflexion sur cette habitude affreuse [« se nourrir continuellement de cadavres » selon Voltaire]. Il faut remonter jusqu’au pieux Porphyre, et aux compatissants pythagoriciens pour trouver quelqu’un qui nous fasse honte de notre sanglante gloutonnerie, ou bien il faut voyager chez les brahmanes ; car, (...) ni parmi les moines, ni dans le concile de Trente, ni dans nos assemblées du clergé, ni dans nos académies, on ne s’est encore avisé de donner le nom de mal à cette boucherie universelle. » —Voltaire, Il faut prendre un parti (Du mal, et en premier lieu de la destruction des bêtes). Opposition à la vivisection Voltaire s’insurgea contre les pratiques de vivisection de son temps (l’expérimentation sur des animaux se généralisant avec le dogme des « animaux-machines » de Descartes, ainsi que dans les séminaires jansénistes): « Des barbares saisissent ce chien, qui l’emporte prodigieusement sur l’homme en amitié ; ils le clouent sur une table, et ils le dissèquent vivant pour te montrer les veines mézaraïques. Tu découvres dans lui tous les mêmes organes de sentiment qui sont dans toi. Réponds-moi, machiniste ; la nature a-t-elle arrangé tous les ressorts du sentiment dans cet animal afin qu’il ne sente pas ? A-t-il des nerfs pour être impassible ? Ne suppose point cette impertinente contradiction dans la nature. » À propos de Voltaire et Rousseau « Le public a toujours pris plaisir à faire aller de pair ces deux hommes à jamais célèbres. Tous les deux, avec de si grands moyens, se sont proposé le même but, le bonheur du genre humain », écrit dès 1818 Bernardin de Saint-Pierre, l’ami de Rousseau, dans son Parallèle de Voltaire et de J.-J. Rousseau, premier d’une suite innombrable. Tout oppose les deux grandes figures des Lumières que la Révolution française a installé l’un à côté de l’autre au Panthéon, Voltaire en 1791, Rousseau en 1794. Voltaire est un fils de bourgeois parisien, sujet d’une monarchie absolue. Il reçoit une éducation classique dans le meilleur collège de la capitale. Son esprit se forme dans la fréquentation de la société du Temple et de la cour de Sceaux. Il aime l’argent, le luxe, le monde, le théâtre. Il fréquente les princes et les rois. Persuadé que la liberté d’esprit est inséparable de l’aisance matérielle, il devient riche et mène à Ferney une vie de seigneur. Il se pense en chef de parti, en responsable du clan philosophique. Son objectif est de faire pénétrer peu à peu les Lumières au sommet de l’État. C’est un écrivain engagé. Il est pessimiste mais d’humeur gaie. Déiste, il hait la religion chrétienne. Extraverti, il a horreur de l’introspection et parle peu de lui dans ses Mémoires. Esprit précis et positif, son arme est l’ironie et c’est à l’esprit qu’il s’adresse. Rousseau est un fils d’horloger genevois, citoyen d’une république. Il est autodidacte et campagnard. Il aime la vie simple, le travail humble, la solitude, la nature. S’il bénéficie, comme beaucoup de gens de lettres, de la protection des grands (prince de Conti, maréchal de Luxembourg), il ne veut pas des bienfaits dont la société est prête à l’accabler. Il reste pauvre, persuadé qu’il se met moralement du bon côté et gagne son pain en copiant de la musique. Chez lui, tout est adhésion individuelle à une doctrine élaborée par un individu unique. Ce n’est pas un écrivain engagé. Il est foncièrement optimiste mais d’humeur ombrageuse. Protestant de Genève, il reste toujours chrétien par le cœur, sinon par le dogme et la conduite. Égotiste, il se livre intimement dans ses Confessions. Il a l’âme poétique, rêveuse, aisément émue. Son arme, c’est l’éloquence, et c’est au sentiment qu’il parle. Les deux hommes ont entretenu longtemps des relations courtoises avant leur rupture en 1760. Rousseau, qui admire Voltaire, lui envoie en 1755 son Discours sur l’inégalité qui fait suite à son Discours sur les sciences et les arts de 1750. Il lui rend « l’hommage que nous vous devons tous comme à notre chef ». La critique de la civilisation, la dénonciation du « luxe », de l’inégalité sociale et de la propriété, l’exaltation du primitivisme de Rousseau ne peuvent que rencontrer l’incompréhension de Voltaire. Mais Rousseau participe au combat philosophique, c’est un ami de Diderot et d’Alembert, un collaborateur de l’Encyclopédie. Voltaire lui répond ironiquement: « J’ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain, je vous en remercie (…) On n’a jamais tant employé d’esprit à vouloir nous rendre bêtes ; il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j’en ai perdu l’habitude, je sens malheureusement qu’il m’est impossible de la reprendre ». Rousseau répond sans acrimonie. Leur échange de lettres est publié dans le Mercure de 1755. En 1756, lorsque Voltaire envoie à Rousseau son Poème sur le désastre de Lisbonne, l’incompréhension est cette fois du côté de ce dernier. Il répond: « Rassasié de gloire et désabusé des vaines grandeurs, vous vivez libre au sein de l’abondance: vous ne trouvez pourtant que mal sur terre ; et moi, homme obscur, pauvre, tourmenté d’un mal sans remède, je médite avec plaisir dans ma retraite et trouve que tout est bien. D’où viennent ces contradictions apparentes ? Vous l’avez-vous-même expliqué: vous jouissez, moi j’espère, et l’espérance adoucit tout ». Voltaire ne répond pas sur le fond. Dans les Confessions, Rousseau dit que la véritable réponse lui fut donnée avec Candide (1759). En 1758, à la suite de la parution de l’article de D’Alembert, « Genève », dans l’Encyclopédie, Rousseau publie sa Lettre à d’Alembert sur les spectacles. Il rompt à cette occasion avec Diderot, l’ami de ses débuts et avec les Encyclopédistes. Visant Voltaire qui milite pour faire autoriser la comédie à Genève (elle le sera en 1783), il reprend la thèse de son premier Discours: le théâtre à Genève favoriserait le luxe, accroîtrait l’inégalité, altérerait la liberté et affaiblirait le civisme. Pour Voltaire, nier la valeur morale et humaine du théâtre, c’est nier l’évidence. Mais il ne veut pas répondre. « Moi », écrit-il à d’Alembert, « je fais comme celui qui pour toute réponse à des arguments contre le mouvement se mit à marcher. Jean-Jacques démontre qu’un théâtre ne peut convenir à Genève, et moi j’en bâtis un (Il s’agit de l’ouverture d’une salle de spectacle dans son château de Tourney en 1760) ». L’affrontement est cependant resté courtois jusqu’à la véritable déclaration de guerre (publiée plus tard dans les Confessions, livre X) que Rousseau adresse à Voltaire le 17 juin 1760: « Je ne vous aime point, Monsieur ; vous m’avez fait tous les maux qui pouvaient m’être les plus sensibles, à moi, votre disciple et votre enthousiaste. Vous avez perdu Genève, pour le prix de l’asile que vous y avez reçu ; vous avez aliéné de moi mes concitoyens pour le prix des applaudissements que je vous ai prodigués parmi eux ; c’est vous qui me rendez le séjour de mon pays insupportable ; c’est vous qui me ferez mourir en terre étrangère (…) Je vous hais, enfin, puisque vous l’avez voulu ; mais je vous hais en homme plus digne de vous aimer si vous l’aviez voulu. De tous les sentiments dont mon cœur était pénétré pour vous il n’y reste que l’admiration qu’on ne peut refuser à votre beau génie, et l’amour de vos écrits ». Cette fois, Voltaire est ulcéré: « Une telle lettre de la part d’un homme avec qui je ne suis pas en commerce me paraît merveilleusement folle, absurde et offensante », écrit-il à Mme du Deffand, « Comment un homme qui a fait des comédies peut-il me reprocher d’avoir fait des spectacles chez moi en France ? Pourquoi me fait-il l’outrage de me dire que Genève m’a donné un asile ? Je n’ai pas assurément besoin d’asile, et j’en donne quelquefois (…) il imprime que je suis le plus adroit et le plus violent de ses persécuteurs. Je ne crois pas qu’on puisse faire à un homme injure plus atroce que de l’appeler persécuteur ». À la parution en 1761 du roman de Rousseau, La Nouvelle Héloise (l’un des grands succès d’édition du siècle), il se venge dans un pamphlet, trouvant « sot, bourgeois, impudent, ennuyeux » ce récit en six tomes qui ne contient que « trois à quatre pages de faits et environ mille de discours moraux ». Les choses sérieuses commencent en 1762, lorsque, Rousseau décrété de prise de corps après la publication de ses grands ouvrages, le Contrat social et l’Émile, doit s’enfuir de France. À Genève, l’auteur est menacé d’arrestation s’il vient dans la ville et ses livres sont brulés. Pour Rousseau, malade, déprimé, ces persécutions sont le résultat, direct ou indirect, de l’influence dont jouit Voltaire à Genève comme à Paris. Dans les Lettres sur la Montagne, il accuse Voltaire d’être l’auteur du Sermon des cinquante, libelle anonyme profondément antichrétien paru en 1762, d’être complice de ses persécuteurs, de préférer au raisonnement la plaisanterie, de publier des ouvrages abominables et de ne pas croire en Dieu. Voltaire répond par un libelle anonyme (Rousseau n’a jamais su qu’il en était l’auteur), le Sentiment des Citoyens où il suggère l’exécution de Rousseau, révélant que l’auteur de l’Émile a fait porter et déposer ses cinq enfants (qu’il a eus avec Thérèse Levasseur) aux Enfants-trouvés: « si on châtie légèrement un romancier impie, on punit capitalement un vil séditieux ». Il tient Rousseau pour un « déguisé en saltimbanque » misérable et estime justifiées les plus basses attaques (les problèmes urinaires de Rousseau sont le fruit de ses « débauches »), au point de perdre tout sens de la mesure (ainsi dans le poème burlesque La Guerre civile de Genève où il s’acharne particulièrement contre Rousseau et sa compagne). Animé par la rage, il le poursuit jusque dans son exil en Angleterre, faisant paraître anonymement dans les journaux de Londres la Lettre au Docteur Jean-Jacques Pansophe (1760) pour le brouiller avec ses hôtes. Désormais, Voltaire va mener contre Rousseau une campagne d’insultes et de railleries, même s’il écrit en 1767: « Pour moi, je ne le regarde pas comme un fou. Je le crois malheureux à proportion de son orgueil: c’est-à-dire qu’il est l’homme du monde le plus à plaindre ». Voltaire et les femmes La vie et l’œuvre de Voltaire dévoilent une place intéressante accordée aux femmes. Plusieurs de ses pièces sont entièrement dédiées aux vies exceptionnelles de femmes de pouvoir de civilisations orientales. Cette vision des femmes au pouvoir peut éclairer l’attachement de Voltaire à une femme savante comme Émilie du Châtelet. En 1713, jeune secrétaire d’ambassade à La Haye, Voltaire s’éprend d’Olympe Dunoyer (ou du Noyer), alias Pimpette. C’est très vite le grand amour. La mère de cette jeune fille, une huguenote française exilée en Hollande, haïssant la monarchie française, va porter plainte à l’ambassadeur. Furieux, craignant un scandale, celui-ci renvoie Voltaire en France. C’est largement grâce aux femmes que Voltaire se faufile dans la haute société de la Régence. Louise Bénédicte de Bourbon, duchesse du Maine réunissait dans son château de Sceaux une coterie littéraire qui complotait contre le duc Philippe d’Orléans (1674-1723). On y poussa Voltaire à exercer sa verve railleuse contre le Régent, ce qui valut à l’auteur un début de notoriété, et onze mois de Bastille. Les fréquentations féminines de Voltaire ne sont pas toutes de nature littéraire: c’est surtout pour favoriser ses affaires qu’il séduit l’épouse d’un président à mortier au parlement de Rouen, le marquis de Bernières, qu’il associe à ses spéculations, et aux ruses coûteuses déployées pour éditer La Henriade en dépit de la censure royale. Grâce au succès de sa première tragédie Œdipe, Voltaire fait la connaissance de la duchesse de Villars, dont il s’éprend, mais sans que la réciproque soit vraie ; reste, là aussi, l’introduction dans le cercle aristocratique éclairé gravitant autour de Charles Louis Hector, maréchal de Villars, qui recevait en son château de Vaux (Vaux-le-Vicomte). Quant à l’amour, Voltaire s’en dit « guéri », au profit de l’amitié, qu’il cultivera effectivement toute sa vie. Voltaire a des liaisons éphémères avec quelques actrices, notamment Suzanne de Livry et Adrienne Lecouvreur, mais de santé précaire, il s’est toujours préservé des excès, y compris amoureux. La relation avec Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet-Lomont est en revanche plus sérieuse. La traductrice de Newton est très douée pour les lettres autant que pour les sciences ou la philosophie. Elle est mariée, mais le marquis du Châtelet est un éternel absent, et Émilie, que tout passionne, tombe amoureuse sans mesure du prestigieux poète, qui lui est présenté en 1733, et qu’elle aimera jusqu’à sa mort, seize ans plus tard. Cirey (Cirey-sur-Blaise), le château de famille des Châtelet abrite leurs amours ; Voltaire en entreprend la restauration et l’agrandissement à ses frais. Leur vie est quasi maritale, mais des plus mouvementée ; les échanges intellectuels intenses: Voltaire qui, jusque-là s’était consacré au « grand genre », la tragédie et le poème épique, opte résolument pour ce qui fera la particularité de son œuvre: le combat politique et philosophique contre l’intolérance. Une relation fusionnelle, donc, autant que studieuse et féconde. C’est par une tromperie philosophique que s’engagera la fin d’une l’idylle de dix ans: la marquise renonce au matérialisme newtonien pour lui préférer le déterminisme optimiste de Leibniz, ce à quoi Voltaire ne saurait consentir. Moins sentimentale désormais, l’alliance persiste malgré tout. La marquise sauve plusieurs fois Voltaire des conséquences de ses insolences, et Voltaire éponge parfois les colossales dettes de jeu d’Émilie. La situation se complique singulièrement lorsque Mme du Châtelet s’éprend du marquis de Saint-Lambert (Jean-François de Saint-Lambert). Émilie est enceinte, et Voltaire concocte un stratagème pour que le mari de la marquise se croie le père de l’enfant. Émilie meurt peu après l’accouchement, laissant Voltaire désespéré: il devait à Émilie du Châtelet ses années les plus heureuses. En 1745, Voltaire devient, à cinquante ans, l’amant de sa nièce (l’une des deux filles de sa sœur aînée) Marie-Louise Denis. Voltaire a soigneusement dissimulé cette passion incestueuse et « adultère » (il est toujours l’amant en titre de la très jalouse Mme du Châtelet). Mme Denis n’est du reste pas des plus fidèles, et ne dédaigne pas de profiter de la fortune (considérable) du poète. Le couple ne cohabite vraiment qu’à la mort de Mme du Châtelet en 1749. Sauf pendant l’épisode prussien, Voltaire et sa nièce ne se sépareront plus. Marie-Louise Denis va régner sur le ménage de Voltaire jusqu’à sa mort. Bourgeoise, elle sait conduire une maisonnée, ce dont ne se souciait pas Mme du Châtelet. Mais elle ne sera jamais, comme elle, la confidente et la conseillère de ses travaux. Mme d’Épinay a fait de Mme Denis un portrait caricatural lors de sa visite aux Délices en novembre 1757: « La nièce de M. de Voltaire est à mourir de rire, c’est une petite grosse femme, toute ronde, d’environ cinquante ans, femme comme on ne l’est point, laide et bonne, menteuse sans le vouloir et sans méchanceté ; n’ayant pas d’esprit et en paraissant avoir ; criant, décidant, politiquant, versifiant, déraisonnant, et tout cela sans trop de prétention et surtout sans choquer personne, ayant par-dessus tout un petit vernis d’amour masculin qui perce à travers la retenue qu’elle s’est imposée. Elle adore son oncle, en tant qu’oncle et en tant qu’homme. Voltaire la chérit, s’en moque, la révère: en un mot cette maison est le refuge de l’assemblage des contraires et un spectacle charmant pour les spectateurs ». Mais le portrait qu’a laissé d’elle Van Loo montre un visage bien dessiné, un regard agréable et une certaine sensualité. « Prenez soin de maman… » aurait été l’une des dernières paroles de Voltaire mourant. Voltaire et l’homosexualité Dans le Dictionnaire Philosophique, Voltaire qualifie l’homosexualité d’« attentat infâme contre la nature » (encore faut-il lire la phrase entière, « Comment s’est-il pu faire qu’un vice, destructeur du genre humain s’il était général ; qu’un attentat infâme contre la nature, soit pourtant si naturel ? »), d’« abomination dégoûtante », ou encore de « turpitude ». Il écrit notamment: « Sextus Empiricus & d’autres, ont beau dire que la pédérastie était recommandée par les loix de la Perse ; qu’ils citent le texte de la loi, qu’ils montrent le Code des Persans ; & s’ils le montrent, je ne le croirai pas encor, je dirai que la chose n’est pas vraye, par la raison qu’elle est impossible ; non, il n’est pas dans la nature humaine de faire une loi qui contredit, & qui outrage la nature, une loi qui anéantirait le genre humain si elle était observée à la lettre ». Voltaire refuse donc que l’homosexualité (ou plus précisément: la « pédérastie ») soit une norme sociale « observée à la lettre » et généralisée: on ne peut pas en faire une loi naturelle – puisqu’elle n’est pas universellement partagée entre les êtres humains – et que l’hétérosexualité est de toute évidence majoritaire et nécessaire au renouvellement de l’espèce. À noter cependant dans le Traité de Métaphysique, 1735, chapitre IX, cette phrase: « L’adultère et l’amour des garçons seront permis chez beaucoup de nations: mais vous n’en trouverez aucune dans laquelle il soit permis de manquer à sa parole ; parce que la société peut bien subsister entre des adultères et des garçons qui s’aiment, mais non pas entre des gens qui se feraient une gloire de se tromper les uns les autres ». Daniel Borrillo et Dominique Colas, dans leur ouvrage L’Homosexualité de Platon à Foucault, estiment que « Voltaire aborde la question dans son dictionnaire philosophique sous le chapitre Amour nommé socratique d’une manière si légère et si violente qu’il semble avoir été écrit par un théologien du Moyen Âge plutôt que par un philosophe de la Raison ». Voltaire ne fait toutefois aucune référence à la Bible, à la différence de l’article « Sodomie » de l’Encyclopédie paru en 1765 et lui, très « théologique ». Par ailleurs, l’article du Dictionnaire philosophique a été très développé dans les Questions sur l’Encyclopédie (à partir de 1770). Selon Roger-Pol Droit, « Pareil acharnement est d’autant plus curieux qu’il est difficile de l’imputer au climat de l’époque (…). La plupart des philosophes des Lumières sont d’ailleurs plus que tolérants envers les partenaires de même sexe. Au contraire, Voltaire n’a cessé de juger ces mœurs contre nature, dangereuses, infâmes ». Mais c’est surtout l’homosexualité – conçue comme « pédérastie » qui est vivement condamnée par Voltaire, le philosophe craignant des abus sexuels sur mineurs – si les références à l’Antiquité gréco-romaine viennent à justifier, à tort et à travers, des « amours socratiques » où un pédagogue a des relations sexuelles avec les jeunes adolescents qui sont ses élèves ; en effet: « Je ne peux souffrir qu’on prétende que les Grecs ont autorisé cette licence. On cite le législateur Solon, parce qu’il a dit en deux mauvais vers, Tu chériras un beau garçon,/ Tant qu’il n’aura barbe au menton. (...) Sextus Empiricus qui doutait de tout, devait bien douter de cette jurisprudence. S’il vivait de nos jours, & qu’il vît deux ou trois jeunes Jésuites abuser de quelques écoliers, aurait-il droit de dire que ce jeu leur est permis par les constitutions d’Ignace de Loyola ? » —Voltaire, Dictionnaire philosophique portatif, Amour nommé socratique. Voltaire et l’esclavagisme Voltaire était fondamentalement opposé à l’image du « bon sauvage » des pays équatoriaux ou que l’homme est « bon » à l’état de nature, image promue par Jean-Jacques Rousseau ou Denis Diderot – avec, par exemple, son Supplément au voyage de Bougainville (« innocence » du « primitif » rappelant d’ailleurs l’image biblique du Jardin d’Eden, lorsqu’Adam et Eve n’ont point encore goûté au fruit de la connaissance du bien et du mal). Voltaire considère que les hommes noirs, des pays équatoriaux, sont des « animaux humains » comme le sont aussi les hommes blancs, et que, si les Africains sont victimes de l’Européen, ce n’est pas parce que l’Européen est corrompu par la société – tandis que les Africains ne le sont point, comme vierges de toute culpabilité, mais bien parce que les chefs nègres collaborent activement avec les marchands européens pour leur vendre des esclaves africains ; ainsi, Voltaire ne cherche pas à dédouaner de leur responsabilité les peuples africains dans la traite négrière (en les infantilisant ou en clamant qu’ils sont trop naïfs pour ne pas savoir ce qu’ils font, comme incapables de distinguer le bien et le mal), et écrit, dans son Essai sur les mœurs et l’esprit des Nations: « Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir. » Ce refus de faire des Africains un peuple essentiellement « irresponsable », démontre que Voltaire s’écarte de tout discours justifiant une essence humaine, discours permettant de soutenir qu’il y a des hommes qui, par leur seule naissance, sont destinés à être dominés et oppressés, et d’autres – à dominer et à oppresser: pour Voltaire, c’est parce que les Africains noirs n’ont pas pitié des leurs – et ne les protègent pas des abus, que les Européens peuvent les asservir sans problème par l’esclavage, et non parce que les hommes noirs sont par leur nature même « naïfs » – abusés malgré eux, comme le prétendent les Européens croyant au « bon sauvage ». Voltaire a fermement condamné l’esclavagisme. Le texte le plus célèbre est la dénonciation des mutilations de l’esclave de Surinam dans Candide mais son corpus comporte plusieurs autres passages intéressants. Dans le « Commentaire sur l’Esprit des lois » (1777), il félicite Montesquieu d’avoir jeté l’opprobre sur cette odieuse pratique. Il s’est également enthousiasmé pour la libération de leurs esclaves par les quakers de Pennsylvanie en 1769. De la même manière le fait qu’il considère en 1771 que « de toutes les guerres, celle de Spartacus est la plus juste, et peut-être la seule juste », guerre que des esclaves ont menée contre leurs oppresseurs, plaide assurément en faveur de la thèse d’un Voltaire antiesclavagiste. Lors des dernières années de sa vie, en compagnie de son avocat et ami Christin, il a lutté pour la libération des « esclaves » du Jura qui constituaient les derniers serfs présents en France et qui, en vertu du privilège de la main-morte, étaient soumis aux moines du chapitre de Saint-Claude (Jura). C’est un des rares combats politiques qu’il ait perdu ; les serfs ne furent affranchis que lors de la Révolution française, dont Voltaire inspira certains des principes. À tort, on a souvent prétendu que Voltaire s’était enrichi en ayant participé à la traite des Noirs. On invoque à l’appui de cette thèse une lettre qu’il aurait écrite à un négrier de Nantes pour le remercier de lui avoir fait gagner 600 000 livres par ce biais. En fait, cette prétendue lettre est un faux. Voltaire, le racisme et l’antisémitisme Pour Christian Delacampagne, « Voltaire, il faut s’y résoudre, est à la fois polygéniste, raciste et antisémite », car, animé par ce qu’il considère comme l’obscurantisme religieux, « il poursuit d’une même haine le christianisme et le judaïsme. Et comme il lui faut à tout prix se démarquer des doctrines défendues par ces deux religions, il se croit obligé d’attaquer avec vigueur le monogénisme » (selon quoi Adam et Ève sont le couple humain unique et originel). Ainsi, dans l’introduction de l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, Voltaire écrit: « Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos, les Hottentots, les Chinois, les Américains, soient des races entièrement différentes… Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d’hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu’ils ne doivent point cette différence à leur climat, c’est que les nègres et les négresses, transplantés dans des pays les plus froids, y produisent toujours des animaux de leur espèce… » [non neutre]Cet extrait doit être lu avec les références du XVIIIe siècle: le mot « race » à cette époque n’a pas du tout le sens que lui a donné le XIXe siècle – et n’a aucune connotation péjorative (du fait que l’eugénisme scientifique n’est pas encore présent au XVIIIe siècle), ainsi que le terme « intelligence ». « Race » désigne davantage un ca-RAC-tère, un genre, un type, et « intelligence » les qualités intellectuelles propres. [non neutre]Bien avant Darwin et sa théorie de l’évolution, Voltaire remet donc totalement en question le dogme abrahamique consistant à affirmer que l’espèce humaine, en son intégralité, vient d’un seul couple originel (Adam et Ève) créé par Jéhovah, mais considère, au contraire, que l’humanité – à la manière de toutes les autres espèces animales –, est issue de différentes branches distinctes qui ont évolué de manière multiple, en lien étroit avec la géographie et leur hérédité physique particulière (c’est ce que défend aussi Montesquieu, qui prétend, dans son Esprit des lois, que les cultures humaines se constituent différemment selon le climat et la géographie où elles s’épanouissent). D’après la revue catholique traditionaliste, La Nef, l’attitude de Voltaire envers les Juifs, notamment dans certains passages du Dictionnaire Philosophique ou des « Essais sur les Mœurs » pose la question de son antisémitisme, exprimé à de nombreuses reprises. Dans l’article « Tolérance », il écrit: « Il est certain que la nation juive est la plus singulière qui jamais ait été dans le monde. Quoiqu’elle soit la plus méprisable aux yeux de la politique, elle est, à bien des égards, considérable aux yeux de la philosophie.. » Il écrit aussi: « Si ces Ismaélites [les Arabes, qui, selon la Bible, descendent d’Ismaël] ressemblaient aux Juifs par l’enthousiasme et la soif du pillage, ils étaient prodigieusement supérieurs par le courage, par la grandeur d’âme, par la magnanimité […] Ces traits caractérisent une nation. On ne voit au contraire, dans toutes les annales du peuple hébreu, aucune action généreuse. Ils ne connaissent ni l’hospitalité, ni la libéralité, ni la clémence. Leur souverain bonheur est d’exercer l’usure avec les étrangers ; et cet esprit d’usure, principe de toute lâcheté, est tellement enracinée dans leurs cœurs, que c’est l’objet continuel des figures qu’ils emploient dans l’espèce d’éloquence qui leur est propre. Leur gloire est de mettre à feu et à sang les petits villages dont ils peuvent s’emparer. Ils égorgent les vieillards et les enfants ; ils ne réservent que les filles nubiles ; ils assassinent leurs maitres quand ils sont esclaves ; ils ne savent jamais pardonner quand ils sont vainqueurs: ils sont ennemis du genre humain. Nulle politesse, nulle science, nul art perfectionné dans aucun temps, chez cette nation atroce. » —Essais sur les Mœurs, Voltaire, éd. Moland, 1875, t. 11, chap. 6-De l’Arabie et de Mahomet, p. 231.[réf. nécessaire]Voltaire méprise le judaïsme qu’il conçoit comme un idéalisme fanatique et dogmatique – source du christianisme et de l’islam. Mais il évacue toute idée de détestation raciale ou de haine perverse. Voltaire tolère, mais Voltaire combat par les idées. Pour Bernard Lazare (+ 1903), « si Voltaire fut un ardent judéophobe, les idées que lui et les encyclopédistes représentaient n’étaient pas hostiles aux Juifs, puisque c’étaient des idées de liberté et d’égalité universelle ». L’historien de la Shoah, Léon Poliakov fait de Voltaire, « le pire antisémite français du XVIIIe siècle ». Selon lui, ce sentiment se serait aggravé dans les quinze dernières années de la vie de Voltaire. Il paraîtrait alors lié au combat du philosophe contre l’Église. Certes, Voltaire déteste les Hébreux de l’Ancien Testament qui prétendent être le peuple élu: nul peuple n’est tel pour lui. Mais Voltaire n’appelle pas sur les juifs la persécution raciale à la différence des antisémites du XIXe siècle et du XXe siècle. Au contraire, les critiques de Voltaire envers le judaïsme (ou envers le christianisme, l’islam, le manichéisme, le polythéisme et l’athéisme) servent de point d’appui pour glorifier une éthique universelle, la tolérance et le respect au-delà des doctrines métaphysiques: « Vous [les Israélites] me paraissez les plus fous de la bande [hommes se disputant pour leurs opinions religieuses respectives, athées compris]. Les Cafres, les Hottentots, les nègres de Guinée sont des êtres beaucoup plus raisonnables et plus honnêtes que vos Juifs les ancêtres. Vous l’avez emporté sur toutes les nations en fables impertinentes, en mauvaise conduite, et en barbarie. (...) Pourquoi seriez-vous une puissance ? (...) Continuez surtout à être tolérants ; c’est le vrai moyen de plaire à l’Être des êtres, qui est également le père des Turcs et des Russes, des Chinois et des Japonais [deux couples de nations voisines souvent en conflit], des nègres, des tannés et des jaunes, et de la nature entière. » —Voltaire, Il faut prendre un parti ; XXIV Discours d’un théiste. Pour Pierre-André Taguieff, « Les admirateurs inconditionnels de la « philosophie des Lumières », s’ils prennent la peine de lire le troisième tome (De Voltaire à Wagner) de l’Histoire de l’antisémitisme, paru en 1968, ne peuvent que nuancer leurs jugements sur des penseurs comme Voltaire ou le baron d’Holbach, qui ont reformulé l’antijudaïsme dans le code culturel « progressiste » de la lutte contre les préjugés et les superstitions ». D’autres notent que l’existence de passages contradictoires dans l’œuvre de Voltaire ne permet pas de conclure péremptoirement au racisme ou à l’antisémitisme du philosophe. « L’antisémitisme n’a jamais cherché sa doctrine chez Voltaire », indique ainsi Roland Desné, qui écrit: « Il est non moins vrai que ce n’est pas d’abord chez Voltaire qu’on trouve des raisons pour combattre l’antisémitisme. Pour ce combat, il y a d’abord l’expérience et les raisons de notre temps. Ce qui ne signifie pas que Voltaire, en compagnie de quelques autres, n’ait pas sa place dans la lointaine genèse de l’histoire de ces raisons-là ». Voltaire et l’islam Déiste, Voltaire était attiré par la rationalité apparente de l’islam, religion sans clergé, sans miracle et sans mystères. Reprenant la thèse déiste de Henri de Boulainvilliers, il apercevait dans le monothéisme musulman une conception plus rationnelle que celle de la Trinité chrétienne. Dans sa tragédie Le Fanatisme ou Mahomet, Voltaire considère Mahomet comme un « imposteur », un « faux prophète », un « fanatique » et un « hypocrite »,. Toutefois selon Pierre Milza, la pièce a surtout été « un prétexte à dénoncer l’intolérance des chrétiens – catholiques de stricte observance, jansénistes, protestants – et les horreurs perpétrées au nom du Christ ». Pour Voltaire, Mahomet « n’est ici autre chose que Tartuffe les armes à la main ». Voltaire écrira en 1742 dans une lettre à M. de Missy: « Ma pièce représente, sous le nom de Mahomet, le prieur des Jacobins mettant le poignard à la main de Jacques Clément ». Plus tard, après avoir lu Henri de Boulainvilliers et Georges Sale, il reparle de Mahomet et de l’islam dans un article « De l’Alcoran et de Mahomet » publié en 1748 à la suite de sa tragédie. Dans cet article, Voltaire maintient que Mahomet fut un « charlatan », mais « sublime et hardi » et écrit qu’il n’était en outre pas un illettré. Puisant aussi des renseignements complémentaires dans la Bibliothèque orientale d’Herbelot, Voltaire, selon René Pomeau, porte un « jugement assez favorable sur le Coran » où il trouve, malgré « les contradictions, les absurdités, les anachronismes », une « bonne morale » et « une idée juste de la puissance divine » et y « admire surtout la définition de Dieu ». Ainsi, il « concède désormais » que « si son livre est mauvais pour notre temps et pour nous, il était fort bon pour ses contemporains, et sa religion encore meilleure. Il faut avouer qu’il retira presque toute l’Asie de l’idolâtrie » et qu’« il était bien difficile qu’une religion si simple et si sage, enseignée par un homme toujours victorieux, ne subjuguât pas une partie de la terre ». Il considère que « ses lois civiles sont bonnes ; son dogme est admirable en ce qu’il a de conforme avec le nôtre » mais que « les moyens sont affreux ; c’est la fourberie et le meurtre ». Après avoir estimé plus tard qu’il avait fait dans sa pièce Mahomet « un peu plus méchant qu’il n’était », c’est dans la biographie de Mahomet rédigée par Henri de Boulainvilliers que Voltaire puise et emprunte, selon René Pomeau, « les traits qui révèlent en Mahomet le grand homme ». Dans son Essai sur les mœurs et l’esprit des Nations dans lequel il consacre, en historien cette fois, plusieurs chapitres à l’islam,, Voltaire « porte un jugement presque entièrement favorable » sur Mahomet qu’il qualifie de « poète », de « grand homme » qui a « changé la face d’une partie du monde », tout en nuançant la sincérité de Mahomet qui imposa sa foi par « des fourberies nécessaires ». Il considère que si « le législateur des musulmans, homme puissant et terrible, établit ses dogmes par son courage et par ses armes », sa religion devint cependant « indulgente et tolérante ». Cependant, Voltaire est fondamentalement déiste et dénonce clairement l’Islam et les religions abrahamiques en général. Profitant de la définition du théisme dans son Dictionnaire philosophique, il jette dos à dos Islam et Christianisme: « [le théiste] croit que la religion ne consiste ni dans les opinions d’une métaphysique inintelligible, ni dans de vains appareils, mais dans l’adoration et dans la justice. Faire le bien, voilà son culte ; être soumis à Dieu, voilà sa doctrine. Le mahométan lui crie: « Prends garde à toi si tu ne fais pas le pèlerinage à La Mecque! » « Malheur à toi, lui dit un récollet, si tu ne fais pas un voyage à Notre-Dame de Lorette! » Il rit de Lorette et de La Mecque ; mais il secourt l’indigent et il défend l’opprimé. » Néanmoins, dans un contexte français marqué par l’emprise liberticide du catholicisme sur la société française, Voltaire nuance parfois son jugement sur l’Islam, comprenant qu’il peut s’agir d’une arme redoutable contre le clergé catholique. Ses propos sur Mahomet lui valent d’ailleurs les foudres des jésuites et notamment de l’abbé Claude-Adrien Nonnotte,. Dans l’Essai sur les mœurs, Voltaire se montre également « plein d’éloges pour la civilisation musulmane et pour l’islam en tant que règle de vie ». Il compare ainsi le « génie du peuple arabe » au « génie des anciens Romains » et écrit que « dans nos siècles de barbarie et d’ignorance, qui suivirent la décadence et le déchirement de l’Empire romain, nous reçûmes presque tout des Arabes: astronomie, chimie, médecine », et que « dès le second siècle de Mahomet, il fallut que les chrétiens d’Occident s’instruisissent chez les musulmans ». Il y a donc deux représentations de Mahomet chez Voltaire, l’une religieuse selon laquelle Mahomet est un prophète comme les autres qui exploite la naïveté des gens et répand la superstition et le fanatisme, mais qui prêche l’unicité de Dieu et l’autre, politique, selon laquelle Mahomet est un grand homme d’État comme Alexandre le Grand et un grand législateur qui a fait sortir ses contemporains de l’idolâtrie. Ainsi selon Diego Venturino la figure de Mahomet est ambivalente chez Voltaire, qui admire le législateur, mais déteste le conquérant et le pontife, qui a établi sa religion par la violence. Pour Dirk van der Cruysse l’image plus nuancée de Mahomet dans l’Essai sur les mœurs est nourrie en partie par « l’antipathie que Voltaire éprouvait à l’égard du peuple juif ». Selon lui, les « inefficacités de la révélation judéo-chrétienne » comparées au « dynamisme de l’islam » soulève chez Voltaire une « admiration sincère mais suspecte ». Van der Cruysse considère le discours voltairien sur Mahomet comme un « tissu d’admiration et de mauvaise foi mal dissimulé » qui vise moins le prophète lui-même que les spectres combattus par Voltaire à savoir le « fanatisme et l’intolérance du christianisme et du judaïsme ». Ce qu’il ne faut donc pas perdre de vue, c’est que Voltaire admire le Mahomet conquérant, réformateur et législateur, qu’il apprécie des caractéristiques du dogme mais seulement quand il les compare à d’autres, et qu’enfin il exècre l’Islam en tant que religion, et, dans les textes qui montrent l’éloge à Mahomet, on lit aussi une dénonciation virulente de la barbarie, du fanatisme, et de l’obscurantisme. Voltaire et le christianisme Le christianisme, dont il souhaite la disparition, n’est pour Voltaire que superstition et fanatisme. C’est dans ses lettres qu’il est le plus explicite: en 1767, il écrit à Frédéric II: « Tant qu’il y aura des fripons et des imbéciles, il y aura des religions. La nôtre est sans contredit la plus ridicule, la plus absurde, et la plus sanguinaire qui ait jamais infecté le monde »; et au Marquis d’Argence: le christianisme est "la superstition la plus infâme qui ait jamais abruti les hommes et désolé la terre",. Toute sa vie, Voltaire a répandu des écrits anti-chrétiens, tout en affirmant qu’il était étranger à ces publications (ce qui en général ne trompait personne, mais lui évitait des poursuites personnelles) et en feignant à Ferney la pratique religieuse, par exemple en faisant ses pâques en 1768 (ses bons paysans seraient « effrayés », explique-t-il dans ses lettres, s’ils le voyaient agir autrement qu’eux, s’ils pouvaient imaginer qu’il pense différemment). Ses attaques contre la croyance et les pratiques du christianisme, ses railleries sur la Bible, surtout l’Ancien Testament (dont il est un lecteur assidu), sont le propre de ce qu’on a appelé « l’esprit voltairien » et ont suscité contre lui des haines profondes. Elles se font en effet toujours sous une forme particulièrement moqueuse envers les croyants, ainsi dans Le Dîner du comte de Boulainvilliers (1767), son réquisitoire contre la messe et la communion: « Un gueux qu’on aura fait prêtre, un moine sortant des bras d’une prostituée, vient pour douze sous, revêtu d’un habit de comédien, me marmotter dans une langue étrangère ce que vous appelez une messe, fendre l’air en quatre avec trois doigts, se courber, se redresser, tourner à droite et à gauche, par devant et par derrière, et faire autant de dieux qu’il lui plaît, les boire et les manger, et les rendre ensuite à son pot de chambre! » Mais Voltaire peut être plus clément dans sa critique du christianisme, en écrivant par exemple dans sa Vingt-cinquième lettre sur les Pensées de M. Pascal, que « le christianisme n’enseigne que la simplicité, l’humanité, la charité ; vouloir le réduire à la métaphysique, c’est en faire une source d’erreurs ». La condamnation du christianisme chez Voltaire porte donc davantage sur l’idéalisme exclusif et l’aspect rituel (ou superstitieux) qui peut s’en emparer (et le desservir) – que sur les enseignements de Jésus-Christ en eux-mêmes. Voltaire préfère prendre le parti des opprimés et cultiver une philosophie à contre-courant de toutes idées et comportements préconçus – pour permettre à la Raison sensible de s’épanouir librement, plutôt que défendre et établir des systèmes de pensées abstraits sans lien avec la réalité vécue: un philosophe ne doit pas devenir un « chef de parti » enfermant son intellect dans une doctrine, même s’il prend parti. C’est surtout l’absurdité conceptualisée et érigée en dogme – et l’absence d’empathie des hommes, qui pousse Voltaire à dénoncer le christianisme et à se moquer des chrétiens et à tout ce qui leur apparaît « normal » ; dans son Dialogue du chapon et de la poularde, Voltaire en vient ainsi à faire dire au chapon, s’adressant à la poularde, que l’abstinence de viande, deux jours par semaine, dans le christianisme, est une loi « très barbare [qui] ordonne que ces jours-là on mangera les habitants des eaux. Ils vont chercher des victimes au fond des mers et des rivières. Ils dévorent des créatures dont une seule coûte souvent plus de la valeur de cent chapons: ils appellent cela jeûner, se mortifier. Enfin je ne crois pas qu’il soit possible d’imaginer une espèce plus ridicule à la fois plus abominable, plus extravagante et plus sanguinaire ». Globalement, le lien fait entre le fanatisme sanguinaire et les références abrahamiques est chez Voltaire une constante, qui participe beaucoup à son rejet du christianisme. Dans La Bible enfin expliquée, Voltaire écrit: « C’est le propre des fanatiques qui lisent les Ecritures saintes, de se dire à eux-mêmes: Dieu a tué, donc il faut que je tue ; Abraham a menti, Jacob a trompé, Rachel a volé, donc je dois voler, tromper, mentir. Mais, malheureux! tu n’es ni Rachel, ni Jacob, ni Abraham, ni Dieu: tu n’es qu’un fou furieux, & les Papes qui défendirent la lecture de la Bible furent très sages. » Voltaire et le protestantisme L’engagement de Voltaire pour la liberté religieuse est célèbre, et un des épisodes les plus connus en est l’affaire Calas. Ce protestant, injustement accusé d’avoir tué son fils qui aurait voulu se convertir au catholicisme est mort roué en 1762. En 1763, Voltaire publie son Traité sur la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas qui bien qu’interdit aura un retentissement extraordinaire et amènera à la réhabilitation de Calas deux ans plus tard. Au départ, il n’éprouvait pas pour lui de sympathies particulières, au point d’écrire le 22 mars 1762, dans une lettre privée au conseiller Le Bault: « Nous ne valons pas grand’chose, mais les huguenots sont pires que nous, et de plus ils déclament contre la comédie ». Il venait alors d’apprendre l’exécution de Calas et, encore mal informé, il croyait à sa culpabilité. Mais des renseignements lui parviennent et, le 4 avril, il écrit à Damilaville: « Il est avéré que les juges toulousains ont roué le plus innocent des hommes. Presque tout le Languedoc en gémit avec horreur. Les nations étrangères, qui nous haïssent et qui nous battent, sont saisies d’indignation. Jamais, depuis le jour de la Saint-Barthélemy, rien n’a tant déshonoré la nature humaine. Criez, et qu’on crie ». Et il se lance dans le combat pour la réhabilitation. En 1765, Voltaire prend fait et cause pour la famille Sirven, dans une affaire très similaire ; cette fois-ci il réussira à éviter la mort aux parents. Cependant, bien qu’impressionné par la théologie des Quakers, et révolté par le massacre de la Saint-Barthélemy (Voltaire était pris de malaises tous les 24 août), Voltaire n’a pas de sympathie particulière pour le protestantisme établi. Dans sa lettre du 26 juillet 1769 à la duchesse de Choiseul, il dit bien crûment: « Il y a dans le royaume des Francs environ trois cent mille fous qui sont cruellement traités par d’autres fous depuis longtemps ». Voltaire et l’hindouisme Très critique envers les religions abrahamiques, Voltaire avait en revanche une vision positive de l’hindouisme (mais rejetant toute forme de superstition qui aurait dégradé l’origine première des enseignements brahmaniques) ; l’autorité sacrée des brahmanes, le Véda, a ainsi été commenté par le philosophe en ces termes: « Le Véda est le plus précieux don de l’Orient, et l’Occident lui en sera à jamais redevable. » Et dans son Essai sur les mœurs et l’esprit des nations (chapitre 4): « Si l’Inde, de qui toute la terre a besoin, et qui seule n’a besoin de personne, doit être par cela même la contrée la plus anciennement policée, elle doit conséquemment avoir eu la plus ancienne forme de religion. » Dans ce même chapitre, Voltaire voit le peuple hindou comme étant « un peuple simple et paisible » – « étonné » de voir des « hommes ardents », venus « des extrémités occidentales de la terre », s’entretuer mutuellement sur le sous-continent indien – pour le piller et le convertir à leur religion respective et ennemie: l’islam ou les différentes branches du christianisme. Voltaire se sert aussi des histoires et textes antiques de l’hindouisme pour ridiculiser et renier les revendications et affirmations bibliques (temps linéaire très court de la Bible, face au temps cyclique et infiniment long dans l’hindouisme, etc.), et considère que la bienveillance hindoue envers les animaux est un choix qui rend complètement honteux la malveillance générale soutenue par l’impérialisme européen, colonial et esclavagiste. Informations complémentaires À la mort de Voltaire, son corps avait été, selon sa volonté, autopsié. Le marquis de Villette s’était approprié le cœur, l’apothicaire ayant procédé à l’embaumement, M. Mitouard, avait obtenu de garder le cerveau. Villette, ayant fait l’acquisition de Ferney, décida de faire de la chambre de l’écrivain un sanctuaire. Il y dressa un petit mausolée abritant un coffret de vermeil contenant la relique. Une plaque indiquait en lettres d’or: « Son esprit est partout et son cœur est ici ». Quand il dut vendre Ferney en 1785, le marquis rapporta le cœur rue de Beaune à Paris. Il échut à son héritier, qui était devenu sous la Restauration un royaliste ultra et qui légua, à sa mort en 1859, tous ses biens au « comte de Chambord ». D’autres héritiers des Villette, en pleine querelle testamentaire, tentèrent alors de s’opposer à ce que le cœur du philosophe devint la propriété du prétendant légitimiste au trône de France. Ils perdirent leur procès en première instance et en appel, mais l’emportèrent en cassation. Ils décidèrent d’en faire don en 1864 à l’empereur Napoléon III. Le cœur de Voltaire fut déposé à la Bibliothèque nationale dans le socle du plâtre original du « Voltaire assis » de Jean-Antoine Houdon où l’on peut lire l’inscription: « Cœur de Voltaire donné par les héritiers du marquis de Villette ». Cette cérémonie de remise du 16 décembre 1864 se fit en présence de Victor Duruy, ministre de l’Instruction, qui déclara le cœur de Voltaire bien national. Le cerveau de Voltaire fut exposé dans l’officine de Mitouart pendant plusieurs années. Son fils voulut en faire don en 1799 à la Bibliothèque nationale. Le Directoire refusa. De nouvelles propositions furent faites en 1830 et 1858, suivies de nouveaux refus. Il échoua en 1924 à la Comédie française (il aurait été cédé par une descendante des Mitouart contre deux fauteuils d’orchestre) et fut placé dans le socle d’une autre statue de Houdon où il se trouve encore. On qualifia Voltaire de « franc-maçon sans tablier », car il s’était tenu à l’écart de cette confrérie, bien qu’il eût des conceptions voisines. En 1778, il accepta pourtant d’entrer dans la loge des Neuf Sœurs (que fréquentait aussi Benjamin Franklin). On le dispensa vu son âge des habituelles épreuves ainsi que du rite du bandeau sur les yeux, celui-ci semblant déplacé sur un homme qui avait été considéré par beaucoup comme l’un des plus clairvoyants de son époque. Il revêtit à cette unique occasion le tablier de Claude-Adrien Helvétius, qu’il embrassa avec respect. Les honneurs funèbres lui furent rendus en loge le 28 novembre de cette même année,. Il est courant d’entendre que Voltaire disait à propos de Marivaux et d’autres: « Grands compositeurs de rien, pesant gravement des œufs de mouche dans des balances de toiles d’araignées ». Or, s’il est exact que cette expression se rencontre effectivement chez Voltaire, elle ne vise nullement Marivaux. On la trouve dans sa lettre du 27 avril 1761 à l’abbé Trublet où il écrit: « Je me souviens que mes rivaux et moi, quand j’étais à Paris, nous étions tous fort peu de chose, de pauvres écoliers du siècle de Louis XIV, les uns en vers, les autres en prose, quelques-uns moitié prose, moitié vers, du nombre desquels j’avais l’honneur d’être ; infatigables auteurs de pièces médiocres, grands compositeurs de riens, pesant gravement des œufs de mouche dans des balances de toile d’araignée ». Quant au nom de l’auteur du Jeu de l’amour et du hasard, il ne se trouve pas une seule fois dans la lettre. Voltaire a la réputation d’avoir été un grand amateur de café, et il fréquentait souvent le Procope. Il aurait eu l’habitude de consommer entre 40 et 72 tasses par jour,. Le billet de banque 10 francs Voltaire a été émis en janvier 1964. Le romancier Frédéric Lenormand fait de Voltaire le héros de sa série de livres Voltaire mène l’enquête. En mai 2016, six livres dans cette collection sont sortis. Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/Voltaire

Évariste de Parny

Évariste Désiré de Forges, chevalier puis vicomte de Parny, est un poète français né le 6 février 1753 à Saint-Paul de l’île Bourbon (actuelle île de La Réunion), et mort le 5 décembre 1814 à Paris. Biographie Issu d’une famille originaire du Berry, installée en 1698 à l’île Bourbon, Évariste de Parny est né en 1753 à L’Hermitage de Saint-PaulIl quitte son île natale à l’âge de neuf ans pour venir en France métropolitaine avec ses deux frères, Jean-Baptiste et Chériseuil. Il fait ses études au collège Saint-Thomas de Rennes. D’après l’historien Prosper Ève, « une tradition développée par ses ennemis veut qu’à dix-sept ans, il a envisagé d’embrasser la carrière ecclésiastique et est entré au séminaire de Saint-Firmin avec l’intention ferme de s’enfermer au couvent de La Trappe ». En fait, il a déjà « perdu une foi qui n’a d’ailleurs jamais été trop vive ». La thèse de Catriona Seth montre que les archives confirment le séjour du futur écrivain à Saint-Firmin. Il part officiellement pour cause de maladie mais il s’agit peut-être d’une maladie diplomatique... En définitive, Parny choisit une carrière militaire, celle de ses frères et de son père, après avoir estimé qu’il avait trop peu de religion pour prendre l’habit, le christianisme le séduisant avant tout par les images de la Bible. Son frère Jean-Baptiste, écuyer du comte d’Artois, l’introduit à la cour de Versailles où il fait la connaissance de deux autres militaires qui, comme lui, se feront un nom dans la poésie: Antoine Bertin, originaire comme lui de l’île Bourbon, et de Nicolas-Germain Léonard, qui était, lui, originaire de la Guadeloupe. En 1772, il est capitaine d’une compagnie de gendarmes du Roi. En 1773, son père le rappelle à l’île Bourbon, où il revient âgé. Durant ce séjour, le jeune homme de vingt ans découvre ses dispositions poétiques et tombe passionnément amoureux d’une jeune personne, Esther Lelièvre, que son père l’empêche d’épouser. S’ennuyant de Paris, il retourne en France métropolitaine en 1775 après avoir indiqué dans une lettre à Bertin qu’il ne saurait se plaire dans un pays où se pratique l’esclavage, contre lequel il s’élève. Peu après son départ, la jeune fille dont il s’est épris est mariée à un médecin. Cette histoire inspire au jeune homme les Poésies érotiques, publiées en 1778, où Esther apparaît sous le nom d’Éléonore. Le recueil a d’emblée un grand succès et apporte la célébrité à son auteur. En 1777, il rédige l’Epitre aux insurgents de Boston pour manifester sa solidarité avec les insurgés de la Boston Tea Party, qui réclament la liberté. Selon Prosper Éve, « cet amour de la liberté lui vient certainement de la lecture des philosophes, mais il n’a pu naître et croître que par le spectacle des outrances de la société bourbonnaise ». Le 6 novembre 1779, Parny est nommé capitaine au régiment des dragons de la Reine. En 1783, il revient à l’île Bourbon pour régler la succession de son père et voyage également à l’Île-de-France. En 1785, il quitte l’île Bourbon pour Pondichéry pour suivre, en qualité d’aide de camp, le gouverneur général des possessions françaises dans les Indes. Il ne se plait pas du tout en Inde mais y recueille une part de la matière de ses Chansons madécasses, parmi les premiers poèmes en prose en langue française. Il ne tarde pas à revenir en France pour quitter l’état militaire et s’installer en 1786 dans la maison qu’il possède dans le vallon de Feuillancourt, entre Saint-Germain-en-Laye et Marly-le-Roi, qu’on appelle la Caserne. Avec Bertin et Léonard, il forme la « société de la caserne », qui a coutume de s’y réunir. Lorsqu’éclate la Révolution française, Parny, qui ne reçoit aucune pension du Roi et qui ne s’intéresse pas particulièrement à la politique, ne se sent pas véritablement concerné. Mais il doit solder les dettes laissées par son frère Jean-Baptiste et, en 1795, les remboursements en assignats le ruinent presque complètement. Il obtient une place dans les bureaux du ministère de l’Intérieur où il reste treize mois, puis à l’administration du théâtre des Arts. En 1804, le comte Français de Nantes le fait entrer dans l’administration des droits réunis. En 1802, Parny se marie avec Marie-Françoise Vally et, l’année suivante, il est reçu à l’Académie française, où il occupe le 36e fauteuil. En 1813, Napoléon Ier lui accorde une pension de 3 000 francs, mais celle-ci lui est supprimée sous la Restauration en 1814. Il meurt le 5 décembre 1814 et est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (11e division). À cette occasion Pierre-Jean de Béranger écrit une chanson en son hommage, pour laquelle Wilhem compose la musique. Œuvres * La poésie de Parny a été extrêmement populaire au début du XIXe siècle. « Je savais par cœur les élégies du chevalier de Parny, et je les sais encore », écrit ainsi Chateaubriand en 1813. * Le grand écrivain russe Pouchkine, qui écrivit également de la poésie érotique, avait Parny en grande estime et disait de lui: « Parny, c’est mon maître ». * Parny s’est fait connaître par ses Poésies érotiques (1778) qui apportent un peu de fraîcheur dans la poésie académique du XVIIIe siècle. Il reste aussi par ses Chansons madécasses (1787), où il dit traduire des chansons de Madagascar, et qu’on s’entend pour considérer comme le premier essai de poèmes en prose en langue française. Elles ont été illustrées par Jean Émile Laboureur (1920) . Certaines ont été mises en musique: par Maurice Ravel (Chansons madécasses, 1925) et par Zoé De La Rue (Romance: “C’en est fait, j’ai cessé”). * Voyage de Bourgogne, en vers et en prose, avec Antoine Bertin, 1777. * Épître aux insurgents de Boston, 1777. * Poésies érotiques, 1778. * Opuscules poétiques, 1779. * Élégies, 1784. * Chansons madécasses, 1787. * La Guerre des Dieux, poème en 10 chants, 1799: poème condamné par un arrêt du 27 juin 1827 mais qui a souvent été réimprimé clandestinement. * Goddam!, poème en 4 chants, 1804. * Le Portefeuille Volé, 1805, contenant: Les Déguisements de Vénus, Les Galanteries de la Bible, Le Paradis perdu (poème en 4 chants). * Le Voyage de Céline, poème, 1806. * Réflexion amoureuse. Recueil: Poésies érotiques (1778) http://www.poesie-francaise.fr/evariste-de-parny/poeme-reflexion-amoureuse.php Ressources Bibliographie * Par Catriona Seth: * Les poètes créoles du XVIIIe siècle, Paris-Rome, Memini, Bibliographie des écrivains français, 1998, 318 p. * « Le corps d’Eléonore: réflexions sur les Poésies érotiques du chevalier de Parny » in Roman no 25 (1988). * « Chateaubriand et Parny » in Bulletin de la Société Chateaubriand (1989). * « Ginguené et Parny » in Ginguené (1748– 1816), idéologue et médiateur, textes réunis par Edouard Guitton, Rennes, P.U.R., 1995. * « Parny revisité: les lettres de l’abbé du Chatelier à Rosette Pinczon du Sel, un fonds breton inédit » in Cahiers Roucher– André Chénier no 16 (1997). * « Entre autobiographie et roman en vers: les Poésies érotiques » in Autobiographie et fiction romanesque autour des « Confessions », Actes du Colloque de Nice réunis par Jacques Domenech, Nice, Presses universitaires, 1997. * « L’éloge des infidèles chez Parny », in Poétesses et égéries poétiques (1750– 1820), Cahiers Roucher-André Chénier no 17 (1998). * « Les Chansons madécasses de Parny: une poésie des origines aux origines du poème en prose » in Aux origines du poème en prose: la prose poétique, sous la direction de Nathalie Vincent-Munnia, Paris, Champion, 2003, p. 448-457. * « Parny et l’Instruction Publique » in La République directoriale, sous la direction de Philippe Bourdin et Bernard Gainot, Clermont-Ferrand, 1998. * « Un opéra politiquement correct sous le Directoire: L’Alceste de l’an V », Tragédies tardives, p. p. P. Frantz et F. Jacob, Paris, Champion, 2002, p. 169-177. * « Le réseau Parny », Réseaux et sociabilités littéraires en Révolution, sous la direction de Philippe Bourdin et de Jean-Luc Chappey, Clermont-Ferrand, Presses de l’Université Blaise Pascal, 2007, p. 127-141. Articles connexes * Familles subsistantes de la noblesse française Liens externes * Notices d’autorité: Fichier d’autorité international virtuel • International Standard Name Identifier • Bibliothèque nationale de France (données) • Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès • Gemeinsame Normdatei • Bibliothèque nationale d’Espagne • Bibliothèque royale des Pays-Bas • Bibliothèque universitaire de Pologne • Bibliothèque nationale de Suède • Bibliothèque apostolique vaticane • Base de bibliothèque norvégienne • WorldCat * Ressources relatives à la littérature: Académie française (membres) • Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes * « Évariste de Parny: éléments biographiques et bibliographiques », site Internet de l’Académie de La Réunion. * « Évariste Parny (1753– 1814) », Journal de l’île de La Réunion, avant le 1er janvier 2005. * « Sa généalogie », GeneaNet. Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89variste_de_Parny

Henri-Frédéric Amiel

Henri-Frédéric Amiel (né le 27 septembre 1821 à Genève – mort le 11 mai 1881 dans la même ville) est un écrivain et philosophe suisse, auteur d'un journal intime exceptionnel tant par son volume (17 000 pages) que par la valeur et l'universalité de son message. Biographie Il est le premier fils d'Henri Amiel et de Caroline Brandt. Deux tragédies familiales marquent son enfance : la mort de sa mère (d'une tuberculose), alors qu'il n'a que onze ans, et, moins de deux ans plus tard, le suicide de son père, qui se jette dans le Rhône. Henri-Frédéric, alors âgé, de 13 ans, et ses deux sœurs cadettes, Fanny et Laure, sont recueillis par leur oncle Frédéric Amiel et leur tante Fanchette, déjà parents de onze enfants. Ce séjour dure sept ans. Après avoir commencé ses études dans sa ville natale, Henri-Frédéric voyage en Suisse, en Italie, en France et en Belgique. En Allemagne, il s'arrête d'abord pendant neuf mois à Heidelberg. Puis, de 1844 à 1848, à Berlin, il étudie la philosophie (avec Schelling), la psychologie (avec Friedrich Eduard Beneke), la philologie et la théologie. Il fut l'un des premiers étrangers à s'intéresser à la philosophie de Schopenhauer, qu'il présenta à ses étudiants en 1866 déjà, mais son éducation et son caractère l'empêchèrent d'y adhérer, en lui faisant préférer celle de Krause. En 1849, il revient à Genève et devient professeur d’esthétique et de littérature française, à l'université de Genève, grâce à son étude Du mouvement littéraire dans la Suisse romande et de son avenir. De 1854 jusqu'à sa mort, il conserve sa chaire de philosophie. Il introduit dans la langue française et anglaise, aux alentours de 1860, le terme d’inconscient, au sens de ce qui est non conscient. Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri-Frédéric_Amiel

Guillaume Apollinaire

Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire, est un poète et écrivain français, critique et théoricien d’art qui serait né sujet polonais de l’Empire russe, le 26 août 1880 à Rome. Il meurt à Paris le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole, mais est déclaré mort pour la France en raison de son engagement durant la guerre. Considéré comme l’un des poètes français les plus importants du début du XXe siècle, il est l’auteur de poèmes tels Zone, La Chanson du mal-aimé, Le Pont Mirabeau, ayant fait l’objet de plusieurs adaptations en chanson au cours du siècle. La part érotique de son œuvre– dont principalement trois romans (dont un perdu), de nombreux poèmes et des introductions à des auteurs licencieux– est également passée à la postérité. Il expérimenta un temps la pratique du calligramme (terme de son invention, quoiqu’il ne soit pas l’inventeur du genre lui-même, désignant des poèmes écrits en forme de dessins et non de forme classique en vers et strophes). Il fut le chantre de nombreuses avant-gardes artistiques de son temps, notamment du cubisme et de l’orphisme à la gestation desquels il participa en tant que poète et théoricien de l’Esprit nouveau. Précurseur du surréalisme, avec son drame Les Mamelles de Tirésias (1917), il en forgea le nom. Biographie Jeunesse Guillaume Apollinaire est né à Rome sous le nom de Guglielmo Alberto Wladimiro Alessandro Apollinare de Kostrowitzky, en polonais Wilhelm Albert Włodzimierz Aleksander Apolinary Kostrowicki, herb. Wąż. Apollinaire est en réalité—jusqu’à sa naturalisation en 1916—le 5e prénom de Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky. Sa mère, Angelika Kostrowicka (clan Wąż, ou Angelica de Wąż-Kostrowicky), née à Nowogródek dans le grand-duché de Lituanie, appartenant à l’Empire russe (aujourd’hui Navahrudak en Biélorussie), dans une famille de la petite noblesse polonaise, demeure, après la mort de son père, camérier honorifique de cape et d’épée du pape, à Rome où elle devient la maîtresse d’un noble et a une grossesse non désirée. Son fils est déclaré à la mairie comme étant né le 26 août 1880 d’un père inconnu et d’une mère voulant rester anonyme, de sorte que l’administration l’affubla d’un nom de famille d’emprunt : Dulcigny. Angelika le reconnaît quelques mois plus tard devant notaire comme son fils, sous le nom de Guglielmo Alberto Wladimiro Alessandroi Apollinare de Kostrowitzky. Selon l’hypothèse la plus probable, son père serait un officier italien, Francesco Flugi d’Aspermont. En 1882, elle lui donne un demi-frère, Alberto Eugenio Giovanni. En 1887 elle s’installe à Monaco avec ses fils sous le nom d’Olga de Kostrowitzky. Très vite elle y est arrêtée et fichée par la police comme femme galante, gagnant probablement sa vie comme entraîneuse dans le nouveau casino. Guillaume, placé en pension au collège Saint Charles, dirigé par les frères Maristes, y fait ses études de 1887 à 1895, et se révèle l’un des meilleurs élèves. Puis il est inscrit au lycée Stanislas de Cannes et ensuite au lycée Masséna de Nice où il échoue à son premier baccalauréat et ne se représente pas. Durant les trois mois de l’été 1899, sa mère l’a installé, avec son frère, dans une pension de la petite bourgade wallonne de Stavelot, pension qu’ils quittent, le 6 octobre, à « la cloche de bois » : leur mère ne leur ayant envoyé que l’argent du train, ils ne peuvent payer la note de l’hôtel, et doivent fuir en secret, une fois tout le monde endormi. L’épisode wallon féconde durablement son imagination et sa création. Ainsi, de cette époque date le souvenir des danses festives de cette contrée (« C’est la maclotte qui sautille... »), dans Marie, celui des Hautes Fagnes, ainsi que l’emprunt au dialecte wallon. La mère d’Apollinaire Journal de Paul Léautaud au 20 janvier 1919 : « Je vois entrer une dame [la mère d’Apollinaire, dans le bureau de Léautaud au Mercure de France] assez grande, élégante, d’une allure un peu à part. Grande ressemblance de visage avec Apollinaire, ou plutôt d’Apollinaire avec elle, le nez, un peu les yeux, surtout la bouche et les expressions de la bouche dans le rire et dans le sourire. / Elle me paraît fort originale. Exubérante. Une de ces femmes dont on dit qu’elles sont un peu « hors cadre ». En une demi-heure, elle me raconte sa vie : russe, jamais mariée, nombreux voyages, toute l’Europe ou presque. (Apollinaire m’apparaît soudain ayant hérité en imagination de ce vagabondage.) Apollinaire né à Rome. Elle ne me dit rien du père. / Elle me parle de l’homme avec lequel elle vit depuis vingt-cinq ans, son ami, un Alsacien, grand joueur, tantôt plein d’argent, tantôt sans un sou . Elle ne manque de rien. Dîners chez Paillard, Prunier, Café de la Paix, etc. / Elle me dit qu’elle a plusieurs fois « installé » Apollinaire, l’avoir comblé d’argent. En parlant de lui, elle dit toujours : Wilhelm. / Sentiments féroces à l’égard de la femme d’Apollinaire. / [...] Elle me dépeint Apollinaire comme un fils peu tendre, intéressé, souvent emporté, toujours à demander de l’argent, et peu disposé à en donner quand il en avait. / Elle ne m’a pas caché son âge : 52 ans. Fort bien conservée pour cet âge, surtout élancée et démarche légère, aisée. » À Paris En 1900, il s’installe à Paris, centre des arts et de la littérature européenne à l’époque. Vivant dans la précarité, sa mère lui demande, pour gagner sa vie, de passer un diplôme de sténographie et il devient employé de banque comme son demi-frère Alberto Eugenio Giovanni. L’avocat Esnard l’engage un mois comme nègre pour écrire le roman-feuilleton Que faire ? dans Le Matin, mais refuse de le payer. Pour se venger, il séduit sa jeune maîtresse. En juillet 1901, il écrit son premier article pour Tabarin, hebdomadaire satirique dirigé par Ernest Gaillet, puis en septembre 1901 ses premiers poèmes paraissent dans la revue La Grande France sous son nom Wilhelm Kostrowiztky. De mai 1901 au 21 août 1902, il est le précepteur de la fille d’Élinor Hölterhoff, vicomtesse de Milhau, d’origine allemande et veuve d’un comte français. Il tombe amoureux de la gouvernante anglaise de la petite fille, Annie Playden, qui refuse ses avances. C’est alors la période « rhénane » dont ses recueils portent la trace (La Lorelei, Schinderhannes). De retour à Paris en août 1902, il garde le contact avec Annie et se rend auprès d’elle à deux reprises à Londres. Mais en 1905, elle part pour l’Amérique. Le poète célèbre la douleur de l’éconduit dans Annie, La Chanson du mal-aimé, L’Émigrant de Landor Road, Rhénanes. Entre 1902 et 1907, il travaille pour divers organismes boursiers et parallèlement publie contes et poèmes dans des revues. Il prend à cette époque pour pseudonyme Apollinaire d’après le prénom de son grand-père maternel, Apollinaris, qui rappelle Apollon, dieu de la poésie. En novembre 1903, il crée[réf. nécessaire] un mensuel dont il est rédacteur en chef, Le festin d’Ésope, revue des belles lettres dans lequel il publie quelques poèmes ; on y trouve également des textes de ses amis André Salmon, Alfred Jarry, Mécislas Golberg, entre autres. En 1907, il rencontre l’artiste peintre Marie Laurencin. Ils entretiendront une relation chaotique et orageuse durant sept ans. À cette même époque, il commence à vivre de sa plume et se lie d’amitié avec Pablo Picasso, Antonio de La Gandara, Jean Metzinger, Paul Gordeaux, André Derain, Edmond-Marie Poullain, Maurice de Vlaminck et le Douanier Rousseau, se fait un nom de poète et de journaliste, de conférencier et de critique d’art à L’Intransigeant. En 1909, L’Enchanteur pourrissant, son œuvre ornée de reproductions de bois gravés d’André Derain est publiée par le marchand d’art Daniel-Henry Kahnweiler . Le 7 septembre 1911, accusé de complicité de vol de La Joconde parce qu’une de ses relations avait dérobé des statuettes au Louvre, il est emprisonné durant une semaine à la prison de la Santé ; cette expérience le marque. Cette année-là, il publie Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée ornée des gravures de Raoul Dufy. En 1913, les éditions du Mercure de France éditent Alcools, somme de son travail poétique depuis 1898. La guerre En août 1914, il tente de s’engager dans l’armée française, mais le conseil de révision ajourne sa demande car il n’a pas la nationalité française. Lou et Madeleine Il part pour Nice où sa seconde demande, en décembre 1914, sera acceptée, ce qui lancera sa procédure de naturalisation. Peu après son arrivée, un ami lui présente Louise de Coligny-Châtillon, lors d’un déjeuner dans un restaurant niçois. Divorcée, elle demeure chez son ex-belle-sœur à la Villa Baratier, dans les environs de Nice, et mène une vie très libre. Guillaume Apollinaire s’éprend aussitôt d’elle, la surnomme Lou et la courtise d’abord en vain. Puis elle lui accorde ses faveurs, les lui retire et quand il est envoyé faire ses classes à Nîmes après l’acceptation de sa demande d’engagement, elle l’y rejoint pendant une semaine, mais ne lui dissimule pas son attachement pour un homme qu’elle surnommait Toutou. Une correspondance naît de leur relation ; au dos des lettres qu’Apollinaire envoyait au début au rythme d’une par jour ou tous les deux jours, puis de plus en plus espacées, se trouvent des poèmes qui furent rassemblés plus tard sous le titre de Ombre de mon amour puis de Poèmes à Lou. Sa déclaration d’amour, dans une lettre datée du 28 septembre 1914, commençait en ces termes : « Vous ayant dit ce matin que je vous aimais, ma voisine d’hier soir, j’éprouve maintenant moins de gêne à vous l’écrire. Je l’avais déjà senti dès ce déjeuner dans le vieux Nice où vos grands et beaux yeux de biche m’avaient tant troublé que je m’en étais allé aussi tôt que possible afin d’éviter le vertige qu’ils me donnaient. » Mais la jeune femme ne l’aimera jamais comme il l’aurait voulu ; elle refuse de quitter Toutou et à la veille du départ d’Apollinaire pour le front, en mars 1915, ils rompent en se promettant de rester amis. Il part avec le 38e régiment d’artillerie de campagne pour le front de Champagne le 4 avril 1915. Malgré les vicissitudes de l’existence en temps de guerre, il écrit dès qu’il le peut pour garder le moral et rester poète (Case d’Armons), et une abondante correspondance avec Lou, ses nombreux amis, et une jeune fille, Madeleine Pagès, qu’il avait rencontrée dans le train, le 2 janvier 1915, au retour d’un rendez-vous avec Lou. Une fois sur le front, il lui envoie une carte, elle lui répond et ainsi, débute une correspondance vite enflammée qui débouche en août et toujours par correspondance, à une demande en mariage. En novembre 1915, dans le but de devenir officier, Wilhelm de Kostrowitzky est transféré à sa demande dans l’infanterie dont les rangs sont décimés. Il entre au 96e régiment d’infanterie avec le grade de sous-lieutenant puis à Noël, il part pour Oran retrouver sa fiancée pour sa première permission. Il commence aussi, en juillet 1915, une correspondance avec la poétesse Jeanne Burgues-Brun, qui devient sa marraine de guerre. Ces lettres seront publiées en 1948 par les éditions Pour les fils de roi, puis à partir de 1951 par les éditions Gallimard. Le 9 mars 1916, il obtient sa naturalisation française mais quelques jours plus tard, le 17 mars 1916, il est blessé à la tempe par un éclat d’obus. Il lisait alors le Mercure de France dans sa tranchée. Évacué à Paris, il y sera finalement trépané le 10 mai 1916 puis entame une longue convalescence au cours de laquelle il cesse d’écrire à Madeleine. Fin octobre, son recueil de contes, Le Poète Assassiné est publié et la parution est couronnée, le 31 décembre, par un mémorable banquet organisé par ses amis dans l’Ancien Palais d’Orléans. Dernières années En mars 1917, il crée le terme de surréalisme qui apparaît dans une de ses lettres à Paul Dermée et dans le programme du ballet Parade qu’il rédigea pour la représentation du 18 mai. Le 11 mai, il est déclaré définitivement inapte à faire campagne aux armées par la commission médicale et reclassé dans un service auxiliaire. Le 19 juin 1917, il est rattaché au ministère de la guerre qui l’affecte à la Censure. Le 24 juin, il fait jouer sa pièce Les Mamelles de Tirésias (sous-titrée Drame surréaliste en deux actes et un prologue) dans la salle du conservatoire Renée Maubel, aujourd’hui théâtre Galabru. Le 26 novembre, il se dit souffrant et fait prononcer par le comédien Pierre Bertin, sa fameuse conférence L’Esprit Nouveau au théâtre du Vieux Colombier. En 1918, les Éditions Sic publient sa pièce Les Mamelles de Tirésias. Son poème, La jolie rousse, dédié à sa nouvelle compagne, paraît en mars dans la revue L’Éventail. En avril, le Mercure de France publie son nouveau recueil de poésies, Calligrammes. Le 2 mai, il épouse Jacqueline (la « jolie rousse » du poème), à qui l’on doit de nombreuses publications posthumes des œuvres d’Apollinaire. Il a pour témoins Picasso, Gabrièle Buffet et le célèbre marchand d’art Ambroise Vollard. Affecté le 21 mai au bureau de presse du Ministère des Colonies, il est promu lieutenant le 28 juillet. Après une permission de trois semaines auprès de Jacqueline, à Kervoyal (à Damgan, dans le Morbihan), il retourne à son bureau du ministère et continue parallèlement à travailler à des articles, à un scénario pour le cinéma, et aux répétitions de sa nouvelle pièce, Couleur du temps. Affaibli par sa blessure, Guillaume Apollinaire meurt chez lui au 202 boulevard Saint-Germain le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole, « grippe intestinale compliquée de congestion pulmonaire » ainsi que l’écrit Paul Léautaud dans son journal du 11 novembre 1918. Alors qu’il agonise par asphyxie, les Parisiens défilent sous ses fenêtres en criant « À mort Guillaume ! », faisant référence non au poète mais à l’empereur Guillaume II d’Allemagne qui a abdiqué le même jour . Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise. Histoire de son monument funéraire En mai 1921, ses compagnons et intimes constituent un comité afin de collecter des fonds pour l’exécution, par Picasso, du monument funéraire de sa tombe. Soixante cinq artistes offrent des œuvres dont la vente aux enchères à la Galerie Paul Guillaume, les 16 et 18 juin 1924, rapporte 30 450 francs. En 1927 et 1928, Picasso propose deux projets mais aucun n’est retenu. Le premier est jugé obscène par le comité. Pour le second – une construction de tiges en métal – Picasso s’est inspiré du « monument en vide » créé par l’oiseau du Bénin pour Croniamantal dans Le Poète assassiné. À l’automne 1928, il réalise quatre constructions avec l’aide de son ami Julio Gonzalez, peintre, orfèvre et ferronnier d’art, que le comité refuse ; trois sont conservés au Musée Picasso à Paris, la quatrième appartient à une collection privée. Finalement c’est l’ami d’Apollinaire, le peintre Serge Férat qui dessine le monument-menhir en granit surmontant la tombe au cimetière du Père-Lachaise, division 86. La tombe porte également une double épitaphe extraite du recueil Calligrammes, trois strophes discontinues de Colline, qui évoquent son projet poétique et sa mort, et un calligramme de tessons verts et blancs en forme de cœur qui se lit « mon cœur pareil à une flamme renversée ». Regards sur l’œuvre Influencé par la poésie symboliste dans sa jeunesse, admiré de son vivant par les jeunes poètes qui formèrent plus tard le noyau du groupe surréaliste (Breton, Aragon, Soupault– Apollinaire est l’inventeur du terme « surréalisme »), il révéla très tôt une originalité qui l’affranchit de toute influence d’école et qui fit de lui un des précurseurs de la révolution littéraire de la première moitié du XXe siècle. Son art n’est fondé sur aucune théorie, mais sur un principe simple : l’acte de créer doit venir de l’imagination, de l’intuition, car il doit se rapprocher le plus de la vie, de la nature. Cette dernière est pour lui « une source pure à laquelle on peut boire sans crainte de s’empoisonner » (Œuvres en prose complètes, Gallimard, 1977, p. 49). Mais l’artiste ne doit pas l’imiter, il doit la faire apparaître selon son propre point de vue, de cette façon, Apollon, Ades et Zeus se battirent, mais ce fut Athéna qui gagna parle d’un nouveau lyrisme. L’art doit alors s’affranchir de la réflexion pour pouvoir être poétique. « Je suis partisan acharné d’exclure l’intervention de l’intelligence, c’est-à-dire de la philosophie et de la logique dans les manifestations de l’art. L’art doit avoir pour fondement la sincérité de l’émotion et la spontanéité de l’expression : l’une et l’autre sont en relation directe avec la vie qu’elles s’efforcent de magnifier esthétiquement » dit Apollinaire (entretien avec Perez-Jorba dans La Publicidad). L’œuvre artistique est fausse en ceci qu’elle n’imite pas la nature, mais elle est douée d’une réalité propre, qui fait sa vérité. Apollinaire se caractérise par un jeu subtil entre modernité et tradition. Il ne s’agit pas pour lui de se tourner vers le passé ou vers le futur, mais de suivre le mouvement du temps. Il utilise pour cela beaucoup le présent, le temps du discours dans ses poèmes notamment dans le recueil Alcools. Il situe ses poèmes soit dans le passé, soit dans le présent mais s’adresse toujours à des hommes d’un autre temps, souvent de l’avenir. D’ailleurs, « On ne peut transporter partout avec soi le cadavre de son père, on l’abandonne en compagnie des autres morts. Et l’on se souvient, on le regrette, on en parle avec admiration. Et si on devient père, il ne faut pas s’attendre à ce qu’un de nos enfants veuille se doubler pour la vie de notre cadavre. Mais nos pieds ne se détachent qu’en vain du sol qui contient les morts » (Méditations esthétiques, Partie I : Sur la peinture). C’est ainsi que le calligramme substitue la linéarité à la simultanéité et constitue une création poétique visuelle qui unit la singularité du geste d’écriture à la reproductibilité de la page imprimée. Apollinaire prône un renouvellement formel constant (vers libre, monostiche, création lexicale, syncrétisme mythologique). Enfin, la poésie et l’art en général sont un moyen pour l’artiste de communiquer son expérience aux autres. C’est ainsi qu’en cherchant à exprimer ce qui lui est particulier, il réussit à accéder à l’universel. Enfin, Apollinaire rêve de former un mouvement poétique global, sans écoles, celui du début de XXe siècle, période de renouveau pour les arts et l’écriture, avec l’émergence du cubisme dans les années 1900, du futurisme italien en 1909 et du dadaïsme en 1916. Il donnera par ailleurs à la peinture de Robert Delaunay et Sonia Delaunay le terme d’orphisme, toujours référence dans l’histoire de l’art. Apollinaire entretient des liens d’amitié avec nombre d’artistes et les soutient dans leur parcours artistique (voir la conférence « La phalange nouvelle »), tels les peintres Pablo Picasso, Georges Braque, Henri Matisse et Henri Rousseau. Son poème Zone a influencé le poète italien contemporain Carlo Bordini et le courant dit de “ Poésie narrative ”. Derrière l’œuvre du poète, on oublie souvent l’œuvre de conteur, en prose, avec des récits tels que Le Poète assassiné ou La Femme assise, qui montrent son éclectisme et sa volonté de donner un genre nouveau à la prose, en opposition au réalisme et au naturalisme en vogue à son époque. À sa mort, on a retrouvé de nombreuses esquisses de romans ou de contes, qu’il n’a jamais eu le temps de traiter jusqu’au bout. Œuvres Poésie * Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée, illustré de gravures par Raoul Dufy, Deplanche, 1911. Réédité dans son format original par les éditions Prairial, 2017. Cet ouvrage a également été illustré de lithographies en couleurs par Jean Picart Le Doux. * Alcools, recueil de poèmes composés entre 1898 et 1913, Mercure de France, 1913. * Vitam impendere amori, illustré par André Rouveyre, Mercure de France, 1917. * Calligrammes, poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916, Mercure de France, 1918. * Aquarelliste * Il y a..., recueil posthume, Albert Messein, 1925. * Ombre de mon amour, poèmes adressés à Louise de Coligny-Châtillon, Cailler, 1947. * Poèmes secrets à Madeleine, édition pirate, 1949. * Le Guetteur mélancolique, recueil posthume de poèmes inédits, Gallimard, 1952. * Poèmes à Lou, Cailler, recueils de poèmes pour Louise de Coligny-Châtillon, 1955. * Soldes, poèmes inédits, Fata Morgana, 1985 * Et moi aussi je suis peintre, album d’idéogrammes lyriques coloriés, resté à l’état d’épreuve. Les idéogrammes seront insérés dans le recueil Calligrammes, Le temps qu’il fait, 2006. Romans et contes * Mirely ou le Petit Trou pas cher, roman érotique écrit sous pseudonyme pour un libraire de la rue Saint-Roch à Paris, 1900 (ouvrage perdu). * Que faire ?, roman-feuilleton paru dans le journal Le Matin, signé Esnard, auquel G.A. sert de nègre. * Les Onze Mille Verges ou les Amours d’un hospodar, roman érotique publié sous couverture muette, 1907. * L’Enchanteur pourrissant, illustré de gravures d’André Derain, Kahnweiler, 1909. * L’Hérésiarque et Cie, contes, Stock, 1910. * Les Exploits d’un jeune Don Juan, roman érotique, publié sous couverture muette, 1911. Le roman a été adapté au cinéma en 1987 par Gianfranco Mingozzi sous le même titre. * La Rome des Borgia, qui est en fait de la main de René Dalize, Bibliothèque des Curieux, 1914. * La Fin de Babylone– L’Histoire romanesque 1/3, Bibliothèque des Curieux, 1914. * Les Trois Don Juan– L’Histoire romanesque 2/3, Bibliothèque de Curieux, 1915. * Le Poète assassiné, contes, L’Édition, Bibliothèque de Curieux, 1916. * La Femme assise, inachevé, édition posthume, Gallimard, 1920. Version digitale chez Gallica * Les Épingles, contes, 1928. * Le Corps et l’Esprit (Inventeurs, médecins & savants fous), Bibliogs, Collection Sérendipité, 2016. Contient les contes : « Chirurgie esthétique » et « Traitement thyroïdien » publiés en 1918. Ouvrages critiques et chroniques * La Phalange nouvelle, conférence, 1909. * L’Œuvre du Marquis de Sade, pages choisies, introduction, essai bibliographique et notes, Paris, Bibliothèque des Curieux, 1909, première anthologie publiée en France sur le marquis de Sade. * Les Poèmes de l’année, conférence, 1909. * Les Poètes d’aujourd’hui, conférence, 1909. * Le Théâtre italien, encyclopédie littéraire illustrée, 1910 * Pages d’histoire, chronique des grands siècles de France, chronique historique, 1912 * La Peinture moderne, 1913. * Les Peintres cubistes. Méditations esthétiques, Eugène Figuière & Cie, Éditeurs, 1913, Collection « Tous les Arts » ; réédition Hermann, 1965 (ISBN 978-2-7056-5916-5) * L’Antitradition futuriste, manifeste synthèse, 1913. * L’Enfer de la Bibliothèque nationale avec Fernand Fleuret et Louis Perceau, Mercure de France, Paris, 1913 (2e édit. en 1919). * Le Flâneur des deux rives, chroniques, Éditions de la Sirène, 1918. * L’Œuvre poétique de Charles Baudelaire, introduction et notes à l’édition des Maîtres de l’amour, Collection des Classiques Galants, Paris, 1924. * Anecdotiques, notes de 1911 à 1918, édité post mortem chez Stock en 1926 * Les Diables amoureux, recueil des travaux pour les Maîtres de l’Amour et le Coffret du bibliophile, Gallimard, 1964.Références : * Œuvres en prose complètes. Tomes II et III, Gallimard, " Bibliothèque de la Pléiade ", 1991 et 1993. * Petites merveilles du quotidien, textes retrouvés, Fata Morgana, 1979. * Petites flâneries d’art, textes retrouvés, Fata Morgana, 1980. Théâtre et cinéma * Les Mamelles de Tirésias, drame surréaliste en deux actes et un prologue, 1917. * La Bréhatine, scénario de cinéma écrit en collaboration avec André Billy, 1917. * Couleur du temps, 1918, réédition 1949. * Casanova, Comédie parodique (préf. Robert Mallet), Paris, Gallimard, 1952, 122 p. (OCLC 5524823) Correspondance * Lettres à sa marraine 1915–1918, 1948. * Tendre comme le souvenir, lettres à Madeleine Pagès, 1952. * Lettres à Lou, édition de Michel Décaudin, Gallimard, 1969. * Lettres à Madeleine. Tendre comme le souvenir, édition revue et augmentée par Laurence Campa, Gallimard, 2005. * Correspondance avec les artistes, Gallimard, 2009. * Correspondance générale, éditée par Victor Martin-Schmets. 5 volumes, Honoré Champion, 2015. Journal * Journal intime (1898-1918), édition de Michel Décaudin, fac-similé d’un cahier inédit d’Apollinaire, 1991. Postérité * En 1941, un prix Guillaume-Apollinaire fut créé par Henri de Lescoët et était à l’origine destiné à permettre à des poètes de partir en vacances. En 1951, la partie occidentale de la rue de l’Abbaye dans le 6e arrondissement de Paris est rebaptisée en hommage rue Guillaume-Apollinaire. * Un timbre postal, d’une valeur de 0,50 + 0,15 franc a été émis le 22 mai 1961 à l’effigie de Guillaume Apollinaire. L’oblitération « Premier jour » eut lieu à Paris le 20 mai. * En 1999, Rahmi Akdas publie une traduction en turc des Onze mille verges, sous le titre On Bir Bin Kirbaç. Il a été condamné à une forte amende « pour publication obscène ou immorale, de nature à exciter et à exploiter le désir sexuel de la population » et l’ouvrage a été saisi et détruit. * Son nom est cité sur les plaques commémoratives du Panthéon de Paris dans la liste des écrivains morts sous les drapeaux pendant la Première Guerre mondiale. * La Bibliothèque historique de la ville de Paris possède la bibliothèque personnelle de Guillaume Apollinaire, acquise par la ville en 1990, qui regroupe environ 5 000 ouvrages d’une très grande variété. Le don de Pierre-Marcel Adéma, premier biographe véritable d’Apollinaire ainsi que celui de Michel Décaudin, spécialiste de l’écrivain, qui offrit sa bibliothèque de travail, ont permis d’agrandir le fonds Guillaume Apollinaire. * Ce n’est que le 29 septembre 2013 que l’œuvre de Guillaume Apollinaire est entrée dans le domaine public, soit après 94 ans et 272 jours,. * La vente d’une centaine de souvenirs dont plusieurs sculptures africaines, provenant de son ancien appartement du 202, boulevard Saint-Germain à Paris, a eu lieu à Corbeil le 24 juin 2017. Adaptations de ses œuvres Au cinéma * Les Onze Mille Verges, film français de Éric Lipmann, 1975. * Les Exploits d’un jeune Don Juan (L’Iniziazione), adaptation cinématographique de Gianfranco Mingozzi, production franco-italienne, 1987. En albums illustrés * Le Apollinaire, textes de Apollinaire, illustré par Aurélia Grandin, Mango, collection Dada, 2000 (ISBN 978-2740410455) * Les Onze Mille Verges, roman illustré par Tanino Liberatore, Drugstore, 2011 (ISBN 978-2723480635) * Il y a, poème illustré par Laurent Corvaisier, Paris, éditions Rue du monde, 2013 (ISBN 978-2355042768) En musique * Antoine Tomé a mis cinq de ses poèmes en musique dans son album Antoine Tomé chante Ronsard & Apollinaire. * Dimitri Chostakovitch a mis six de ses poèmes en musique dans sa symphonie no 14 op. 135 (1969) * Guillaume, poèmes d’Apollinaire mis en musique par Desireless et Operation of the sun. Sortie de l’album en 2015 ; Création du spectacle en 2016. Bibliographie Essais * Claude Bonnefoy, Apollinaire, Classiques du XXe siècle, 1969. * Pierre-Marcel Adéma et Michel Décaudin, Album Apollinaire, iconographie commentée, coll. « Les albums de la Pléiade » no 10, Paris, Gallimard, 1971, (ISBN 2070800016). * Franck Balandier, Les Prisons d’Apollinaire, L’Harmattan, 2001. * Laurence Campa, Apollinaire, Gallimard, NRF biographie, juin 2013 (ISBN 2070775046). * Laurent Grison, Apologie du poète, contribution au projet du 18e Printemps des Poètes (2016) sur le thème : Le Grand XXe siècle– Cent ans de poésie. Texte sur Guillaume Apollinaire, 2015. * Carole Aurouet, Le Cinéma de Guillaume Apollinaire. Des manuscrits inédits pour un nouvel éclairage, éditions de Grenelle, 2018. Bande dessinée * Julie Birmant (texte), Clément Oubrerie (dessin), Pablo, tome 2 : Guillaume Apollinaire, Paris, Dargaud, 2012 (ISBN 978-2-205-07017-0) Autres * Bernard Bastide (dir.), Laurence Campa et al. (préf. Christian Giudicelli), Balade dans le Gard : sur les pas des écrivains, Paris, Alexandrines, coll. « Les écrivains vagabondent » (réimpr. 2014) (1re éd. 2008), 255 p. (ISBN 978-2-370890-01-6, présentation en ligne), « Guillaume Apollinaire entre avenir et souvenir », p. 134-139. * Serge Velay (dir.), Michel Boissard et Catherine Bernié-Boissard, Petit dictionnaire des écrivains du Gard, Nîmes, Alcide, 2009, 255 p. (présentation en ligne), p. 18. * Jacques Ibanes, L’Année d’Apollinaire : 1915, l’amour, la guerre, Paris, Fauves Editions, 2016 (ISBN 979-1-030-20025-6 et 978-9-791-03020-5, OCLC 951783881). * Raphaël Jérusalmy, Les obus jouaient à pigeon vole, Paris, Éditions Bruno Doucey, coll. « Sur le fil », 2016, 177 p. (ISBN 978-2-362-29094-7, OCLC 936577432). * Laurence des Cars (dir.), Apollinaire : le regard du poète, Paris, Musées d’Orsay et de l’Orangerie ; Gallimard, 2016, 318 p. (ISBN 978-2-070-17915-2, OCLC 971143350). Les références Wikipedia – https ://fr.wikipedia.org/wiki/Guillaume_Apollinaire

Louise Colet

Louise Colet, née Révoil de Servannes à Aix-en-Provence le 15 septembre 1810 et morte à Paris le 8 mars 1876, est une poétesse et écrivaine française. Biographie Âgée d’une vingtaine d’années, Louise Révoil2 épouse Hippolyte-Raymond Colet, un musicien académique, en partie afin d’échapper à la vie provinciale et de résider à Paris. À son arrivée à Paris, Louise Colet commence à publier ses poèmes et obtient bientôt le prix de l’Académie française d'un montant de deux mille francs, le premier de quatre prix de l’Académie qu’elle obtiendra. Dans son salon littéraire du no 2 rue Bréda elle a fréquenté nombre de ses contemporains du monde littéraire parisien, tels que Victor Hugo, Musset, Vigny, Baudelaire, ainsi que de nombreux peintres et des politiciens. En 1840 elle met au monde sa fille Henriette, mais ni son mari Hippolyte Colet, ni son amant Victor Cousin n’acceptent d’en reconnaître la paternité. Le journaliste Alphonse Karr révèle dans un pamphlet la liaison adultère. Furieuse, Louise Colet l'agresse avec un couteau de cuisine qu'elle lui plante dans le dos. Karr s'en tire avec une égratignure, et avec élégance renonce à porter plainte au grand soulagement de Victor Cousin. Elle devient ensuite la maîtresse de Gustave Flaubert (encore inconnu du public), d'Alfred de Vigny, d’Alfred de Musset et d’Abel Villemain. En 1844, Louise Colet publie une traduction des Œuvres choisies de Tommaso Campanella. Dans les années 1840 et 1850, ses œuvres sont plusieurs fois couronnées par de nombreux prix littéraires prestigieux, notamment le Prix de l'Académie française. Après la mort de son mari à Paris, le 21 avril 1851, Louise Colet et sa fille subsistent grâce à ses écrits et à l'aide de Victor Cousin. Elle est inhumée à Verneuil-sur-Avre (Eure).

Charles Le Goffic

Charles Le Goffic, né le 14 juillet 1863 à Lannion où il est mort le 12 février 1932, est un poète, romancier et critique littéraire français dont l’œuvre célèbre la Bretagne. Biographie Charles-Henri Francis Jean-Marie Le Goffic est le fils de Marie-Aimée Alexandrine Le Tulle, dite Manon, et d’un libraire-imprimeur de Lannion, Jean-François Le Goffic, qui mourut l’année suivant sa naissance. Alors que sa mère ne tire que peu de ressources de l’entreprise, le petit Charles passe ses étés avec sa nourrice, soit à Ploumanac’h, soit à Trégastel. En octobre 1888, il épouse Julie Fleury. À la faveur d’une adjudication, il achète peu après une petite ferme à Rûn-Rouz en Trégastel. Son roman Morgane, la sirène a pour cadre cette ferme de Rûn-Rouz. Agrégé de littérature en 1887, il est enseignant successivement à Gap, Évreux, Nevers et au Havre. En 1886, il fonde avec Maurice Barrès et Raymond de La Tailhède la revue littéraire Les Chroniques. Proche de Charles Maurras, il collabore à la Revue d’Action française (1899), qui deviendra L’Action française (1908), ainsi qu’à la Revue critique des idées et des livres. Bien que républicain convaincu, son régionalisme militant et ses idéaux traditionalistes lui font appuyer le projet maurrassien de restauration monarchique comme en témoigne sa lettre publiée dans L’Enquête sur la monarchie (1900) du chef de file de l’Action française. Il prend la vice-présidence de l’Union régionaliste bretonne, créée en 1898, et lui sert de relais parisien en suscitant la parution d’articles dans la presse.Parlant parfaitement le breton, il ne voulait pas l’utiliser à l’écrit de peur « de se montrer inférieur à sa réputation ». Il est barde d’honneur de la Gorsedd de Bretagne sous le nom d’Eostik ar Garante (Le Rossignol de l’Amour). Le Goffic est élu membre de l’Académie française en 1930 au 12e fauteuil. En 1895, il a introduit en Bretagne la Great Highland Bagpipe (grande cornemuse écossaise) devenue le « biniou bras » à côté du biniou kozh des anciens. Il est inhumé dans l’enclos de l’église du bourg de Trégastel avec sa femme Julie et sa fille Hervine-Marie, morte à l’âge de 17 ans des suites d’un accident de battage survenu à Trégastel. Un monument surmonté de son buste en bronze par Jean Boucher a été érigé par souscription nationale à Lannion. En 1934, un médaillon à son effigie a été apposée sur la Roche des Poètes (Roche des Martyrs) à La Clarté. À l’occasion du 150e anniversaire de sa naissance, un médaillon, œuvre du sculpteur Michel Sprogis, est posé sur un rocher près de la chapelle Sainte-Anne. Œuvres * Nous autres (1879) * Velléda, sous le pseudonyme de Jean Capekerne, (Morlaix, 1882), * Les Mémoires de Saint-Simon, avec Jules Tellier (Paris, 1888) * Amour breton, poésie (Lemerre, 1889) * Les Romanciers d’aujourd’hui (1890) * Nouveau traité de versification française, en collaboration avec Édouard Thieulin (1890) * Chansons bretonnes (1891) * Le Crucifié de Keraliès (1892), ouvrage couronné par l’Académie française. Réédition Ed. des Régionalismes (ISBN 9782824000404).—Avec des bois de Géo-Fourrier (ISBN 9782824004877). * A travers Le Havre, effets de soir et de nuit, en collaboration avec Daniel de Vénancourt, 12 eaux-fortes de Gaston Prunier, Lemale éditeur, 1892. * Passé l’amour (1894) * Contes de l’Assomption (1895) * Quatre jours à l’île de Sein (1896) * Sur la côte (1896), ouvrage couronné par l’Académie française. Réédition Ed. des Régionalismes (ISBN 9782846187695). * Gens de mer (1897) * La Payse (1897). Réédition Ed. des Régionalismes (ISBN 9782824000046). * Morgane la sirène (1898) * Les Phares (1899) * Le Bois dormant, poésie (1900) * Le Mouvement panceltique (1900) * Le Pardon de la reine Anne, poésie (1901) * L’Âme bretonne (4 vol., 1902-1922). Réédition en 4 volumes, Ed. des Régionalismes. * Deux tableaux de la vie terreneuvienne (1903) * Les Métiers pittoresques (1903) * L’Erreur de Florence (1903) * Les Sept-Iles (1904) * Les Calvaires bretons (1904) * Les Bonnets rouges (1906). Réédition Ed. des Régionalismes (ISBN 9782824001500). * La Cigarière (1907) * La Crise sardinière (1907) * Passions celtes (1909). Réédition Ed. des Régionalismes (ISBN 9782824000008). * La double confession (1909) * La littérature française au XIXe siècle (1909) * Ventôse. Le pays (1910) * Fêtes et coutumes populaires, les fêtes patronales, le réveillon, les masques et travestis, le joli mois de mai, les noces en Bretagne, la fête des morts, les feux de la Saint-Jean, danses et musiques populaires, Armand Colin éditeur, Paris 1911. * Tristan Corbière (1911)—Préface au recueil Les Amours jaunes * Racine (2 vol., 1912) * Le Pirate de l’île Lern (1913). Réédition Ed. des Régionalismes (ISBN 9782824000053). * Monsieur Ernest Renan dans la Basse-Bretagne (1913) * Poésies complètes (1913) * Dixmude, un chapitre de l’histoire des fusiliers marins (1915), qui reçut le prix Lasserre en 1915 * Bourguignottes et pompons rouges (1916) * Les Marais de Saint-Gond (1917) * Steenstraëte, un deuxième chapitre de l’histoire des fusiliers marins (1917) * Sans nouvelles (1917) * La Guerre qui passe (1918) * Saint-Georges et Nieuport, les derniers chapitres de l’histoire des fusiliers marins (1919) * Les Trois Maréchaux (1919) * Bretagne (1920) * La Littérature française aux XIXe et XXe siècles (1920) * La Marne en feu (1921) * L’Abbesse de Guérande (1921). Réédition Ed. des Régionalismes (ISBN 9782824001876). * Chez les Jean Gouin (1921) * L’Odyssée de Jean Chevanton (1921) * L’Illustre Bobinet (1922). Réédition Ed. des Régionalismes (ISBN 9782824000015). * Croc d’argent (1922) * Poésies complètes (1922) * Le Treizain de la nostalgie et du déchirement. La visite nocturne, poésies (1926) * Madame Ruguellou (1927). Réédition Ed. des Régionalismes (ISBN 9782824000022). * La Tour d’Auvergne (1928) * Contes de l’Armor et de l’Argoat (1928). Réédition Ed. des Régionalismes (ISBN 9782846188951). * Anthologie des poètes de la mer (1929) * Mes Entretiens avec Foch, suivis d’un entretien avec le général Weygand (1929) * De Quelques ombres (1929) * La Chouannerie: Blancs contre Bleus (1790-1800) (1931) * Poésies complètes (2 vol., 1931) * La Rose des sables (1932) * Ombres lyriques et romanesques (1933) Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Le_Goffic

Antoine de Latour

Antoine Tenant de Latour, né à Saint-Yrieix le 30 août 1808, mort à Sceaux le 27 avril 1881, est un écrivain français. Biographie Fils de l’éditeur et bibliophile Jean-Baptiste Tenant de Latour (1779-1862), Antoine Tenant de Latour devient, après des études à l’École Normale (1826), précepteur du duc de Montpensier (1832) puis son premier secrétaire en 1843. Homme de lettres et poète, il publie abondamment. Amoureux de l’Espagne et de sa littérature, il fit connaître de nombreux auteurs espagnols par ses essais et traductions de Calderón de la Barca, Fernán Caballero, Juan de Mariana, Juan Díaz de Solís, Juan Eugenio Hartzenbusch, Ramón de la Cruz, mais aussi des auteurs italiens comme Silvio Pellico, Vittorio Alfieri, Alessandro Manzoni ou Antonio Astesano (it), Il est reçu le 9 mai 1858 à la Real Academia de Buenas Letras de Séville. Œuvres * Grand ami d’Aloysius Bertrand, il laisse une correspondance avec celui-ci. * Poésies et essayés: * La vie intime (1833) * Poésies complètes (1841) * La baie de Cadix: nouvelles études sur l’Espagne (1858) * L’Espagne religieuse et littéraire, pages détachées (1863) * Etudes litteraires sur l’Espagne contemporaine (1864) * Espagne, traditions, mœurs et littérature (1869) * Tolede et les Bords du Tage– Nouvelles Etudes Sur L’Espagne (1870) * Pèlerinage au pays de Jeanne d’Arc (1875)Traduction: * Mes prisons. Mémoires de Silvio Pellico de Saluces, traduits de l’italien, et précédés d’une introduction biographique, par A. de Latour. Édition ornée du portrait de l’auteur et augmentée de notes historiques par P. Maroncelli, Paris, H. Fournier jeune, 1833. * Des devoirs des hommes. Par Silvio Pellico, traduit de l’italien, avec une introduction, par Antoine de Latour, Paris, Fournier, 1834. * Œuvres dramatiques de Calderon, traduction de M. Antoine De Latour (vol. I e II), 1871. * Œuvres dramatiques de Calderon (II Comédies), 1875. * Don Miguel De Mañara: Sa Vie, Son Discours Sur La Vérité, Son Testament, Sa Profession De Foi, Classic Reprint, 2012. * Mémoires de Victor AlfieriVittorio Alfieri, d’Asti, écrits par lui-même, et traduits de l’italien par Antoine de Latour, Classic Reprint, 2012. * Sainètes de Ramon de la Cruz, Traduits de l’espagnol et précédés d’une introduction par Antoine de Latour, Classic Reprint, 2018.Archives: * Paris, Bibliothèque Nationale * Saluces, Archives historique de la Maire Bibliographie * Jean-Claude Polet, Patrimoine littéraire européen: Index général, De Boeck, 2000, p. 447. Liens internes * Pedro Calderón de la Barca * Silvio Pellico * Vittorio Alfieri * Ramon de la Cruz Liens externes * Sur les liens avec Aloysius Bertrand: [1] * Notices d’autorité: Fichier d’autorité international virtuel • International Standard Name Identifier • Bibliothèque nationale de France (données) • Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès • Gemeinsame Normdatei • Bibliothèque nationale d’Espagne • Bibliothèque royale des Pays-Bas • Bibliothèque universitaire de Pologne • Bibliothèque nationale de Catalogne • Bibliothèque apostolique vaticane • WorldCat Portail de la littérature française Portail de la France au XIXe siècle Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_de_Latour

Auguste Angellier

Auguste Angellier, né le 1er juillet 1848 à Dunkerque et mort le 28 février 1911 à Boulogne-sur-Mer est un poète et universitaire français, qui fut le premier professeur de langue et littérature anglaises de la Faculté des lettres de Lille, avant d'en être son doyen de 1897 à 1900. Critique et historien de la littérature, il fit sensation à la Sorbonne en attaquant les théories d'Hippolyte Taine dans sa thèse sur Robert Burns en 1893. Biographie Né le 1er juillet 1848 à Dunkerque (Nord), d'un père maître-plafonnier et d'une mère secrétaire, Auguste Angellier fut scolarisé à Boulogne-sur-Mer où sa mère l'emmène après s'être séparée de son mari en 1853. Son attachement à cette ville ne se démentit jamais. Jeune homme, il prépare le concours de l'École normale supérieure au Lycée Louis-le-Grand de Paris en 1866. Entre l'écrit et l'oral du concours, il est expulsé du lycée par le censeur qui le considère, à tort selon certains, comme le chef d'un mouvement de révolte concernant la mauvaise qualité de la nourriture à la cantine. Cet épisode catastrophique de sa vie scolaire le pousse à partir, par manque de moyens financiers, pour l'Angleterre où on lui offre un emploi d'enseignant dans un petit pensionnat. Engagé volontaire au cours de la guerre de 1870, il se retrouve à Lyon puis à Bordeaux. Une infection respiratoire grave le fait rentrer à Paris, pendant la Commune, et, la guerre terminée, il est nommé répétiteur en 1871 au Lycée Louis-Descartes (il avait été enfin autorisé à rentrer dans le giron de l’Instruction publique). Il décroche sa licence peu après. Reçu au certificat d’aptitude à l’enseignement de l’anglais, deux ans plus tard, il professe en tant que « maître-répétiteur » pendant trois ans, période exigée à l’époque avant de pouvoir s’inscrire à l’agrégation. Il obtient ce concours à 28 ans, et enseigne aussitôt au lycée Charlemagne, jusqu’à son départ en Angleterre en 1878. Angellier cultive de nombreuses amitiés littéraires, et développe sa sensibilité de poète (sa notoriété lui viendra davantage de son travail universitaire que de son œuvre poétique). Jusqu’à cette période, il hésite entre le journalisme et l’enseignement, mais le congé qui vient de lui être accordé lui permet de s’intéresser au projet de réforme des études de langues vivantes en France (à travers l’étude du fonctionnement des universités anglaises). C’est avec plaisir qu’il s’éloigne un moment de la lourdeur administrative qui lui pèse tant dans sa fonction d’enseignant. En 1881, un poste de maître de conférences, à Douai, lui ouvre une brillante carrière de professeur d’anglais (la faculté des Lettres de Douai va être transférée à Lille en 1887). Douze années plus tard, il soutient ses deux thèses, chacune consacrée à un poète : la « majeure » à l’Écossais Robert Burns, et la thèse complémentaire à John Keats, thèse rédigée en latin ! Le titre de cette dernière : De Johannis Keatsii, vita et Carminibus ; son auteur : Augustus Angellier, literarum doctor in Universitate Insulensi Professor. Même les citations des poèmes de Keats sont en latin (et l’université dont il est question n’est autre que celle de Lille : Universitate Insulensi). Dès lors, Angellier porte le titre de Professeur. De plus, il assure la fonction de président du jury d’agrégation d’anglais de 1890 à 1904 ; et dès février 1897, il assume la tâche de doyen, et les lourdes responsabilités administratives qui s’y attachent. En 1902, détachement (sur un poste de maître de conférences) à l’École normale supérieure, puis retour à Lille en 1904. Auguste Angellier est mort à 62 ans, le 28 février 1911, à Boulogne-sur-Mer. Œuvres En 1896, Angellier le poète a publié À l’amie perdue (178 sonnets inspirés par le chagrin de son histoire d'amour cachée avec Thérèse Fontaine1), et en 1903, Le chemin des saisons. D’autres œuvres suivent : Dans la lumière antique, deux livres de Dialogues et deux d’Épisodes. Curiosité Le compositeur polonais Henryk Opieński (1870-1942) qui dirigeait à Morges (Suisse) l'ensemble Motet et Madrigal a écrit une œuvre pour chœur à 4 voix d'hommes sur le texte poétique La Fuite de l'Hiver qui fait partie du recueil Le chemin des saisons d'Auguste Angellier. Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/Auguste_Angellier

Rémy Belleau

Rémy Belleau, né à Nogent-le-Rotrou en 1528, mort à Paris le 6 mars 1577, est un poète français de la Pléiade. Biographie Belleau a commencé ses études chez les moines de l’abbaye Saint-Denis à Nogent-le-Rotrou avant de les poursuivre, vers 1553, à Paris où il complète une formation dominée par l’amour de la poésie grecque. Intelligent sans surcharge d’érudition, il était avant tout un homme qui plaisait[réf. nécessaire]. Il rejoint bientôt le groupe du collège de Coqueret (Pierre de Ronsard, Antoine de Baïf, Joachim du Bellay), puis la Pléiade en 1554, avec qui il prend part à la Pompe du bouc. Il publie en 1556 une traduction des Odes d’Anacréon: le succès de ce lyrisme léger est considérable. Bien qu’un peu sèche selon Ronsard, cette traduction vient enrichir la «Brigade» d’un nouveau style; elle a pour elle la fidélité et l’exactitude qui en firent le succès[réf. nécessaire]. On lui doit également la traduction du Cantique des Cantiques et de l’Ode à l’Aimée de Sappho. De fait, Belleau est le premier traducteur français de la poétesse de Lesbos. La même année, Belleau célèbre dans les Petites Inventions fleurs, fruits, pierres précieuses, animaux et feront plus tard écho à la rage de l’expression de Francis Ponge. Ses poèmes personnels manquaient encore d’originalité[réf. nécessaire] et il fallut attendre 1565 pour découvrir sa Bergerie, chef-d’œuvre de la poésie pastorale dont l’Avril dévoile un érotisme à fleur de sein. En 1576, paraissent Les Amours et Nouveaux Eschanges des pierres précieuses, vertus et propriétés d’icelles. Cette œuvre, décrite comme une «épopée minérale» par R. Sabatier, raconte les propriétés des pierres, leur histoire, le mythe de leur origine en associant la symbolique des pierres aux interprétations philosophiques et scientifiques. Selon certains le moins lyrique des poètes de la Pléiade, le plus pudique au dire d’autres, Rémy Belleau ne déborde certainement pas d’imagination et il imita plus qu’il ne créa, mais il demeure un orfèvre du verbe[réf. nécessaire]. Son talent élégant et facile le fit surnommer par ses contemporains le gentil Belleau. Après avoir initialement penché pour la Réforme, l’auteur se rallie au parti des Guise, ses protecteurs, notamment René II de Lorraine-Guise. Précepteur à Paris de Charles de Lorraine, il résidera jusqu’à sa mort (1577) à l’hôtel de Guise. Pierre de Ronsard qui faisait grand cas de Belleau, et l’appelait le Peintre de la nature, a rédigé son épitaphe: Ne taillez, mains industrieuses Des pierres pour couvrir Belleau, Lui-même a basti son tombeau Dedans ses Pierres Précieuses. Œuvre Œuvres poétiques Il a publié en 1565 un poème, la Bergerie, dans le genre pastoral et les Amours et nouveaux échanges de pierres précieuses en 1576, un recueil qui associe la symbolique des pierres aux interprétations philosophiques et scientifiques. Certain de ses poèmes furent mis en musique par Pierre Cléreau. Ses Œuvres ont été réunies à Rouen en 1604, 2 volumes in-12. Rémy Belleau, La bergerie (Texte en moyen français), Paris, G. Gilles, 1565, 127 p.; in-8 (notice BnF no FRBNF30079761)La bergerie disponible sur Gallica Rémy Belleau, Chant pastoral de la paix, Paris, A. Wechel, 1559, 10 f.; in-4 (notice BnF no FRBNF30079763)Chant pastoral de la paix disponible sur Gallica Rémy Belleau, Épithalame sur le mariage de Monseigneur le duc de Lorraine et de Madame Claude, fille du roy, chanté par les nymphes de Seine et de Meuse, Paris, A. Wechel, 1559, 15 p.; in-4 (notice BnF no FRBNF30079764)Épithalame sur le mariage de Monseigneur le duc de Lorraine disponible sur Gallica Rémy Belleau (trad. Florent Chrestien), Sylva cui titulus Veritas fugiens ex R. Bellaquei gallicis versibus latina facta a Florente Christiano, Lutetiæ, ex officina R. Stephani, 1561, In-4°, 12 p. (notice BnF no FRBNF30079773)Sylva cui titulus Veritas fugiens disponible sur Gallica Les Amours et nouveaux échanges des pierres précieuses, Paris, M. Patisson, 1576; Œuvres poétiques, éd. Ch. Marty-Laveaux, A. Lemerre, 1878, t. II. l’Eschole de Salerne en vers burlesques et poema macaroanicvm de bello Hvgvenortica, traduit par Louis Martin en 166o,à Rouen chez Clement Malassis.( source Bnf: data.bnf.fr) Traductions Rémy Belleau a traduit en vers: Les odes d’Anacréon: traduites de grec en françois, par Rémy Belleau, ensemble de quelques petites hymnes de son invention (trad. Rémy Belleau), Paris, A. Wechel, 1556, 1 vol.; in-8 (notice BnF no FRBNF30017685)Les odes d’Anacréon disponible sur Gallica L’ Ecclésiaste Le Cantique des cantiques. Œuvres dramatiques Il jouait dans les pièces de son ami Jodelle, et il a lui-même fait une comédie intitulée la Reconnue. La Reconnue, comédie. Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9my_Belleau

Charles Dovalle

Charles Dovalle est un poète français né à Montreui, l-Bellay en 1807 et tué en duel à Paris en 1829. Biographie Descendant d’une longue lignée d’hommes de loi et d’officiers de finances du Saumurois, Charles Dovalle naquit à Montreuil-Bellay le 23 juin 1807. Il fit de brillantes études au collège de Saumur, où il écrivit des poèmes remarqués. Après des études de droit à Poitiers, il partit pour Paris et se lança avec ardeur dans la vie littéraire. Il publia des poésies en forme de chansons, qui figurent toujours dans les manuels de morceaux choisis, comme Bergeronnette, Mon Rêve, Le Curé de Meudon, Le Sylphe... Obligé de se consacrer à des travaux de jurisprudence, tout en écrivant dans Le Figaro, il devint rédacteur au Journal des Salons. Le jeune homme, qui habitait alors rue de la Harpe, n’en continuait pas moins à se consacrer à la poésie. Malheureusement, sa carrière devait être interrompue prématurément par une mort tragique à l’âge de 22 ans. Critique théâtral, il commit un calembour facile sur Mira, le directeur du théâtre des Variétés, qui lui avait refusé l’entrée de son établissement. Il écrivit dans Le Lutin: «Mira peut être Mira-sévère, mais il ne sera jamais Mira-beau». Ce dernier, qui était laid et vindicatif, le provoqua en duel. Blessé à l’épaule à la suite d’un premier assaut à l’épée, il exigea contre toutes les règles que le duel se poursuive au pistolet; au troisième échange, le pauvre Dovalle fut touché, après que la balle eut traversé son portefeuille, et mourut le 30 novembre 1829. Une colonne de marbre blanc fut érigée sur sa tombe dans le cimetière de Montmartre,. L’édition complète de ses œuvres, Le Sylphe, Poésies de feu Charles Dovalle, parut à Paris aux éditions Ladvocat, Palais-Royal, en 1830, avec une préface de Victor Hugo. Bibliographie Dezobry et Bachelet, Dictionnaire de biographie, t.1, Ch.Delagrave, 1876, p. 831 Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Dovalle

Sophie d'Arbouville

Sophie d'Arbouville, née le 29 octobre 1810 et morte le 22 mars 1850 à Paris, est une poète et nouvelliste française. Biographie Née le 29 octobre 1810, Sophie de Bezancourt1 est la petite-fille de Sophie d'Houdetot. Elle fréquente dans le salon de celle-ci une société choisie. Léon Séché en fait ce portrait « Elle était plutôt mal de figure, elle avait des traits forts et os yeux ressortis qui, de prime abord, disposaient peu en sa faveur, mais dès qu'elle ouvrait la bouche on oubliait sa laideur relative.» et Sainte-Beuve en a dit « Jeune femme charmante, un peu Diane, sans enfants. Restée enfant et plus jeune que son âge. Pas jolie, mais mieux. » À 22 ans elle épouse le général François d'Arbouville, qu'elle suit dans ses campagnes. Sa santé s'en ressentira. Ne pouvant suivre le général en mission en Afrique elle retourne à Paris et y tient salon. Sa conversation, son amabilité et sa bienveillance sont reconnus de tous. Elle ne tient pas au succès et ses poésies paraissent en petit nombre, pour ses proches, et son couvert d'anonymat. Ses nouvelles publiées dans « La Revue des deux Mondes » le sont sans son consentement, Prendre l'ouvrage d'une femme pour le publier sans lui en demander la permission, c'est un manque de délicatesse. Ce n'est pas la peine de donner mille francs pour échapper à une complète publicité, si le lendemain les revues agissent de cette façon. J'ai écrit moi-même à M. Bulos (sic) une lettre très nette et très ferme qui l'aura un peu surpris, et je l'oblige, pour le prochain n°, à dire qu'il a agi sans mon consentement (Lettre à Sainte-Beuve). La revue ne publiera pas cette protestation, ayant l'assentiment du mari. Elle acceptera plus tard leur édition, mais au profit d'une œuvre caritative. Elle habitait au 10 place Vendôme et y tenait un salon où l'on parlait plus de poésie que de politique. Lamartine était un de ses poètes favoris. Sainte-Beuve, son hôte le plus assidu, en fit sa muse, et lui dédia Le Clou d’or2; elle ne lui céda jamais . En me voyant gémir, votre froide paupière M'a refermé d'abord ce beau ciel que j'aimais, Comme aux portes d'Enfer, de vos lèvres de pierre, Vous m'avez opposé pour premier mot : Jamais ! (À Elle qui était allée entendre des scènes de l'opéra d'Orphée) ; mais ils correspondirent pendant 10 ans. L'été elle résidait à Maisons-Laffitte ou Champlâtreux ; Prosper Mérimée y était reçu ; Chateaubriand y a composé Velléda. Malade La fièvre m'est revenue, avec des douleurs aiguës — des maux de tête terribles., atteinte d'un cancer elle partit en Ariège prendre les eaux de Celles puis rejoint son mari à Lyon. Les événements de juin 18493- altèrent sa santé car elle craint pour la vie du général ; le couple rentre à Paris et c'est là qu'elle meurt, le 22 mars 1850, après une longue maladie.

Jacques Delille

Jacques Delille, souvent appelé l’abbé Delille, né à Clermont-Ferrand le 22 juin 1738 et mort à Paris dans la nuit du 1er au 2 mai 1813, est un poète et traducteur français. Biographie Jacques, enfant naturel, conçu dans un jardin d’Aigueperse, naît chez un accoucheur, rue des Chaussetiers, à Clermont-Ferrand, le 22 juin 1738 de Marie-Hiéronyme Bérard, de la famille du chancelier Michel de l’Hospital. Il est reconnu par Antoine Montanier, avocat au Parlement de Clermont-Ferrand, qui meurt peu de temps après en lui laissant une modeste pension viagère de cent écus. Sa mère, aussi discrète que belle, lui transmet un pré, sis à Pontgibaud, ce qui lui permit d’adjoindre à son prénom le nom de famille Delille. Jusqu’à douze ou treize ans, il est placé chez une nourrice à Chanonat et reçoit ses premières leçons du curé du village. Envoyé à Paris, il fait de brillantes études au collège de Lisieux et devient maître de quartier au collège de Beauvais, puis professeur, d’abord au collège d’Amiens, ensuite au collège de la Marche à Paris. Il s’était déjà signalé par un remarquable talent de versificateur et une aptitude exceptionnelle à la poésie didactique. Sa gloire est assurée d’un coup par sa traduction en vers des Géorgiques de Virgile, qu’il publie en 1770. Louis Racine avait tenté de le dissuader de cette entreprise, qu’il jugeait téméraire, mais Delille avait persisté dans son dessein, et Louis Racine, convaincu par ses premiers essais, l’y avait encouragé. Son poème est accueilli par un concert de louanges, troublé seulement par la voix discordante de Jean-Marie-Bernard Clément, de Dijon. «Rempli de la lecture des Géorgiques de M. Delille, écrivit Voltaire à l’Académie française en mars 1772, je sens tout le prix de la difficulté si heureusement surmontée, et je pense qu’on ne pouvait faire plus d’honneur à Virgile et à la nation. Le poème des Saisons [de Jean-François de Saint-Lambert] et la traduction des Géorgiques me paraissent les deux meilleurs poèmes qui aient honoré la France après L’Art poétique [de Nicolas Boileau].» Delille est élu à l’Académie française en 1772, mais le maréchal de Richelieu intervient auprès de Louis XV pour faire annuler son élection au motif qu’il est trop jeune. Réélu en 1774, il est, cette fois, reçu par l’illustre compagnie, Jean-François de La Harpe ayant fait observer dans le Mercure de France qu’il était indigne qu’un talent aussi exceptionnel en soit réduit à dicter des thèmes latins à des écoliers. Il est, en outre, nommé à la chaire de poésie latine du Collège de France. L’ascension de Delille s’accélère encore après la mort de Voltaire, qui pouvait passer pour son seul rival. Tant la cour que le monde des lettres reconnaissent unanimement la supériorité de son talent. Il est à la fois le protégé de Marie-Thérèse Geoffrin et celui de Marie-Antoinette et du comte d’Artois. Ce dernier lui fait attribuer le bénéfice de l’abbaye de Saint-Séverin, qui rapportait 30 000 francs, tout en permettant de se borner aux ordres mineurs, que Delille avait reçus à Amiens en 1762. En 1782, la publication du poème des Jardins, sans doute l’œuvre la plus célèbre de Delille, est un nouveau triomphe, amplifié par le talent avec lequel l’auteur savait lire ses vers à l’Académie, au Collège de France ou dans les salons. Le comte de Choiseul-Gouffier parvient néanmoins à le persuader de s’arracher à tant d’adulation pour le suivre dans son ambassade de Constantinople. En 1786, il se met en ménage avec sa gouvernante, Marie-Jeanne Vaudechamps, qu’il épouse en 1799. Sous la Révolution française, ayant perdu le bénéfice qui était sa seule source de revenus, Delille est inquiété, mais conserve la liberté, sacrifiant aux idées de l’heure en composant, à la demande de Pierre-Gaspard Chaumette, un Dithyrambe sur l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. Sous le Directoire, il se retire à Saint-Dié, pays de sa femme, puis quitte la France après la chute de Robespierre, au moment où d’autres y rentraient, pour passer en Suisse, en Allemagne et en Angleterre. Durant cet exil, poussé par sa femme, qui avait pris beaucoup d’ascendant sur lui, il travaille énormément. Il compose L’Homme des champs et entreprend Les Trois règnes de la nature en Suisse, compose La Pitié en Allemagne et traduit Paradise Lost (Le Paradis perdu) de John Milton à Londres. Rentré en France en 1802, il retrouve sa chaire au Collège de France et son fauteuil à l’Académie. Il effectue de longs séjours dans la maison de plaisance du baron Micoud d’Umons à Clamart, où il aurait écrit en 1808 Les Trois Règnes de la Nature. À la fin de sa vie, il devient aveugle, comme Homère, et cette infirmité ajoute encore à l’admiration proche de l’idolâtrie qui lui était vouée. Il meurt d’une attaque d’apoplexie dans la nuit du 1er au 2 mai 1813. Son corps est exposé pendant trois jours sur un lit de parade au Collège de France, le front ceint d’une couronne de laurier et, considéré comme le plus grand poète français, il reçoit des funérailles grandioses, suivies par une foule immense. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise (11e division). Œuvre Essai sur l’homme de Pope, 1765 Les Géorgiques de Virgile, 1770. Les Jardins ou l’art d’embellir les paysages, poème en 8 chants, 1782 Bagatelles jetées au vent, 1799 L’Homme des champs, ou les Géorgiques françaises, 1800 Dithyrambe sur l’immortalité de l’âme, 1802 Poésies fugitives, 1802 La Pitié, poème en 4 chants, 1803 L’Énéide de Virgile, 1804 Le Paradis perdu de Milton, 1805. L’Imagination, poème en 8 chants, 1806. Les Bucoliques de Virgile, 1806, réédité par Philippe Gonin, Paris, 1951, édition enrichie de bois gravés par Lucile Passavant (200 exemplaires). Les Trois Règnes de la nature, 1808 ( A Paris chez Nicolle et chez Giguet et Michaud) . La Conversation, poème, 1812.Ses œuvres complètes ont été publiées de 1817 à 1821 par Joseph-François Michaud, puis rééditées par Lefèvre en 1833, avec des notes de Choiseul-Gouffier, Parseval-Grandmaison, Charles-Marie de Féletz, Descuret, Aimé-Martin, Barthélemy Philibert d’Andrezel, Elzéar de Sabran (écrivain), Louis-Simon Auger, etc. Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Delille

Jean Auvray

Jean Auvray, né vers 1580, probablement en Normandie et mort avant 1624, est un poète français. Jean Auvray a été chirurgien à Rouen, et ne saurait être confondu avec son homonyme dramaturge contemporain, avocat à Paris. Il appartient à la tradition de la satire normande dans la lignée de Vauquelin, Du Lorens, Angot de l’Éperonnière et Courval-Sonnet. Il est l’auteur d’écrits religieux et de satires. Alternant entre piété, cynisme et obscénité, sa poésie est cependant, selon certains critiques, la meilleure dans sa veine satirique. Il a aussi écrit une tragicomédie : l’Innocence descouverte (peut-être en 1609, dont on peut consulter le texte dans les seconde et troisième édition du Banquet des Muses). Tombeau du rud' en souppe Cy gist dans ce tombeau foireux Rud’ En-Souppe le valeureux, Qui voyant la guerre entreprise Au pays, et qu’on le cherchoit, Se cacha dessous la chemise De sa grand’ Jeanne qui pettoit : Luy qui trembloit tant escoutoit Tant redoubler de petarades, Saisi de peur creust qu’il estoit Au milieu des harquebusades : Qu’en advint-il ? Ses sens malades, Et le trou de son cul puant Perdant sa vertu retentrice, En lieu de combattre en la lice Il mourut de peur en chiant. Le Banquet des muses Œuvres * Le banquet des muses ou Les divers satires du sieur Auvray contenant plusieurs poëmes non encore veuës ny imprimez & L’innocence descouverte, tragi-comédie Rouen : D. Ferrand, 1623. * « La pourmenade de l’âme dévote accompagnant son Sauveur depuis les ruës de Jérusalem jusques au tombeau » [archive], Rouen : David Ferrand, 1633 (3e édition; N.B. : la première édition date de 1622) * « Les œuvres sainctes du sr Auvray : desquelles la plus grande partie n’ont encor esté veuës ny imprimées » [archive], Rouen : David Ferrand, 1634 (3e édition; N.B. : la première édition date de 1626) * L’Innocence découverte, Rouen, Petit, 1609. * Le Triomphe de la Croix, Rouen, D. Ferrand, 1622. Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/

François Villon

François Villon (1431-après 1463) Poète français du Moyen Âge, auteur de la célèbre Ballade des pendus, qui est considéré comme l’un des pères de la poésie moderne. Poète «!malfaiteur!» Issu d’une famille pauvre, François de Montcorbier, ou François des Loges, orphelin de père très jeune, fut élevé par le chanoine de Saint-Benoît-le-Bestourné, maître Guillaume de Villon, son «!plus que père!», dont il prit le nom pour lui rendre hommage. Après avoir été reçu bachelier en 1449, il devint licencié puis maître ès arts à Paris en 1452. À part ces quelques faits sur sa jeunesse, la vie de François Villon est remplie de zones d’ombre, et les seuls indices biographiques certains dont nous disposions sur sa vie adulte sont d’origine judiciaire, ce qui renforce l’image légendaire de poète «!malfaiteur!» qui est la sienne depuis la fin du Moyen Âge. Notons que cette image est aussi une tradition littéraire, dont Rutebeuf est l’un des autres exemples. La première affaire judiciaire grave dont nous ayons trace eut lieu le 5 juin 1455 : au cours d’une rixe, Villon tua Philippe Sermoise, un prêtre qui l’aurait provoqué!; blessé lui-même, il se fit panser sous le nom de Michel Mouton et dut quitter Paris, où il ne revint qu’en 1456, après avoir obtenu des lettres de rémission sous son vrai nom. On sait aussi que, durant la nuit de Noël 1456, il commit un vol avec effraction au collège de Navarre, ce qui l’obligea à quitter de nouveau Paris avec le fruit de son larcin. Il prétendit avoir écrit, au moment du vol, un poème célèbre, le Lais, également connu sous le nom de Petit Testament, pour s’en excuser et expliquer sa fuite par une raison sentimentale. Dans cette œuvre, en effet, Villon annonce son départ pour Angers afin, dit-il, de se consoler d’une déception amoureuse - mais ce n’est là qu’un prétexte à une satire de l’amour courtois. Prenant congé de ses amis et de ses connaissances, le poète fait dans ce poème une série de legs parodiques!; tout au long de cette «!donation!», il joue sur les mots «!lais!» et «!legs!», et use abondamment de double sens. À la cour de Charles d’Orléans Durant les années suivantes, Villon mena une vie d’errance, dont on sait peu de chose!; il séjourna, semble-t-il, à Angers chez un parent, puis à la cour de Jean II de Bourbon, établie à Moulins, puis à la cour de Charles d’Orléans, à Blois, l’une des plus raffinées du temps. Le séjour de Villon auprès du duc, qui marque un moment de paix dans cette existence incertaine, est attesté par la présence de trois de ses pièces dans le manuscrit autographe de Charles d’Orléans!; parmi ces pièces se trouvent notamment la Ballade des contradictions qui débute par le vers «!Je meurs de soif auprès d’une fontaine!», et qui traite de façon originale d’un thème rhétorique usé qui avait été donné par le duc d’Orléans comme sujet d’un concours de poésie. À cette même époque, Villon entretint des rapports avec la bande des Coquillards, une société criminelle plus ou moins secrète : nous ignorons s’il en faisait vraiment partie, mais il est certain qu’il connaissait le jargon de la Coquille, puisque nous possédons entre six et onze Ballades en jargon (le chiffre varie en raison des problèmes d’attribution), dont la compréhension reste difficile et la signification ambiguë. Voir Ballades (littérature). Le Testament Au cours de l’été 1461, Villon fut incarcéré à Meung-sur-Loire pour des raisons inconnues, à l’initiative de l’Évêque d’Orléans!; cette captivité le marqua profondément. Libéré le 2 octobre grâce à l’arrivée de Louis XI dans la ville, il rentra à Paris, où il composa le Testament (v. 1462). C’est vers 1462 que François Villon composa son œuvre principale, le Testament. La première partie de ce texte est une méditation consacrée essentiellement à la perte de la jeunesse, aux méfaits de l’amour mais surtout à la mort (cette partie contient la célèbre ballade désignée par Clément Marot en 1532 sous le titre de Ballade des dames du temps jadis). La seconde partie reprend, en l’approfondissant, la fiction testamentaire déjà abordée dans le Lais : Villon va jusqu’à choisir les exécuteurs, son sépulcre et le service religieux. La Ballade des pendus Impliqué dans une rixe au cours de laquelle François Ferrebouc, notaire pontifical, fut blessé, Villon fut arrêté, torturé et condamné à la pendaison, et fit appel de la sentence. C’est sans doute pendant ces jours pénibles qu’il écrivit la Ballade des pendus, intitulée aussi l’Épitaphe Villon, où se manifeste notamment son obsession des corps pourrissants. Le 5 janvier 1463, le parlement de Paris commua la peine en dix ans de bannissement. Ce sont là les dernières traces des faits et gestes de François Villon que nous possédions. Importance et postérité de l’œuvre S’il n’innova guère dans son usage des formes poétiques, Villon porta la ballade à sa perfection. Son œuvre est dominée par l’ambiguïté et par l’importance considérable accordée à la personne du poète, ce qui est rare au Moyen Âge, où le sujet poétique n’est souvent qu’une forme vide et où la poésie est considérée davantage comme un jeu rhétorique que comme le lieu de l’expression d’une individualité. Si Villon ridiculise souvent la tradition de l’amour courtois, il s’y inscrit pourtant parfois avec certains de ses poèmes, comme l’atteste sa Ballade à amie. La poésie de Villon est surtout marquée par une hantise profonde de la mort. Ce thème obsédant, que ne dissimule pas un usage fréquent de l’ironie, traverse toute son œuvre, où domine l’évocation des souffrances physiques et morales dans un monde désenchanté et sombre. En outre, lorsque Villon décrit la vie quotidienne, c’est souvent sur un ton réaliste ou pathétique. La postérité de Villon est immense et ne se dément pas depuis le XVIe siècle, où Clément Marot donna la première édition commentée de ses œuvres (1532)!; sa gloire doit aussi beaucoup à la fascination qu’il exerça sur les poètes du XIXe siècle, notamment les romantiques comme Théophile Gautier, qui inaugura avec une étude sur Villon sa série des «!grotesques!», ces textes critiques qu’il consacrait essentiellement aux «!petits!» auteurs du XVIe et du XVIIe siècle. Les références Encyclopédie Encarta (c) Microsoft

Marcel Proust

Marcel Proust, né à Paris le 10 juillet 1871 et mort à Paris le 18 novembre 1922, est un écrivain français, dont l’œuvre principale est une suite romanesque intitulée À la recherche du temps perdu, publiée de 1913 à 1927. Issu d’une famille aisée et cultivée (son père est professeur de médecine à Paris), Marcel Proust est un enfant de santé fragile et toute sa vie il a des difficultés respiratoires graves causées par l’asthme. Très jeune, il fréquente des salons aristocratiques où il rencontre artistes et écrivains, ce qui lui vaut une réputation de dilettante mondain. Profitant de sa fortune, il n’a pas d’emploi et il entreprend en 1895 un roman qui reste à l’état de fragments (publiés en 1952, à titre posthume, sous le titre Jean Santeuil). En 1900, il abandonne son projet et voyage à Venise et à Padoue pour découvrir les œuvres d’art en suivant les pas de John Ruskin sur qui il publie des articles et dont il traduit deux livres : La Bible d’Amiens et Sésame et les Lys. C’est en 1907 que Marcel Proust commence l’écriture de son grand œuvre À la recherche du temps perdu dont les sept tomes sont publiés entre 1913 (Du côté de chez Swann) et 1927, c’est-à-dire en partie après sa mort ; le deuxième volume, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, obtient le prix Goncourt en 1919. Marcel Proust meurt épuisé, le 18 novembre 1922, d’une bronchite mal soignée : il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise à Paris, accompagné par une assistance nombreuse qui salue un écrivain d’importance que les générations suivantes placeront au plus haut en faisant de lui un véritable mythe littéraire. L’œuvre romanesque de Marcel Proust est une réflexion majeure sur le temps et la mémoire affective comme sur les fonctions de l’art qui doit proposer ses propres mondes, mais c’est aussi une réflexion sur l’amour et la jalousie, avec un sentiment de l’échec et du vide de l’existence qui colore en gris la vision proustienne où l’homosexualité tient une place importante. La Recherche constitue également une vaste comédie humaine de plus de deux cents acteurs. Proust recrée des lieux révélateurs, qu’il s’agisse des lieux de l’enfance dans la maison de Tante Léonie à Combray ou des salons parisiens qui opposent les milieux aristocratiques et bourgeois, ces mondes étant traités parfois avec une plume acide par un auteur à la fois fasciné et ironique. Ce théâtre social est animé par des personnages très divers dont Marcel Proust ne cache pas les traits comiques : ces figures sont souvent inspirées par des personnes réelles ce qui fait d’À la recherche du temps perdu un roman à clé et le tableau d’une époque. La marque de Proust est aussi dans son style dont on remarque les phrases souvent très longues, qui suivent la spirale de la création en train de se faire, cherchant à atteindre une totalité de la réalité qui échappe toujours. Biographie Enfance Marcel Proust naît à Paris (quartier d’Auteuil dans le 16e arrondissement), dans la maison de son grand-oncle maternel, Louis Weil, au 96, rue La Fontaine. Cette maison fut vendue puis détruite pour construire des immeubles, eux-mêmes démolis lors du percement de l’avenue Mozart. Sa mère, née Jeanne Clémence Weil, fille d’un agent de change d’origine juive alsacienne et lorraine de Metz, lui apporte une culture riche et profonde. Elle lui voue une affection parfois envahissante. Son père, le Dr Adrien Proust, fils d’un commerçant d’Illiers (en Eure-et-Loir), professeur à la Faculté de médecine de Paris après avoir commencé ses études au séminaire, est un grand hygiéniste, conseiller du gouvernement pour la lutte contre les épidémies. Marcel a un frère cadet, Robert, né le 24 mai 1873, qui devient chirurgien. Son parrain est le collectionneur d’art Eugène Mutiaux. Sa vie durant, Marcel a attribué sa santé fragile aux privations subies par sa mère au cours de sa grossesse, pendant le siège de 1870, puis pendant la Commune de Paris,. C’est pour se protéger des troubles entraînés par la Commune et sa répression que ses parents ont cherché refuge à Auteuil. L’accouchement est difficile, mais les soins paternels sauvent le nouveau-né. « Peu avant la naissance de Marcel Proust, pendant la Commune, le docteur Proust avait été blessé par la balle d’un insurgé, tandis qu’il rentrait de l’hôpital de la Charité. Madame Proust, enceinte, se remit difficilement de l’émotion qu’elle avait éprouvée en apprenant le danger auquel venait d’échapper son mari. L’enfant qu’elle mit au monde bientôt après naquit si débile que son père craignit qu’il ne fût point viable. On l’entoura de soins ; il donna les signes d’une intelligence et d’une sensibilité précoces, mais sa santé demeura délicate. » Bien que réunissant les conditions pour faire partie de deux religions, fils d’un père catholique et d’une mère juive, lui-même baptisé à l’église Saint-Louis-d’Antin à Paris, Marcel Proust a revendiqué son droit de ne pas se définir lui-même par rapport à une religion. Dreyfusard convaincu, il fut sensible à l’antisémitisme prégnant de son époque, et subit lui-même les assauts antisémites de certaines plumes célèbres. Sa santé est fragile et le printemps devient pour lui la plus pénible des saisons. Les pollens libérés par les fleurs dans les premiers beaux jours provoquent chez lui de violentes crises d’asthme. À neuf ans, alors qu’il rentre d’une promenade au Bois de Boulogne avec ses parents, il étouffe, sa respiration ne revient pas. Son père le voit mourir. Un ultime sursaut le sauve. Voilà maintenant la menace qui plane sur l’enfant, et sur l’homme plus tard : la mort peut le saisir dès le retour du printemps, à la fin d’une promenade, n’importe quand, si une crise d’asthme est trop forte. Années de jeunesse Il est au début élève d’un petit cours primaire, le cours Pape-Carpantier, où il a pour condisciple Jacques Bizet, le fils du compositeur Georges Bizet et de son épouse Geneviève Halévy. Celle-ci tient d’abord un salon chez son oncle, où se réunissent des artistes, puis, lorsqu’elle se remarie en 1886 avec l’avocat Émile Straus, tient son propre salon, dont Proust sera un habitué. Marcel Proust étudie ensuite à partir de 1882 au lycée Condorcet. Il redouble sa cinquième et est inscrit au tableau d’honneur pour la première fois en décembre 1884. Il est souvent absent à cause de sa santé fragile, mais il connaît déjà Victor Hugo et Musset par cœur, comme dans Jean Santeuil. Il est l’élève en philosophie d’Alphonse Darlu, et il se lie d’une amitié exaltée à l’adolescence avec Jacques Bizet. Il est aussi ami avec Fernand Gregh, Jacques Baignères et Daniel Halévy (le cousin de Jacques Bizet), avec qui il écrit dans des revues littéraires du lycée. Le premier amour d’enfance et d’adolescence de l’écrivain est Marie de Benardaky, fille d’un diplomate polonais, sujet de l’empire russe, avec qui il joue dans les jardins des Champs Élysées, le jeudi après-midi, avec Antoinette et Lucie Félix-Faure Goyau, filles du futur président de la République, Léon Brunschvicg, Paul Bénazet ou Maurice Herbette. Il cessa de voir Marie de Benardaky en 1887, les premiers élans pour aimer ou se faire aimer par quelqu’un d’autre que sa mère avaient donc échoué. C’est la première « jeune fille », de celles qu’il a tenté de retrouver plus tard, qu’il a perdue. Les premières tentatives littéraires de Proust datent des dernières années du lycée. Plus tard, en 1892, Gregh fonde une petite revue, avec ses anciens condisciples de Condorcet, Le Banquet, dont Proust est le contributeur le plus assidu. Commence alors sa réputation de snobisme, car il est introduit dans plusieurs salons parisiens et entame son ascension mondaine. Il est ami un peu plus tard avec Lucien Daudet, fils du romancier Alphonse Daudet, qui a six ans de moins que lui. L’adolescent est fasciné par le futur écrivain. Ils se sont rencontrés au cours de l’année 1895. Leur liaison, au moins sentimentale, est révélée par le journal de Jean Lorrain. Proust devance l’appel sous les drapeaux et accomplit son service militaire en 1889-1890 à Orléans, au 76e régiment d’infanterie, et en garde un souvenir heureux. Il devient ami avec Robert de Billy. C’est à cette époque qu’il fait connaissance à Paris de Gaston Arman de Caillavet, qui devient un ami proche, et de la fiancée de celui-ci, Jeanne Pouquet, dont il est amoureux. Il s’inspire de ces relations pour les personnages de Robert de Saint-Loup et de Gilberte Il est aussi introduit au salon de Madame Arman de Caillavet à qui il reste attaché, jusqu’à la fin et qui lui fait connaître le premier écrivain célèbre de sa vie, Anatole France (modèle de Bergotte). Rendu à la vie civile, il suit à l’École libre des sciences politiques les cours d’Albert Sorel (qui le juge « fort intelligent » lors de son oral de sortie) et d’Anatole Leroy-Beaulieu. Il propose à son père de passer les concours diplomatiques ou celui de l’École des chartes. Plutôt attiré par la seconde solution, il écrit au bibliothécaire du Sénat, Charles Grandjean, et décide dans un premier temps de s’inscrire en licence à la Sorbonne, où il suit les cours d’Henri Bergson, son cousin par alliance, au mariage duquel il est garçon d’honneur et dont l’influence sur son œuvre a été parfois jugée importante, ce dont Proust s’est toujours défendu. Marcel Proust est licencié ès lettres en mars 1895. En 1896, il publie Les Plaisirs et les Jours, un recueil de poèmes en prose, portraits et nouvelles dans un style fin de siècle, illustré par Madeleine Lemaire, dont Proust fréquente le salon avec son ami le compositeur Reynaldo Hahn. Il a fait connaissance chez Mme Lemaire de Reynaldo Hahn, élève de Jules Massenet, qui vient chanter ses Chansons grises au printemps 1894. Proust, qui a vingt-trois ans, et Reynaldo Hahn, qui vient d’avoir vingt ans, passent une partie de l’été 1894 au château de Réveillon chez Mme Lemaire. Le livre passe à peu près inaperçu et la critique l’accueille avec sévérité—notamment l’écrivain Jean Lorrain, réputé pour la férocité de ses jugements. Il en dit tant de mal qu’il se retrouve au petit matin sur un pré, un pistolet à la main. Face à lui, également un pistolet à la main, Marcel Proust, avec pour témoin le peintre Jean Béraud. Tout se termine sans blessures, mais non sans tristesse pour l’auteur débutant. Ce livre vaut à Proust une réputation de mondain dilettante qui ne se dissipe qu’après la publication des premiers tomes d’À la recherche du temps perdu. Rédaction de Jean Santeuil La fortune familiale lui assure une existence facile et lui permet de fréquenter les salons du milieu grand bourgeois et de l’aristocratie du Faubourg Saint-Germain et du Faubourg Saint-Honoré. Il y fait la connaissance du fameux Robert de Montesquiou, grâce auquel il est introduit entre 1894 et le début des années 1900 dans des salons plus aristocratiques, comme celui de la comtesse Greffulhe, cousine du poète et belle-mère de son ami Armand de Gramont, duc de Guiche, de Lady Hélène Standish, née de Pérusse des Cars, de la princesse de Wagram, née Rothschild, de la comtesse d’Haussonville, etc. Il y accumule le matériau nécessaire à la construction de son œuvre : une conscience plongée en elle-même, qui recueille tout ce que le temps vécu y a laissé intact, et se met à reconstruire, à donner vie à ce qui fut ébauches et signes. Lent et patient travail de déchiffrage, comme s’il fallait en tirer le plan nécessaire et unique d’un genre qui n’a pas de précédent, qui n’aura pas de descendance : celui d’une cathédrale du temps. Pourtant, rien du gothique répétitif dans cette recherche, rien de pesant, de roman– rien du roman non plus, pas d’intrigue, d’exposition, de nœud, de dénouement. Le 29 juin 1895, il passe le concours de bibliothécaire à la Mazarine, il y fait quelques apparitions pendant les quatre mois qui suivent et demande finalement son congé. En juillet, il passe des vacances à Kreuznach, ville d’eau allemande, avec sa mère, puis une quinzaine de jours à Saint-Germain-en-Laye, où il écrit une nouvelle, « La Mort de Baldassare Silvande », publiée dans La Revue hebdomadaire, le 29 octobre suivant et dédicacée à Reynaldo Hahn. Il passe une partie de mois d’août avec Reynaldo Hahn chez Mme Lemaire dans sa villa de Dieppe. Ensuite, en septembre, les deux amis partirent pour Belle-Île-en-Mer et Beg Meil. C’est l’occasion de découvrir les paysages décrits par Renan. Il rentre à Paris mi-octobre. C’est à partir de l’été 1895 qu’il entreprend la rédaction d’un roman qui relate la vie d’un jeune homme épris de littérature dans le Paris mondain de la fin du XIXe siècle. On y retrouve l’évocation du séjour à Réveillon qu’il fait à l’automne, encore chez Mme Lemaire, dans son autre propriété. Publié en 1952, ce livre, intitulé, après la mort de l’auteur, Jean Santeuil, du nom du personnage principal, est resté à l’état de fragments mis au net. L’influence de son homosexualité sur son œuvre semble pour sa part importante, puisque Marcel Proust fut l’un des premiers romanciers européens à traiter ouvertement de l’homosexualité (masculine et féminine) dans ses écrits, plus tard. Pour l’instant, il n’en fait aucunement part à ses intimes, même si sa première liaison (avec Reynaldo Hahn) date de cette époque. Léon Daudet décrit Proust arrivant au restaurant Weber vers 1905 : « Vers sept heures et demie arrivait chez Weber un jeune homme pâle, aux yeux de biche, suçant ou tripotant une moitié de sa moustache brune et tombante, entouré de lainages comme un bibelot chinois. Il demandait une grappe de raisin, un verre d’eau et déclarait qu’il venait de se lever, qu’il avait la grippe, qu’il s’allait recoucher, que le bruit lui faisait mal, jetait autour de lui des regards inquiets, puis moqueurs, en fin de compte éclatait d’un rire enchanté et restait. Bientôt sortaient de ses lèvres, proférées sur un ton hésitant et hâtif, des remarques d’une extraordinaire nouveauté et des aperçus d’une finesse diabolique. Ses images imprévues voletaient à la cime des choses et des gens, ainsi qu’une musique supérieure, comme on raconte qu’il arrivait à la taverne du Globe, entre les compagnons du divin Shakespeare. Il tenait de Mercutio et de Puck, suivant plusieurs pensées à la fois, agile à s’excuser d’être aimable, rongé de scrupules ironiques, naturellement complexe, frémissant et soyeux ». L’esthétique de Ruskin Vers 1900, il abandonne la rédaction de ce roman qui nous est parvenu sous forme de fragments manuscrits découverts et édités dans les années 1950 par Bernard de Fallois. Il se tourne alors vers l’esthète anglais John Ruskin, que son ami Robert de Billy, diplomate en poste à Londres de 1896 à 1899, lui fait découvrir. Ruskin ayant interdit qu’on traduise son œuvre de son vivant, Proust le découvre dans le texte, et au travers d’articles et d’ouvrages qui lui sont consacrés, comme celui de Robert de La Sizeranne, Ruskin et la religion de la beauté. À la mort de Ruskin, en 1900, Proust décide de le traduire. À cette fin, il entreprend plusieurs « pèlerinages ruskiniens », dans le nord de la France, à Amiens, et surtout à Venise, où il séjourne avec sa mère, en mai 1900, à l’hôtel Danieli, où séjournèrent autrefois Musset et George Sand. Il retrouve Reynaldo Hahn et sa cousine Marie Nordlinger qui demeurent non loin, et ils visitent Padoue, où Proust découvre les fresques de Giotto, Les Vertus et les Vices qu’il introduit dans La Recherche. Pendant ce temps, ses premiers articles sur Ruskin paraissent dans La Gazette des Beaux Arts. Cet épisode est repris dans Albertine disparue. Les parents de Marcel jouent d’ailleurs un rôle déterminant dans le travail de traduction. Le père l’accepte comme un moyen de mettre à un travail sérieux un fils qui se révèle depuis toujours rebelle à toute fonction sociale et qui vient de donner sa démission d’employé non rémunéré de la bibliothèque Mazarine. La mère joue un rôle beaucoup plus direct. Marcel Proust maîtrisant mal l’anglais elle se livre à une première traduction mot à mot du texte anglais ; à partir de ce déchiffrage, Proust peut alors « écrire en excellent français, du Ruskin », comme le nota un critique à la parution de sa première traduction, La Bible d’Amiens (1904). À l’automne 1900, la famille Proust emménage au 45, rue de Courcelles. C’est à cette époque que Proust fait la connaissance du prince Antoine Bibesco chez sa mère, la princesse Hélène, qui tient un salon où elle invite surtout des musiciens (dont Fauré qui est si important pour la Sonate de Vinteuil, même si c’est finalement la Sonate pour violon et piano no 2 de Brahms qui aura pu servir de modèle à la petite phrase) et des peintres. Les deux jeunes gens se retrouvent après le service militaire dans la Roumanie du prince, en automne 1901. Antoine Bibesco devient un confident intime de Proust, jusqu’à la fin de sa vie, tandis que l’écrivain voyage avec son frère Emmanuel Bibesco, qui aime aussi Ruskin et les cathédrales gothiques. Proust continue encore ses pèlerinages ruskiniens en visitant notamment la Belgique et la Hollande en 1902 avec Bertrand de Fénelon (autre modèle de Saint-Loup) qu’il a connu par l’intermédiaire d’Antoine Bibesco et pour qui il éprouve un attachement qu’il ne peut avouer. Le départ du fils cadet, Robert, qui se marie en 1903, transforme la vie quotidienne de la famille. L’écriture de La Recherche La première phrase de l’œuvre est posée en 1907. Pendant quinze années, Proust vit en reclus dans sa chambre tapissée de liège, au deuxième étage du 102, boulevard Haussmann, où il a emménagé le 27 décembre 1906 après la mort de ses parents, et qu’il quittera en 1919. Portes fermées, Proust écrit, ne cesse de modifier et de retrancher, d’ajouter en collant sur les pages initiales les « paperolles » que l’imprimeur redoute. Plus de deux cents personnages vivent sous sa plume, couvrant quatre générations. Après la mort de ses parents, sa santé déjà fragile se détériore davantage en raison de son asthme. Il s’épuise au travail, dort le jour et ne sort—rarement—que la nuit tombée et dînant souvent au Ritz, seul ou avec des amis. Son œuvre principale, À la recherche du temps perdu, est publiée entre 1913 et 1927. Le premier tome, Du côté de chez Swann (1913), est refusé chez Gallimard sur les conseils d’André Gide, malgré les efforts du prince Antoine Bibesco et de l’écrivain Louis de Robert. Gide exprime ses regrets par la suite. Finalement, le livre est édité à compte d’auteur chez Grasset. L’année suivante, le 30 mai, Proust perd son secrétaire et ami, Alfred Agostinelli, dans un accident d’avion. Ce deuil, surmonté par l’écriture, traverse certaines des pages de La Recherche. Les éditions Gallimard acceptent le deuxième volume, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, pour lequel Proust reçoit en 1919 le prix Goncourt. C’est l’époque où il songe à entrer à l’Académie française, où il a des amis ou soutiens tels que Robert de Flers, René Boylesve, Maurice Barrès, Henri de Régnier... Il ne lui reste plus que trois années à vivre. Il travaille sans relâche à l’écriture des cinq livres suivants de La Recherche et meurt, épuisé, le 18 novembre 1922, emporté par une bronchite mal soignée. Il demeurait au 44, rue de l’Amiral-Hamelin à Paris. Une photographie, prise par Man Ray à la demande de Jean Cocteau, montre Marcel Proust sur son lit de mort, le 20 novembre. Les funérailles ont lieu le lendemain, 21 novembre, en l’église Saint-Pierre-de-Chaillot, avec les honneurs militaires dus à un chevalier de la Légion d’honneur. L’assistance est nombreuse. Barrès dit à Mauriac sur le parvis de l’église : « Enfin, c’était notre jeune homme ! » Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise à Paris, division 85. Les œuvres Les Plaisirs et les Jours Les Plaisirs et les Jours est un recueil de poèmes en prose et de nouvelles publié par Marcel Proust en 1896 chez Calmann-Lévy. Ce recueil s’inspire fortement du décadentisme et notamment du travail du dandy Robert de Montesquiou. Il s’agit du premier ouvrage de son auteur, qui cherchera à en éviter la réimpression pendant la rédaction de La Recherche. Jean Santeuil En 1895, Proust entreprend l’écriture d’un roman mettant en scène un jeune homme qui évolue dans le Paris de la fin du XIXe siècle. Considéré comme une ébauche de La Recherche, Jean Santeuil ne constitue pas un ensemble achevé. Proust y évoque notamment l’affaire Dreyfus, dont il fut l’un des témoins directs. Il est l’un des premiers à faire circuler une pétition favorable au capitaine français accusé de trahison et à la faire signer par Anatole France. Les traductions de Ruskin La Bible d’Amiens (Wikisource) Sésame et les lys (Wikisource)Proust traduit La Bible d’Amiens (1904), de John Ruskin, et ce travail, ainsi que sa deuxième traduction, Sésame et les Lys (1906), est salué par la critique, dont Henri Bergson. Cependant, le choix des œuvres traduites ne se révèle pas heureux et l’ensemble est un échec éditorial. C’est pourtant pour le futur écrivain un moment charnière où s’affirme sa personnalité. En effet, il accompagne ses traductions de notes abondantes et de préfaces longues et riches qui occupent une place presque aussi importante que le texte traduit. Surtout, en traduisant Ruskin, Proust prend peu à peu ses distances avec celui-ci, au point de critiquer ses positions esthétiques. Cela est particulièrement perceptible dans le dernier chapitre de sa préface à La Bible d’Amiens qui tranche avec l’admiration qu’il exprime dans les trois premiers. Il reproche notamment à Ruskin son idolâtrie esthétique, critique qu’il adressa également à Robert de Montesquiou et qu’il fit partager par Swann et dans la Recherche. Pour Proust, c’est dévoyer l’art que d’aimer une œuvre parce que tel écrivain en parle ; il faut l’aimer pour elle-même. Contre Sainte-Beuve Le Contre Sainte-Beuve n’existe pas réellement : il s’agit d’un ensemble de pages, publiées à titre posthume en 1954 sous la forme d’un recueil associant des courts passages narratifs et de brefs essais (ou esquisses d’essais) consacrés aux écrivains que Proust admirait tout en les critiquant : Balzac, Flaubert, etc. Il y attaque Charles-Augustin Sainte-Beuve et sa méthode critique selon laquelle l’œuvre d’un écrivain serait avant tout le reflet de sa vie et ne pourrait s’expliquer que par elle. En s’y opposant, Proust fonde sa propre poétique ; on peut considérer À la recherche du temps perdu comme une réalisation des idées exposées dans ces pages, dont certaines sont reprises par le narrateur proustien dans Le Temps Retrouvé, ou attribuées à des personnages ; d’autre part, nombre de passages narratifs ont été développés dans le roman. Pastiches et Mélanges Pastiches et Mélanges est une œuvre que Proust publie en 1919 à la NRF. Il s’agit d’un recueil de préfaces et d’articles de presse parus principalement dans Le Figaro à partir de 1908, rassemblés en un volume à la demande de Gaston Gallimard. Un extrait de cette oeuvre “ Journées de Lecture ”, préface à la traduction de Sésame et les lys de Ruskin, a été publié notamment chez 10-18, 1993 (ISBN 2-2640 1811-9), Gallimard, 2017 (ISBN 978-2-0727-0534-2) et Publie.net. À la recherche du temps perdu Des critiques[Qui ?] ont écrit que le roman moderne commençait avec Marcel Proust. En rompant avec la notion d’intrigue, l’écrivain devient celui qui cherche à rendre la vérité de l’âme. La composition de La Recherche en témoigne : les thèmes tournent selon un plan musical et un jeu de correspondances qui s’apparentent à la poésie. Proust voulait saisir la vie en mouvement, sans autre ordre que celui des fluctuations de la mémoire affective. Il laisse des portraits uniques, des lieux recréés, une réflexion sur l’amour et la jalousie, une image de la vie, du vide de l’existence, et de l’art. Son style écrit évoque son style parlé, caractérisé par une phrase parfois longue, « étourdissante dans ses parenthèses qui la soutenaient en l’air comme des ballons, vertigineuse par sa longueur, (...) vous engaînait dans un réseau d’incidentes si emmêlées qu’on se serait laissé engourdir par sa musique, si l’on n’avait été sollicité soudain par quelque pensée d’une profondeur inouïe », mais selon « un rythme d’une infinie souplesse. Il le varie au moyen de phrases courtes, car l’idée populaire que la prose de Proust n’est composée que de phrases longues est fausse (comme si d’ailleurs les phrases longues étaient un vice) ». « Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et autant qu’il y ait d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l’infini et qui, bien des siècles après qu’est éteint le foyer dont il émanait, qu’il s’appelât Rembrandt ou Vermeer, nous envoient encore leur rayon spécial. « Ce travail de l’artiste, de chercher à apercevoir sous de la matière, sous de l’expérience, sous des mots, quelque chose de différent, c’est exactement le travail inverse de celui que, chaque minute, quand nous vivons détournés de nous-mêmes, l’amour-propre, la passion, l’intelligence, et l’habitude aussi accomplissent en nous, quand elles amassent au-dessus de nos impressions vraies, pour nous les cacher entièrement, les nomenclatures, les buts pratiques que nous appelons faussement la vie ». (Le Temps retrouvé) L’œuvre de Marcel Proust est aussi une réflexion majeure sur le temps. La « Recherche du Temps Perdu » permet de s’interroger sur l’existence même du temps, sur sa relativité et sur l’incapacité à le saisir au présent. Une vie s’écoule sans que l’individu en ait conscience et seul un événement fortuit constitué par une sensation—goûter une madeleine, buter sur un pavé—fait surgir à la conscience le passé dans son ensemble et comprendre que seul le temps écoulé, perdu, a une valeur (notion de « réminiscence proustienne »). Le temps n’existe ni au présent, ni au futur, mais au seul passé, dont la prise de conscience est proche de la mort. La descente de l’escalier de Guermantes au cours de laquelle le Narrateur ne reconnaît pas immédiatement les êtres qui ont été les compagnons de sa vie symbolise l’impossibilité qu’il y a à voir le temps passer en soi comme sur les autres. On garde toute sa vie l’image des êtres tels qu’ils nous sont apparus le premier jour et la prise de conscience de la dégradation opérée par le temps sur leur visage nous les rend méconnaissables jusqu’à ce que les ayant reconnus l’individu prenne conscience de sa mort prochaine. Seule la conscience du temps passé donne son unité au quotidien fragmenté. L’analyse du snobisme et de la société aristocratique et bourgeoise de son temps fait de l’œuvre de Proust une interrogation majeure des mobiles sociaux de l’individu et de son rapport aux autres, instruments de l’ascension sociale. Comme Honoré de Balzac, Marcel Proust a su créer un monde imaginaire, peuplé de personnages devenus aujourd’hui des types sociaux ou moraux. Comme le Père Goriot, Eugénie Grandet, la Duchesse de Langeais ou Vautrin chez Balzac, Madame Verdurin, la duchesse de Guermantes, Charlus ou Charles Swann sont, chez Proust, des personnages en lesquels s’incarne une caractéristique particulière : ambition, désintéressement, suprématie mondaine, veulerie,,. L’amour et la jalousie sont analysés sous un jour nouveau. L’amour n’existe chez Swann, ou chez le Narrateur, qu’au travers de la jalousie. La jalousie, ou le simple fait de ne pas être l’élu, génèrerait l’amour, qui une fois existant, se nourrirait non de la plénitude de sa réalisation, mais de l’absence. Swann n’épouse Odette de Crécy que lorsqu’il ne l’aime plus. Le Narrateur n’a jamais autant aimé Albertine que lorsqu’elle a disparu (voir Albertine disparue). On n’aime que ce en quoi on poursuit quelque chose d’inaccessible, on n’aime que ce qu’on ne possède pas, écrit par exemple Proust dans La Prisonnière. Cette théorie développée dans l’œuvre reflète exactement la pensée de Proust, comme l’illustre la célèbre rencontre entre l’écrivain et le jeune Emmanuel Berl, rencontre que ce dernier décrira dans son roman Sylvia (1952). Lorsque Berl lui fait part de l’amour partagé qu’il éprouve pour une jeune femme, Proust dit sa crainte que Sylvia ne s’interpose entre Berl et son amour pour elle, puis devant l’incompréhension de Berl, qui maintient qu’il peut exister un amour heureux, se fâche et renvoie le jeune homme chez lui. La Recherche réserve une place importante à l’analyse de l’homosexualité, en particulier dans Sodome et Gomorrhe où apparaît sous son vrai jour le personnage de Charlus. Enfin, l’œuvre se distingue par son humour et son sens de la métaphore. Humour, par exemple, lorsque le Narrateur reproduit le style lyrique du valet Joseph Périgot ou les fautes de langage du directeur de l’hôtel de Balbec, qui dit un mot pour un autre (« le ciel est parcheminé d’étoiles », au lieu de « parsemé »). Sens de la métaphore, lorsque le Narrateur compare le rabâchage de sa gouvernante, Françoise, une femme d’extraction paysanne qui a tendance à revenir régulièrement sur les mêmes sujets, au retour systématique du thème d’une fugue de Bach. Anecdotes Surnoms et pseudonymes La mère de Proust lui donnait, enfant, des surnoms affectueux, tels « mon petit jaunet » (un jaunet est un louis d’or ou un franc Napoléon en or), « mon petit serin », « mon petit benêt » ou « mon petit nigaud ». Dans ses lettres, son fils était « loup » ou « mon pauvre loup ». Ses amis et relations lui attribuaient d’autres sobriquets, plus ou moins amicaux, tels que « Poney », « Lecram » (anacyclique de Marcel), l’« Abeille des fleurs héraldiques », le « Flagorneur » ou le « Saturnien », et ils utilisaient le verbe « proustifier » pour qualifier sa manière d’écrire. Dans les salons, il était « Popelin Cadet », et ses dîners mémorables dans le grand hôtel parisien lui ont valu l’appellation de « Proust du Ritz ». Le romancier Paul Bourget affubla Proust d’un sobriquet faisant référence à son goût pour les porcelaines de Saxe. Il écrivit à la demi-mondaine Laure Hayman, amie des deux écrivains : « (...) votre saxe psychologique, ce petit Marcel (...) tout simplement exquis ». Laure Hayman avait donné à Marcel Proust un exemplaire de la nouvelle de Paul Bourget Gladys Harvey relié dans la soie d’un de ses jupons. Laure était le modèle supposé du personnage créé par Bourget, et avait écrit sur l’exemplaire offert à Proust une mise en garde : « Ne rencontrez jamais une Gladys Harvey ». Dans ses écrits, Proust a souvent employé des pseudonymes. Ses publications dans la presse sont signées Bernard d’Algouvres, Dominique, Horatio, Marc-Antoine, Écho, Laurence ou simplement D. Illiers-Combray Le village d’Illiers, en Eure-et-Loir, inspira à Proust le lieu fictif de Combray. À l’occasion du centenaire de sa naissance, en 1971, ce village d’Illiers où, enfant, le « petit Marcel » venait passer ses vacances chez sa tante Élisabeth Amiot, lui rendit hommage en changeant de nom pour devenir Illiers-Combray. C’est l’une des rares communes françaises à avoir adopté un nom emprunté à la littérature. La « maison de Tante Léonie », où Proust passa ses vacances d’enfance entre 1877 et 1880, est devenue le Musée Marcel Proust. Un timbre français de 0.30 + 0.10 de 1966 représente Marcel Proust avec le pont Saint-Hilaire à Illiers. Le questionnaire L’écrivain est également connu pour le Questionnaire de Proust (1886), en réalité un simple questionnaire de personnalité auquel il répondit par hasard dans son adolescence, et qui donna à Bernard Pivot l’idée d’élaborer le sien. Quelques réponses sont restées historiques, par exemple, à l’interrogation « Comment aimeriez-vous mourir ? », la réplique : « J’aimerais mieux pas. » Quelques années après son apparition chez Bernard Pivot, le questionnaire traversa l’Atlantique pour se retrouver dans l’émission télévisée Actors’ Studio, où James Lipton interviewe les stars du grand écran. Postérité Avec le temps, Proust s’impose comme l’un des auteurs majeurs du XXe siècle et est considéré dans le monde comme l’un des écrivains, voire l’écrivain le plus représentatif de la littérature française, au même titre que le sont Shakespeare, Cervantes, Dante et Goethe dans leurs pays respectifs, et est identifié à l’essence de ce qu’est la « littérature ». Il s’est écrit davantage de livres sur lui que sur tout autre écrivain français. Publications Ouvrages antérieurs à La Recherche Publiés par ProustLes Plaisirs et les Jours, Calmann-Lévy, 1896 La Bible d’Amiens, préface, traduction et notes de l’ouvrage de John Ruskin The Bible of Amiens, Mercure de France, 1904 Sésame et les lys, traduction de l’ouvrage de John Ruskin Sesame and Lilies, Mercure de France, 1906Ces deux ouvrages de Ruskin ont été réunis dans une édition critique établie par Jérôme Bastianelli, collection Bouquins, Robert Laffont, 2015 Pastiches et Mélanges, NRF, 1919Éditions posthumes Chroniques, 1927 Jean Santeuil, 1952 Contre Sainte-Beuve, 1954 Le chagrin de la marquise, 1961 Chardin et Rembrandt, Le Bruit du temps, 2009 Le Mensuel retrouvé, précédé de « Marcel avant Proust » de Jérôme Prieur (sous-titré Inédits), éditions des Busclats, novembre 2012 Mort de ma grand-mère, suivie d’une conclusion de Bernard Frank (écrivain). Grenoble, Éditions Cent Pages, 2013 (ISBN 978-2-9163-9041-3) À la recherche du temps perdu Éditions originalesDu côté de chez Swann, Grasset, 1913 Partie 1 : Combray Partie 2 : Un amour de Swann Partie 3 : Noms de pays : le nom À l’ombre des jeunes filles en fleurs, NRF, 1918, prix Goncourt Partie 1 : Autour de Mme Swann Partie 2 : Noms de pays : le pays Le Côté de Guermantes I et II, NRF, 1921-1922 Sodome et Gomorrhe I et II, NRF, 1922-1923 La Prisonnière, NRF, 1923 Albertine disparue (La Fugitive), 1925 Le Temps retrouvé, NRF, 1927Éditions diversesA la recherche du temps perdu : L’essentiel lu par Daniel Mesguich aux éditions Frémeaux & Associés Du côté de chez Swann Vol.1– Coffret 4 CD A l’ombre des jeunes filles en fleurs Vol. 2– Coffret 4 CD Le Côté de Guermantes Vol. 3– Coffret 4 CD Sodome et Gomorrhe Vol. 4– Coffret 4 CD Gallimard : Les quatre versions chez Gallimard utilisent toutes le même texte : Pléiade : édition en 4 volumes, avec notes et variantes Folio : édition en 7 volumes, poche Collection blanche : édition en 7 volumes, grand format Quarto : édition en 1 volume, grand format Garnier-Flammarion : édition en 10 volumes, poche Livre de Poche : édition en 7 volumes, poche Bouquins, Robert Laffont : édition en 3 volumes, grand format Omnibus, Presses de la Cité : édition en 2 volumes, grand format Intégrale, lue par André Dussollier, Guillaume Gallienne, Michael Lonsdale, Denis Podalydès, Robin Renucci et Lambert Wilson aux éditions Thélème Texte intégral de l’édition Gallimard de 1946-1947 en ligne sur Gutenberg Le manuscrit retrouvé d’À la recherche du temps perdu, Éditions des Saints-Pères, 2016 Correspondance Plusieurs volumes posthumes, publiés à partir de 1926. Robert de Billy, Marcel Proust, Lettres et conversations, Paris, Éditions des Portiques, 1930 Une première édition en 6 tomes (classée par correspondants), publiée par Robert Proust et Paul Brach : Correspondance générale (1930-1936). Une grande édition de référence en 21 tomes, où les lettres des volumes précédents sont reprises, augmentées, dotées d’une annotation universitaire et classées chronologiquement par Philip Kolb : Correspondance (Plon, 1971-1993). Une édition anthologique de l’édition de Philip Kolb, corrigée et présentée par Françoise Leriche, avec de nouvelles lettres inédites : Marcel Proust, Lettres (Plon, 2004). Bibliographie Ouvrages généraux Pierre Abraham, Proust, Rieder, 1930 Pierre Assouline, Autodictionnaire Proust, Omnibus, 2011 Jérôme Bastianelli, Dictionnaire Proust-Ruskin, Classiques Garnier, 2017, (ISBN 978-2-406-06716-0) Samuel Beckett, Proust, essai composé en anglais en 1930, traduit en français par É. Fournier, Les Éditions de Minuit, 1990 Annick Bouillaguet, Brian G. Rogers (dir.), Dictionnaire Marcel Proust, Honoré Champion, coll. « Dictionnaires et références », 2004 Georges Cattaui, Marcel Proust, Proust et son Temps, Proust et le Temps, préface de Daniel-Rops, Julliard, 1953 Pietro Citati, La Colombe poignardée, Proust et la Recherche, Gallimard, 1997 Antoine Compagnon, Proust entre deux siècles, Le Seuil, 1989 Antoine Compagnon et autres, Un été avec Proust, Éd. des Équateurs, 2014 Ernst Robert Curtius, Marcel Proust, Paris, La Revue Nouvelle, 1928 Gilles Deleuze, Proust et les signes, PUF, 1970 Ghislain de Diesbach, Proust, Perrin, 1991 Roger Duchêne, L’Impossible Marcel Proust, Robert Laffont, 1994 Jean-Paul et Raphaël Enthoven, Dictionnaire amoureux de Marcel Proust, Plon/Grasset, 2013 Michel Erman, Marcel Proust, Fayard, 1994 Ramon Fernandez, À la gloire de Proust, Éditions de La Nouvelle Revue Critique, 1943 rééd. Grasset sous le titre Proust, 2009 (ISBN 9782246075226). Luc Fraisse, L’Éclectisme philosophique de Marcel Proust, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, coll. Lettres françaises, 2013. Laure Hillerin, Proust pour Rire– Bréviaire jubilatoire de À la recherche du temps perdu, Flammarion, 2016. Edmond Jaloux, Avec Marcel Proust, La Palatine, Genève, 1953 Julia Kristeva, Le Temps sensible : Proust et l’expérience littéraire, Folio Essai, 2000 Giovanni Macchia, L’Ange de la Nuit (Sur Proust), Gallimard, 1993 Diane de Margerie, Proust et l’obscur, Albin Michel, 2010 Diane de Margerie, À la recherche de Robert Proust, Flammarion, 2016 Claude Mauriac, Proust par lui-même, coll. « Écrivains de toujours », Seuil, 1953 François Mauriac, Du côté de chez Proust, La Table ronde, 1947 André Maurois, À la recherche de Marcel Proust, Hachette, 1949, étude et biographie littéraire. Ouvrage collectif, Proust, Hachette (coll. « Génies et réalités »), c1965, 1972 George D. Painter, Marcel Proust, 2 vol., Mercure de France, 1966-1968, traduit de l’anglais et préfacé par Georges Cattaui ; édition revue, en un volume, corrigée et augmentée d’une nouvelle préface de l’auteur, Mercure de France, 1992 Gaëtan Picon, Lecture de Marcel Proust, Mercure de France, 1963 Jérôme Picon, Marcel Proust, une vie à s’écrire, Flammarion, 2016 Léon Pierre-Quint, Marcel Proust, sa vie, son œuvre, Sagittaire, 1946 Jean-François Revel, Sur Proust, Grasset, coll. « Les Cahiers rouges », 1987 Jean-Pierre Richard, Proust et le monde sensible, Seuil, 1974 Ernest Seillière, Marcel Proust, Éditions de La Nouvelle Revue critique, 1931 Anne Simon, Proust ou le réel retrouvé, Paris, PUF, 2000 Jean-Yves Tadié, Marcel Proust, NRF/Biographie, Gallimard, 1996 Jean-Yves Tadié, De Proust à Dumas, Gallimard (coll. « Blanche »), 2006 Edmund White, Marcel Proust, Fides, 2001 Ouvrages iconographiques Georges Cattaui, Proust, documents iconographiques, éditions Pierre Cailler, collection « Visages d’hommes célèbres », 1956, 248 pages illustrées de 175 photos relatives à Marcel Proust. Collectif, Le Monde de Proust vu par Paul Nadar, édition du Centre des monuments nationaux / Éditions du Patrimoine, 1999– (ISBN 9782858223077) Pierre Clarac et André Ferré, Album Proust, Gallimard, collection Albums de la Pléiade, 1965. Eric Karpeles, Le musée imaginaire de Marcel Proust– Tous les tableaux de A la recherche du temps perdu, traduit de l’anglais par Pierre Saint-Jean, Thames and Hudson, 2017 André Maurois, Le Monde de Marcel Proust, Hachette, 1960 Mireille Naturel et Patricia Mante-Proust, Marcel Proust. L’Arche et la Colombe, Michel Lafon, 2012. Jérôme Picon, Marcel Proust, album d’une vie, Textuel, 1999. Henri Raczymow, Le Paris retrouvé de Marcel Proust, Parigramme, 1995. Monographies Céleste Albaret (et Georges Belmont), Monsieur Proust, Robert Laffont, 1973. Jacques Bersani (éd.), Les Critiques de notre temps et Proust, Garnier, 1971. Catherine Bidou-Zachariasen, Proust sociologue. De la maison aristocratique au salon bourgeois, Descartes, 1997. 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Józef Czapski, Proust contre la déchéance : Conférence au camp de Griazowietz, Noir sur blanc, 2004 et 2011. Serge Doubrovsky, La Place de la madeleine, Écriture et fantasme chez Proust, Mercure de France, 1974. Robert Dreyfus, Souvenirs sur Marcel Proust (accompagnés de lettres inédites), Paris, Grasset, 1926. Maurice Duplay, Mon ami Marcel Proust : souvenirs intimes. Cet ouvrage contient notamment une lettre de Marcel Proust à Maurice Duplay, Editions Gallimard, 1972 Clovis Duveau, Proust à Orléans, édité par les Musées d’Orléans, 1998. Michel Erman, Le Bottin proustien. Qui est dans « La Recherche » ?, Paris, La Table Ronde, 2010. Michel Erman, Le Bottin des lieux proustiens, La Table ronde, 2011. Luc Fraisse, L’Œuvre cathédrale. Proust et l’architecture médiévale, José Corti, 1990, 574 pages. Louis Gautier-Vignal, Proust connu et inconnu, Robert Laffont, 1976. Jean-Michel Henny, Marcel Proust à Évian. Étape d’une vocation. Chaman édition, Neuchâtel, 2015. 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Universités/Domaine littéraire, 2010 Davide Vago, Proust en couleur, coll. « Recherches proustiennes », Honoré Champion, 2012 (ISBN 9782745323927) Stéphane Zagdanski, Le Sexe de Proust, Gallimard, 1994 (ISBN 2070738779) Adaptations Filmographie Céleste, de Percy Adlon, film allemand avec pour personnage principal Céleste Albaret (1981). Le Temps retrouvé, de Raoul Ruiz (1998). Un amour de Swann, de Volker Schlöndorff (1984). La Captive, de Chantal Akerman (2000). À la recherche du temps perdu, téléfilm en deux parties de Nina Companeez (diffusé sur France 2 en février 2011). Divers Suso Cecchi D’Amico et Luchino Visconti : À la recherche du temps perdu, scénario d’après Marcel Proust, Persona, 1984. Harold Pinter : Le Scénario Proust : À la recherche du temps perdu, avec la collaboration de Joseph Losey et Barbara Bray, traduction de l’anglais par Jean Pavans, scénario d’après Marcel Proust, Gallimard, Paris, 2003. Stéphane Heuet : À la recherche du temps perdu, bande dessinée d’après Marcel Proust, 5 vol. parus, Delcourt, Tournai, Belgique, 1998-2008. Alberto Lombardo, L’Air de rien, adaptation théâtrale de À la recherche du temps perdu sur la relation Albertine-Marcel, 1988. À la recherche du temps perdu, version manga, traduit du japonais par Julien Lefebvre-Paquet, Soleil Manga, 2011 (ISBN 2-302-01879-6) Voir aussi Prix Marcel-Proust Prix de la Madeleine d’or L’hôtel littéraire Le Swann a été inauguré le 14 novembre 2013 pour le centenaire de la publication de Du côté de chez Swann, le premier tome d’À la recherche du temps perdu. Il est situé 11-15 rue de Constantinople à Paris, dans le 8e arrondissement. L’ensemble de la décoration rend hommage à Marcel Proust et à son œuvre et un espace d’exposition présente des livres rares et des manuscrits. Les références Wikipedia – https ://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Proust

Paul Claudel

Paul Claudel, né le 6 août 1868 à Villeneuve-sur-Fère dans l’ancien presbytère du village dans l’Aisne et mort le 23 février 1955 à Paris, est un dramaturge, poète, essayiste et diplomate français. Membre de l’Académie française, il est le frère de la sculptrice Camille Claudel. Biographie Jeunesse Paul Louis Charles Claudel est le fils de Louis-Prosper Claudel, un haut fonctionnaire de province, né à La Bresse dans les Vosges, et de Louise Athénaïse Cerveaux. Frère cadet de Louise Claudel, pianiste,[réf. souhaitée] et de la sculptrice Camille Claudel qui réalisa en 1884 son buste « en jeune romain », dont un des quatre exemplaires en bronze réalisés à partir de l’original (fonte Gruet de 1893) est exposé au Musée des Augustins de Toulouse (don baron Alphonse de Rothschild, 1895), il grandit à Villeneuve-sur-Fère. De 1882 à 1886 il vit à Paris avec sa mère et ses sœurs au 135bis, boulevard du Montparnasse, puis de 1886 à 1892 au 31, boulevard de Port-Royal. Il fait ses études au lycée Louis-le-Grand où il obtient son baccalauréat de philosophie en 1885 et s’inscrit à l’École libre des sciences politiques pour y préparer une licence de droit. Claudel, selon ses dires, baignait, comme tous les jeunes gens de son âge, dans « le bagne matérialiste » du scientisme de l’époque. Il se convertit au catholicisme, religion de son enfance, en assistant en curieux aux vêpres à Notre-Dame de Paris le 25 décembre 1886, jour de Noël. « J’étais debout, près du deuxième pilier, à droite, du côté de la sacristie. Les enfants de la maîtrise étaient en train de chanter ce que je sus plus tard être le Magnificat. En un instant mon cœur fut touché et je crus ». À la même époque, il découvre les Illuminations, le recueil de poèmes d’Arthur Rimbaud, dont la lecture sera pour lui déterminante. L’influence de celui qu’il appelait le « mystique à l’état sauvage » est manifeste, notamment, dans Tête d’or, une de ses premières pièces de théâtre. Le diplomate Passé une velléité d’entrer dans les ordres, il entre dans la carrière diplomatique en 1893. Tout d’abord premier vice-consul à New York puis à Boston, il est nommé consul à Shanghai en 1895. Il est alors appuyé par le secrétaire général du Quai d’Orsay, Philippe Berthelot. À l’âge de 32 ans, en 1900, il veut mettre fin à sa carrière diplomatique pour devenir moine bénédictin et postule à l’abbaye Saint-Martin de Ligugé. Les supérieurs du monastère ne l’admettront pas comme moine mais, en 1905, il deviendra oblat de cette même abbaye. De retour en Chine, il y poursuit sa carrière diplomatique et, après avoir été consul à Shanghai (1895), il devient vice-consul à Fou-Tchéou (Fuzhou, 1900) puis consul à Tientsin (Tianjin, 1906-09). Il est ensuite consul à Prague (1909) Francfort (1911) et Hambourg (1913) avant d’être nommé ministre plénipotentiaire à Rio de Janeiro (1916), et à Copenhague (1920). Il est ambassadeur à Tokyo (1922), à Washington (1928) puis à Bruxelles (1933), où se termine sa carrière diplomatique en 1936. L’écrivain engagé Claudel s’installe alors définitivement dans le château de Brangues en Isère, qu’il avait acquis en 1927 pour y passer ses étés. Le travail littéraire, mené jusqu’alors parallèlement à sa carrière diplomatique, occupe désormais la plus grande part de son existence. Il reçoit à Brangues diverses notoriétés : des hommes politiques comme le président Édouard Herriot, ou des écrivains comme François Mauriac. Georges Clemenceau, amateur de littérature et lui-même écrivain, a laissé cette sévère appréciation de la prose claudélienne : « J’ai d’abord cru que c’était un carburateur et puis j’en ai lu quelques pages– et non, ça n’a pas carburé. C’est des espèces de loufoqueries consciencieuses comme en ferait un Méridional qui voudrait avoir l’air profond… » En 1934 c’est lui qui écrit puis déclame l’éloge funèbre pour son ami, l’ancien secrétaire général du Quai d’Orsay, Philippe Berthelot. Pendant la guerre d’Espagne, Claudel apporta son soutien aux franquistes. Geneviève Dreyfus-Armand écrit que : « Paul Claudel, que son statut de diplomate contraignait sans doute à la réserve, sortit pourtant de celle-ci en mai 1937 en écrivant un poème dédié « aux martyrs espagnols » morts à cause de leur foi. Ce poème servit de préface à l’ouvrage du Catalan Joan Estelrich (es), La Persécution religieuse en Espagne, publié à Paris en 1937 pour dénoncer les violences anticléricales. François Mauriac reprocha à Claudel de n’avoir pas écrit un seul vers pour « les milliers et les milliers d’âmes chrétiennes que les chefs de l’Armée Sainte […] ont introduits dans l’éternité » ». L’auteur ajoute que Bernanos lui répondit en publiant Les Grands Cimetières sous la lune et précise en outre que Claudel signa le « Manifeste aux intellectuels espagnols » du 10 décembre 1937 publié dans le magazine de propagande franquiste Occident, dirigé par Estelrich. Claudel, d’autre part, refusa de rejoindre le Comité français pour la paix civile et religieuse en Espagne lancé par Jacques Maritain. Enzo Traverso va plus loin en écrivant que « De son côté, le monde catholique a cessé d’être un bloc conservateur : il se divise entre une droite qui, notamment à cause de la guerre civile espagnole, se fascise – il suffit de penser aux poèmes de Paul Claudel à la gloire de Franco—, et une « gauche », au sens topologique du terme, qui reconnaît la légitimité de l’antifascisme. Traumatisés par la violence franquiste, François Mauriac et Georges Bernanos adoptent une position de soutien ou de neutralité bienveillante à l’égard de la République, tant en Espagne qu’en France. ». En 1938, Claudel entre au conseil d’administration de la Société des Moteurs Gnome et Rhône, grâce à la bienveillance de son directeur, Paul-Louis Weiller, mécène et protecteur de nombreux artistes (Jean Cocteau, Paul Valéry, André Malraux). Ce poste, richement doté, lui vaudra des critiques, à la fois par le statut social et le montant des émoluments qu’il en retire mais aussi par le fait qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale, cette entreprise de mécanique participe à l’effort de guerre allemand pendant l’Occupation. Selon l’hebdomadaire royaliste L’Indépendance française, cité par Le Dictionnaire des girouettes[réf. à confirmer], « sans aucune nécessité et sans aucun travail, simplement pour avoir assisté six fois au Conseil d’administration, il a touché 675 000 francs. Bénéfices de guerre, bénéfices de la guerre allemande ». À partir de 1940, Paul-Louis Weiller, juif, est déchu de la nationalité française. Les hésitations devant la seconde guerre mondiale Attristé par les débuts de la guerre, et notamment l’invasion de la Pologne, au cours d’un mois de septembre 1939 qu’il juge par ailleurs « merveilleux », Claudel est initialement peu convaincu par le danger que représente l’Allemagne nazie. Il s’inquiète davantage de la puissante Russie qui représente selon lui une « infâme canaille communiste ». En 1940, il est ulcéré par la défaite de la France, mais voit d’abord une délivrance dans les pleins pouvoirs conférés par les députés à Pétain. Dressant dans son Journal un « état de la France au 6 juillet 1940 », il met au passif la sujétion de la France à l’Allemagne, la brouille avec l’Angleterre « en qui seule est notre espérance éventuelle » et la présence au gouvernement de Pierre Laval, qui n’inspire pas confiance. À l’actif, il met l’épuisement de l’Allemagne et de l’Italie, le gain de forces de l’Angleterre et un changement idéologique qu’il décrit comme suit : « La France est délivrée après soixante ans de joug du parti radical et anticatholique (professeurs, avocats, juifs, francs-maçons). Le nouveau gouvernement invoque Dieu et rend la Grande-Chartreuse aux religieux. Espérance d’être délivré du suffrage universel et du parlementarisme ; ainsi que de la domination méchante et imbécile des instituteurs qui lors de la dernière guerre se sont couverts de honte. Restauration de l’autorité. » (Ce qui concerne les instituteurs est un écho d’une conversation de Claudel avec le général Édouard Corniglion-Molinier et Antoine de Saint-Exupéry, qui, selon Claudel, lui avaient parlé « de la pagaille des troupes françaises, les officiers (les réservistes instituteurs " lâchant pied " les premiers). ») Le 24 septembre 1940, Claudel va plus loin encore : « Ma consolation est de voir la fin de cet immonde régime parlementaire qui, depuis des années, dévorait la France comme un cancer généralisé. C’est fini [...] de l’immonde tyrannie des bistrots, des francs-maçons, des métèques, des pions et des instituteurs... » Il faut rappeler que Bernanos avait fustigé Pétain dès juin 1940. Toutefois, le spectacle de la collaboration avec l’Allemagne l’écœure bientôt. En novembre 1940, il note dans le même Journal : « Article monstrueux du cardinal Baudrillart dans La Croix nous invitant à collaborer « avec la grande et puissante Allemagne » et faisant miroiter à nos yeux les profits économiques que nous sommes appelés à en retirer ! (...) Fernand Laurent dans Le Jour déclare que le devoir des catholiques est de se serrer autour de Laval et de Hitler.—Les catholiques de l’espèce bien-pensante sont décidément écœurants de bêtise et de lâcheté ». Dans le Figaro du 10 mai 1941, il publie encore des Paroles au Maréchal (désignées couramment comme l’Ode à Pétain) qui lui sont souvent reprochées. La péroraison en est : « France, écoute ce vieil homme sur toi qui se penche et qui te parle comme un père./ Fille de saint Louis, écoute-le ! et dis, en as-tu assez maintenant de la politique ?/ Écoute cette voix raisonnable sur toi qui propose et qui explique. ». Henri Guillemin (critique catholique et grand admirateur de Claudel, mais non suspect de sympathie pour les pétainistes) a raconté que, dans un entretien de 1942, Claudel lui expliqua ses flatteries à Pétain par l’approbation d’une partie de sa politique (lutte contre l’alcoolisme, appui aux écoles libres), la naïveté envers des assurances que Pétain lui aurait données de balayer Laval et enfin l’espoir d’obtenir une protection en faveur de son ami Paul-Louis Weiller et des subventions aux représentations de l’Annonce faite à Marie. À partir d’août 1941, le Journal ne parle plus de Pétain qu’avec mépris. Dans le Figaro du 23 décembre 1944, il publie Un poème au général de Gaulle qu’il avait récité au cours d’une matinée du Théâtre-Français consacrée aux « Poètes de la Résistance ». La consécration Claudel a mené une constante méditation sur la parole, qui commence avec son théâtre et se poursuit dans une prose poétique très personnelle, s’épanouit au terme de sa vie dans une exégèse biblique originale. Cette exégèse s’inspire fortement de l’œuvre de l’Abbé Tardif de Moidrey (dont il a réédité le commentaire du Livre de Ruth), mais aussi d’Ernest Hello. Claudel s’inscrit ainsi dans la tradition patristique du commentaire scripturaire, qui s’était peu à peu perdue avec la scolastique, et qui a été reprise au XIXe siècle par ces deux auteurs, avant de revenir sur le devant de la scène théologique avec le cardinal Jean Daniélou et Henri de Lubac. Sa foi catholique est essentielle dans son œuvre qui chantera la création : « De même que Dieu a dit des choses qu’elles soient, le poète redit qu’elles sont. » Cette communion de Claudel avec Dieu a donné ainsi naissance à près de quatre mille pages de textes. Il y professe un véritable partenariat entre Dieu et ses créatures, dans son mystère et dans sa dramaturgie, comme dans Le Soulier de satin et L’Annonce faite à Marie. Avec Maurice Garçon, Charles de Chambrun, Marcel Pagnol, Jules Romains et Henri Mondor, il est l’une des six personnalités élues le 4 avril 1946 à l’Académie française lors de la deuxième élection groupée de cette année, visant à combler les très nombreuses places vacantes laissées par la période de l’Occupation. Il est reçu à l’Académie française le 13 mars 1947 par François Mauriac, au fauteuil de Louis Gillet. De 1953 à 1955 il participe à la revue littéraire de Jean-Marc Langlois-Berthelot et Jean-Marc Montguerre, L’Échauguette. Il fut membre du Comité d’honneur du Centre culturel international de Royaumont. Il meurt le 23 février 1955 à Paris, au 11 boulevard Lannes à l’âge de 86 ans. Il est enterré dans le parc du château de Brangues ; sa tombe porte l’épitaphe : « Ici reposent les restes et la semence de Paul Claudel. » (Il faut probablement lire le mot « semence » à la lumière de la doctrine de la résurrection de la chair : à la fin des temps, lors du retour glorieux du Christ, les morts ressusciteront ; les restes humains sont ainsi la semence de la chair transfigurée qui sera celle de la résurrection. D’où l’importance de la sépulture dans la religion chrétienne, et les réticences face à l’incinération par exemple.) Le travail d’édition et d’annotation de son Journal est réalisé après sa mort par son ami François Varillon, prêtre jésuite et théologien, et par Jacques Petit, dans la bibliothèque de la Pléiade. L’exégèse religieuse On peut aussi passer par l’exégèse religieuse à laquelle Claudel s’est consacré la plupart de sa vie. Pour lui, la foi n’est pas seulement une persistance dans sa critique sur l’art, mais plutôt une nourriture pour son esprit et son âme. Il consacre plusieurs articles typiques à ce sujet : Vitraux des Cathédrales de France, la Cathédrale de Strasbourg, l’Art et la Foi, l’Art Religieux, etc. Il met en lumière l’esprit religieux partout où il le peut. C’est la façon pour lui d’exprimer sa méditation sur son intimité d’homme et de croyant. Il nous confie même parfois sa foi pour aider à comprendre ses textes. La Bible est perçue comme une œuvre poétique par Claudel, qui le stimule à interroger et à commenter les tableaux avec un style qui parfois s’en inspire. La déclamation Comme poète, Claudel porte une grande attention à la diction, à l’énonciation ou à la déclamation, les réclamant comme de son domaine propre d’écrivain. Il dit, dans une correspondance à son ami Édouard Bourdet : « Je n’admettrai jamais que la musique associée à un texte poétique dépende exclusivement du choix du metteur en scène. En réalité, il s’agit d’une émanation du texte et c’est l’auteur qui doit être responsable de l’une comme de l’autre. » Il recherche toute sa vie une énonciation intelligible et signifiante. Pour lui elle s’opère dans l’attention au diseur, et en détachant syntaxe et souffle : il peut aller jusqu’à proposer un silence au milieu d’une phrase, même au milieu d’un mot ou au milieu d’une syllabe ou d’un phonème. Par exemple, à la répartie de Don Camille à Prouhèze dans Le Soulier de Satin : « Et cependant qui diable m’a fait, je vo|us prie, si ce n’est pas elle seule ? », il indique un soupir au milieu du mot vous. Il retient d’autres principes expressifs : accentuer sur les consonnes et moins sur les voyelles, placer une inflexion en début de vers et le terminer dans légère atténuation de voix. Dans son rapport avec le comédien, le sens n’est pas enserré dans l’écrit, mais procède du travail vocal du diseur. Ce travail, à la différence de la versification classique, n’est pas préalablement fixé, c’est au diseur de se mettre à son école. Amours de Paul Claudel Paul Claudel a une liaison avec Rosalie Ścibor-Rylska, d’origine polonaise, épouse de Francis Vetch, entrepreneur et affairiste. Il la rencontre en 1900 sur le bateau qui l’amène avec son mari en Chine, et a une fille naturelle, Louise Vetch (1905-1996), compositrice et cantatrice. Rosalie Vetch inspire le personnage d’Ysé dans Partage de midi et celui de Prouhèze dans Le Soulier de satin. Elle repose à Vézelay, où sa tombe porte ce vers du poète : « Seule la rose est assez fragile pour exprimer l’éternité », vers extrait de Cent phrases pour éventails. Famille Paul Claudel épouse à Lyon le 14 mars 1906 Reine Sainte-Marie-Perrin (1880-1973), fille de Louis Sainte-Marie Perrin, architecte de la basilique Notre-Dame de Fourvière. Le couple embarque trois jours plus tard pour la Chine, où Claudel est consul à Tientsin. Ils ont cinq enfants : Marie (1907-1981), Pierre (1908-1979), Reine (1910-2007), Henri (1912-2016), et Renée (née en 1917). En septembre 1913, la sculptrice Camille Claudel, sœur de Paul, est internée en asile d’aliénés à Mondevergues (Montfavet– Vaucluse) à la demande de la famille et à l’instigation de son frère Paul, qui décide d’agir immédiatement après la mort de leur père. En trente ans d’hospitalisation, Paul Claudel ne va voir sa sœur qu’à douze reprises. Lors de la rétrospective qui lui fut consacrée en 1934, des témoins ont rapporté que Paul Claudel s’emporte : il ne veut pas qu’on sache qu’il a une sœur folle. À la mort de celle-ci, en 1943, Paul Claudel ne se déplace pas : Camille est inhumée au cimetière de Montfavet accompagnée du seul personnel de l’hôpital ; quelques années plus tard, ses restes sont transférés dans une fosse commune, ni Paul ni les membres de la famille Claudel n’ayant proposé de sépulture. L’ancien presbytère où il est né est devenu la Maison de Camille et de Paul Claudel, exposant des œuvres de Camille et des documents inédits sur Paul Claudel. Œuvres * Théâtre1887 : L’Endormie (première version) * 1888 : Fragment d’un drame * 1890 : Tête d’or (première version) * 1892 : La Jeune Fille Violaine (première version) * 1893 : La Ville (première version) * 1894 : Tête d’or (deuxième version) ; L’Échange (première version) * 1899 : La Jeune Fille Violaine (deuxième version) * 1901 : La Ville (deuxième version) * 1901 : Le Repos du septième jour * 1906 : Partage de midi, drame (première version) * 1911 : L’Otage, drame en trois actes * 1912 : L’Annonce faite à Marie (première version) * 1913 : Protée, drame satirique en deux actes (première version) * 1917 : L’Ours et la Lune * 1918 : Le Pain dur, drame en trois actes * 1919 : Les Choéphores d’Eschyle * 1920 : Le Père humilié, drame en quatre actes * 1920 : Les Euménides d’Eschyle * 1926 : Protée, drame satirique en deux actes (deuxième version) * 1927 : Sous le rempart d’Athènes * 1929 : Le Soulier de satin ou Le pire n’est pas toujours sûr, action espagnole en quatre journées (créé partiellement en 1943 par Jean-Louis Barrault, en version intégrale au théâtre d’Orsay en 1980; la version intégrale a été reprise en 1987 par Antoine Vitez) * 1933 : Le Livre de Christophe Colomb, drame lyrique en deux parties * 1939 : Jeanne d’Arc au bûcher * 1939 : La Sagesse ou la Parabole du destin (sous le pseudonyme de Delachapelle) * 1942 : L’Histoire de Tobie et de Sara, moralité en trois actes * 1947 : L’Endormie (deuxième version) * 1948 : L’Annonce faite à Marie (deuxième version) * 1949 : Protée, drame satirique en deux actes (deuxième version) * 1954 : L’Échange (deuxième version) * * Poésie1900, puis 1907 (2e éd.): Connaissance de l’Est * 1905 : Poèmes de la Sexagésime * 1907 : Processionnal pour saluer le siècle nouveau * 1911 : Cinq grandes odes * 1911 : Le Chemin de la Croix * 1911–1912 : La Cantate à trois voix * 1915 : Corona benignitatis anni dei * 1919 : La Messe là-bas * 1922 : Poèmes de guerre (1914-1916) * 1925 : Feuilles de saints * 1942 : Cent phrases pour éventails * 1945 : Visages radieux * 1945 : Dodoitzu, illustrations de Rihakou Harada. * 1949 : AccompagnementsEssais1907 : Art poétique. Œuvre composée de trois traités : Connaissance du temps. Traité de la co-naissance au monde et de soi-même. Développement de l’Église * 1928 : Positions et propositions, tome I * 1929 : L’Oiseau noir dans le soleil levant * 1934 : Positions et propositions, tome II * 1935 : Conversations dans le Loir-et-Cher * 1936 : Figures et paraboles * 1940 : Contacts et circonstances * 1942 : Seigneur, apprenez-nous à prier * 1946 : L’œil écoute * 1949 : Emmaüs * 1950 : Une voix sur Israël * 1951 : L’Évangile d’Isaïe * 1952 : Paul Claudel interroge l’Apocalypse * 1954 : Paul Claudel interroge le Cantique des Cantiques * 1955 : J’aime la Bible, Fayard * 1956 : Conversation sur Jean Racine * 1957 : Sous le signe du dragon * 1958 : Qui ne souffre pas… Réflexions sur le problème social * 1958 : Présence et prophétie * 1959 : La Rose et le rosaire * 1959 : Trois figures saintes pour le temps actuel * Mémoires, journal1954 : Mémoires improvisés. Quarante et un entretiens avec Jean Amrouche * 1968 : Journal. Tome I : 1904-1932 * 1969 : Journal. Tome II : 1933-1955Correspondance1949 : Correspondance de Paul Claudel et André Gide (1899-1926) * 1951 : Correspondance de Paul Claudel et André Suarès (1904-1938) * 1952 : Correspondance de Paul Claudel avec Gabriel Frizeau et Francis Jammes (1897-1938), accompagnée de lettres de Jacques Rivière * 1961 : Correspondance Paul Claudel et Darius Milhaud (1912-1953) * 1964 : Correspondance de Paul Claudel et Lugné-Poe (1910-1928). Claudel homme de théâtre * 1966 : Correspondances avec Copeau, Dullin, Jouvet. Claudel homme de théâtre * 1974 : Correspondance de Jean-Louis Barrault et Paul Claudel * 1984 : Correspondance de Paul Claudel et Jacques Rivière (1907-1924) * 1990 : Lettres de Paul Claudel à Élisabeth Sainte-Marie Perrin et à Audrey Parr * 1995 : Correspondance diplomatique. Tokyo (1921-1927) * 1995 : Correspondance de Paul Claudel et Gaston Gallimard (1911-1954) * 1996 : Paul Claudel, Jacques Madaule Connaissance et reconnaissance : Correspondance 1929-1954, DDB * 1998 : Le Poète et la Bible, volume 1, 1910-1946, Gallimard, coll. « Blanche » * 2002 : Le Poète et la Bible, volume 2, 1945-1955, Gallimard, coll. « Blanche » * 2004 : Lettres de Paul Claudel à Jean Paulhan (1925-1954), Correspondance présentée et annotée par Catherine Mayaux, Berne : Paul Lang, 2004 (ISBN 3-03910-452-7) * 2005 : Correspondance de Paul Claudel avec les ecclésiastiques de son temps. Volume I, Le sacrement du monde et l’intention de gloire, éditée par Dominique Millet-Gérard, Paris : Champion, coll. « Bibliothèque des correspondances, mémoires et journaux » n° 19, 2005, 655 p. (ISBN 2-7453-1214-6). * 2005 : Une Amitié perdue et retrouvée. Correspondance de Paul Claudel et Romain Rolland, édition établie, annotée et présentée par Gérald Antoine et Bernard Duchatelet, Paris : Gallimard, coll. « Les cahiers de la NRF », 2005, 479 p. (ISBN 2-07-077557-7) * 2017: Lettres à Ysé. Correspondance de Paul Claudel et Rosalie Vetch (éd. Gérald Antoine, préf. Jacques Julliard), Paris, Gallimard, 2017, 464 p., (ISBN 978-2070769117). Décoration * Grand-croix de la Légion d’honneur. Divers * Claudel a plus d’une fois exprimé son peu de goût pour les écrivains français du dix-septième siècle, à l’exception de Bossuet, qu’il admirait vivement.[réf. souhaitée] Le directeur de l’école des beaux-arts de Paris lui ayant demandé un sujet de concours de peinture, il proposa “ Hippolyte étendu sans forme et sans couleur.” (Racine, Phèdre, acte V)[réf. souhaitée][pertinence contestée] * Claudel n’a pas eu que des admirateurs, mais aussi des détracteurs. Après la mort de Claudel, André-Paul Antoine, journaliste à L’Information, a publié cette épitaphe littéraire dans son journal : « Si M. Paul Claudel mérite quelque admiration, ce n’est ni comme poète, ni comme diplomate, ni comme Français, c’est comme maître-nageur. » Les références Wikipedia – https ://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Claudel

Arsène Houssaye

Arsène Houssaye, pseudonyme d’Arsène Housset 28 mars 1814 à Bruyères-et-Montbérault et mort le 26 février 1896 à Paris, est un homme de lettres français. Il est également connu sous le pseudonyme d’Alfred Mousse. Biographie Issu d’une famille bourgeoise apparentée à Condorcet, Arsène Houssaye s’enfuit de chez lui en 1832 pour mener une vie de bohème à Paris. Il s’engage dans une troupe de baladins pour qui il compose des chansons. Il se lie avec Théophile Gautier, Gérard de Nerval – qui logent comme lui, impasse du Doyenné, à l’emplacement actuel de la place du Carrousel – Jules Janin ou Alphonse Esquiros: tous collaboreront à la revue L’Artiste, dont Houssaye devient le directeur en 1843 et où il accueille de jeunes écrivains comme Théodore de Banville, Henri Murger, Charles Monselet, Champfleury et Charles Baudelaire. Il collabore également à La Revue des Deux Mondes et à La Revue de Paris. Il collabore avec son ami Jules Sandeau. Il a dirigé le quotidien populaire La Presse. Baudelaire lui a dédié les poèmes en prose du Spleen de Paris. La publication de ces textes dans La Presse en 1862 fut néanmoins à l’origine d’une brouille entre les deux hommes, car Houssaye, cherchant à obtenir la suppression de certains poèmes qui pouvaient choquer ses lecteurs, en retarda la publication au prétexte que Baudelaire lui envoyait des textes dont certains avaient déjà été publiés dans des revues. En résulta une rupture de contrat qui affecta durement Baudelaire, qui avait alors un besoin impérieux d’argent. En 1848, il participe au mouvement réformateur qui précède la révolution et harangue picards et champenois au fameux banquet des étudiants. Aux élections législatives dans le département de l’Aisne, il est battu par Odilon Barrot. De 1849 à 1856, grâce à l’influence de Rachel, il est nommé administrateur général de la Comédie-Française, où il fait entrer les pièces de Victor Hugo, d’Alexandre Dumas père, d’Alfred de Musset de François Ponsard ou de Léon Gozlan. Malgré l’augmentation de la dette, son administration correspond à une période de remarquable succès pour le Théâtre-français. En 1857, il est nommé inspecteur des musées de province. Il devient directeur, en 1866, de la Revue du XIXe siècle. Après 1870, il fonde La Gazette de Paris puis La Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg. En 1884, il fut président de la Société des gens de lettres. Il a publié de nombreux ouvrages, s’essayant à tous les genres: roman (La Couronne de bluets, Une Pécheresse, La Vertu de Rosine, Les Trois Sœurs, Mademoiselle Mariani, Mademoiselle Rosa) ; théâtre (Les Caprices de la Marquise, La Comédie à la fenêtre, Le Duel à la tour) ; poésie (Les Sentiers perdus, La Poésie dans les bois, La Symphonie de vingt ans, Cent et un sonnets), essais d’histoire de l’art et de critique, souvenirs (Les Confessions)… Il rend avec élégance l’atmosphère de la Régence ou du règne de Louis XV, introduisant un soupçon de sentiment romantique dans l’élégance spirituelle du XVIIIe siècle, qu’il contribua, avec Edmond et Jules de Goncourt, à remettre au goût du jour. Son livre le plus connu est sans doute son Histoire du quarante-et-unième fauteuil de l’Académie française (1845), qui passe en revue tous les grands écrivains qui n’ont jamais appartenu à l’illustre Compagnie et imagine leurs discours de réception. Arsène Houssaye ne se portera jamais candidat à l’Académie française, mais son fils, l’historien Henry Houssaye (1848-1911) en sera membre en 1894. S’étant enrichi grâce à de fructueuses spéculations immobilières, Arsène Houssaye habitait une propriété située à l’emplacement actuel du 39 avenue de Friedland (VIIIe arrondissement), issue du lotissement du parc Beaujon (1824). Il y logea d’abord dans « un château à trois tours avec un parc orné de fontaines et de grottes, un jardin où couraient les treilles […] un pavillon gothique et un autre chinois » (André de Fouquières, Mon Paris et ses parisiens, 1953, p. 38). Dans les vignes du jardin, on célébrait des bacchanales restées célèbres. Houssaye fit ensuite construire, à la place de ce château, un hôtel de style Renaissance, orné de médaillons d’Auguste Clésinger. « C’est là, écrit encore André de Fouquières, que se donnèrent tant de redoutes célèbres dont l’une fut, dit-on, l’occasion d’une première rencontre entre Mme de Loynes et l’austère Jules Lemaître. […] Sur le palier de l’étage, […] [se trouvait] la chaise à porteurs où, au cours des folles redoutes de jadis, venaient se cacher pour intriguer leurs cavaliers, les invitées d’Arsène Houssaye, Ferdinand Bac m’a beaucoup parlé des fastes de cette demeure, du faux Raphaël dont l’excellent Arsène était si fier et pour l’achat duquel, lui toujours à court d’argent du fait de ses constantes générosités, avait consenti de gros sacrifices. C’est encore Bac qui me conta que le vieil Arsène Houssaye, qui devait pour bonne part sa charge d’administrateur du Français à Rachel, invita certain soir la jeune Sarah Bernhardt à dîner au restaurant Cubat, dans l’ancien hôtel de la Païva. De Rachel à Sarah… » (op. cit., p. 36-37). À proximité, la rue Arsène Houssaye est aujourd’hui seule à rappeler le souvenir de cette demeure. Émile Zola, qui fréquenta les « mardis » de Houssaye, avenue de Friedland, l’appela, dans l’éloge funèbre qu’il prononça lors de ses obsèques le 29 février 1896: « Un des derniers grands chênes de la forêt romantique. » Vie privée Arsène Houssaye avait épousé en premières noces, le 5 avril 1842 à Paris, Anne Stéphanie Bourgeois-Brucy (née le 26 novembre 1821 à Paris, où elle est décédée le 12 décembre 1854). Le couple a eu un fils: Georges Henry (1848-1911). Veuf, Arsène Houssaye avait épousé en secondes noces, le 19 juin 1862 à Paris, Marie Jeanne Nathalie Belloc (née vers 1836 à Lima, au Pérou, et décédée le 13 septembre 1864 à Paris). Le peintre Eugène Delacroix et l’écrivain Théophile Gautier furent témoins à ce second mariage qui n’a pas eu de descendance. Sa première épouse est décédée à 33 ans, et la seconde vers l’âge de 28 ans. Œuvres * De profundis, sous le pseudonyme d’Alfred Mousse (1834) * La Couronne de bluets, roman (1836) * Une pécheresse (1837) * Le Serpent sous l’herbe (1838) * La Belle au bois dormant (1839) * Fanny (1840) * Les Revenants, avec Jules Sandeau (1840) * Les Onze maîtresses délaissées (1841) * Les Sentiers perdus, poésies (1841) * Le XVIIIe siècle: poètes, peintres, musiciens (1843) * L’arbre de science: roman posthume de Voltaire, imprimé sur un manuscrit de Madame Duchâtelet, pastiche attribué à Arsène Houssaye (1843) * Le Café de la Régence (1843) * Elisabeth, paru dans la Bibliothèque des feuilletons (1843-1845) * La fontaine aux loups, paru dans la Bibliothèque des feuilletons (1843-1845) * Mlle de Marivaux, paru dans la Bibliothèque des feuilletons (1843-1845) * Un roman sur les bords du Lignon (1843) * Mademoiselle de Kérouare, avec Jules Sandeau (1843) * Madame de Vandeuil, avec Jules Sandeau (1843) * Marie, avec Jules Sandeau (1843) * Milla, avec Jules Sandeau (1843) * Les Caprices de la marquise, comédie en 1 acte, Paris, Odéon, 12 mai 1844 * Madame de Favières (1844) * Mlle de Camargo (1844) * Revue du salon de 1844 (1844) * L’abbé Prévost et Manon Lescaut (1844) * La Poésie dans les bois (1845) * Histoire de la peinture flamande et hollandaise (1846) * Romans, contes et voyages (1846) * Les Trois sœurs (1846) * Un martyr littéraire: touchantes révélations (1847) * Manon Lescaut a-t-elle existé ? (1847) * Les Aventures galantes de Margot (1850) * Voyage à Venise (1850) * Voyage à Paris, dans Revue pittoresque, page 60, 1850 * Un drame en 1792, dans Revue pittoresque, page 89, 1850 * La Pantoufle de Cendrillon (1851) * Philosophes et comédiennes (1851) * Voyage à ma fenêtre (1851) * La Comédie à la fenêtre, écrite le matin pour être jouée le soir, Paris, Hôtel Castellane, 22 mars 1852 * Les Peintres vivants (1852) * La Vertu de Rosine, roman philosophique (1852) * Sous la Régence et sous la Terreur: talons rouges et bonnets rouges (1853) * Le repentir de Marion (1854) * Histoire du 41e fauteuil de l’Académie française (1855) ; texte 7e édition, librairie de L. Hachette et Cie, 1864, sur Gallica * Les comédiennes d’autrefois (1855) * Voyages humoristiques: Amsterdam, Paris, Venise (1856) * Galerie flamande et hollandaise (1857) * Une chambre à coucher (1857) * Le roi Voltaire, sa jeunesse, sa cour, ses ministres, son peuple, ses conquêtes, sa mort, son Dieu, sa dynastie (1858) * L’Amour comme il est (1858) * Les trois sœurs (1858) * Les filles d’Ève (1858) * Mademoiselle Mariani, histoire parisienne (1859) * Romans parisiens: la Vertu de Rosine ; le Repentir de Marion ; le Valet de cœur et la dame de carreau ; Mademoiselle de Beaupréau ; le Treizième convive (1859) * Le Royaume des roses (1861) * Les Parisiennes 2e série des ″Grandes dames″ (1862) * Les Charmettes, Jean-Jacques Rousseau et madame de Warens (1863) * Les femmes du temps passé (1863) * Les hommes divins (1864) * Blanche et Marguerite (1864) * Les dieux et les demi-dieux de la peinture (1864) * Madame de Montespan, études historiques sur la cour de Louis XIV (1864) * Mademoiselle Cléopatre, histoire parisienne (1864) * Le Repentir de Marion et les Peines de cœur de Madame de La Popelinière (1865) * Le Roman de la duchesse, histoire parisienne (1865) * Les pigeons de Venise (1865) * Les légendes de la jeunesse (1866) * Notre-Dame de Thermidor: histoire de Madame Tallien (1866) * Le Palais pompéien de l’avenue Montaigne: études sur la maison gréco-romaine, ancienne résidence du prince Napoléon (1866) * Les femmes du diable (1867) * Merveilles de l’art flamand (1867) * La Pantoufle de Cendrillon, ou Suzanne aux coquelicots, conte (1867) * Histoire de Léonard de Vinci (1869) * Les Courtisanes du grand monde, 3e et dernière série des ″Grandes Dames″ (1870) * Le Chien perdu et la femme fusillée (1872) * La question des jeux: opinions des moralistes, des journaux et des hommes politiques (1872) * Juliette et Roméo, comédie en 1 acte en prose, Paris, Ambigu-comique, 1873 * Lucie, histoire d’une fille perdue (1873) * Mademoiselle Trente-Six Vertus, drame en 5 actes et 7 tableaux, Paris, Ambigu-comique, 2 mai 1873 * Tragique aventure de bal masqué (1873) * Les Cent et un sonnets (1874) * Louis XV (1874) * Les Mains pleines de roses, pleines d’or et pleines de sang (1874) * Le roman des femmes qui ont aimé (1874) * Van Ostade, sa vie et son œuvre (1874) * Les Dianes et les Vénus (1875) * Jacques Callot: sa vie et son œuvre (1875) * Les Mille et une nuits parisiennes, 4 vol. (1875) * Histoire étrange d’une fille du monde (1876) * Tableaux rustiques. Le Cochon (1876) * La Révolution (1876) * Alice: roman d’hier (1877) * Les amours de ce temps-là (1877) * Les Charmeresses (1878) * La comtesse Du Barry (1878) * Les Larmes de Jeanne, histoire parisienne (1878) * Les Trois duchesses (1878) * Les comédiennes de Molière (1879) * Des Destinées de l’âme (1879) * L’Éventail brisé (1879) * Histoires romanesques (1879) * La Robe de la mariée (1879) * Molière, sa femme et sa fille (1880) * La Comédie-française: 1680-1880 (1880) * Mlle Rosa (1882) * Les Princesses de la ruine (1882) * La Belle Rafaella (1883) * Les Douze nouvelles nouvelles (1883) * La Comédienne (1884) * La Couronne d’épines (1884) * Les Confessions, souvenirs d’un demi-siècle, 6 vol. (1885-1891) * Contes pour les femmes (1885-1886) * Les Onze mille vierges (1885) * Les Comédiens sans le savoir (1886) * Le Livre de minuit (1887) * Madame Lucrèce (1887) * Madame Trois-Étoiles (1888) * Rodolphe et Cynthia, roman parisien (1888) * La Confession de Caroline (1890) * Les femmes démasquées (1890-1895) * Julia (1891) * Blanche et Marguerite (1892) * Les Femmes comme elles sont (1892) * Les Larmes de Mathilde (1894) * Un hôtel célèbre sous le second empire. L’hôtel Païva, ses merveilles, précédé de l’ancien hôtel de la marquise de Païva (1896) * Souvenirs de jeunesse: 1830-1850, Paris, Éditions Ernest Flammarion, 1896, VII-322 p. (Wikisource) Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/Ars%C3%A8ne_Houssaye

Anatole France

Anatole France, pour l’état civil François Anatole Thibault, né le 16 avril 1844 à Paris, et mort le 12 octobre 1924 à Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire), est un écrivain français, considéré comme l’un des plus grands de l’époque de la Troisième République, dont il a également été un des plus importants critiques littéraires. Il devient une des consciences les plus significatives de son temps en s’engageant en faveur de nombreuses causes sociales et politiques du début du XXe siècle. Il reçoit le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre en 1921. Biographie Anatole France naît à Paris, 19 quai Malaquais. Il est issu par son père d’une famille modeste originaire du Maine-et-Loire: son père, François Noël Thibault, dit Noël France, né le 4 nivôse an XIV (25 décembre 1805) à Luigné, dans le canton de Thouarcé, a quitté son village en 1825 pour entrer dans l’armée. Sous-officier légitimiste, il démissionne au lendemain de la Révolution de 1830. Il se marie, le 29 février 1840, avec Antoinette Gallas à la mairie du 4e arrondissement de Paris. La même année, il devient propriétaire d’une librairie sise 6, rue de l’Oratoire du Louvre. Il tient ensuite une librairie quai Malaquais (no 19), d’abord nommée Librairie France-Thibault, puis France tout court, spécialisée dans les ouvrages et documents sur la Révolution française, fréquentée par de nombreux écrivains et érudits, comme les frères Goncourt ; il s’installera, en 1853, quai Voltaire (no 9) . Par sa mère, Antoinette Gallas, Anatole est issu d’une famille de meuniers de Chartres, les Gallas. Élevé dans la bibliothèque paternelle, Anatole en gardera le goût des livres et de l’érudition, ainsi qu’une connaissance intime de la période révolutionnaire, arrière-plan de plusieurs de ses romans et nouvelles, dont Les dieux ont soif, qui est considéré comme son chef-d’œuvre. De 1844 à 1853, il habite l’hôtel particulier du 15 quai Malaquais. De 1853 à 1862, France fait ses études à l’institution Sainte-Marie et au collège Stanislas. Il souffre d’être pauvre dans un milieu riche mais il est remarqué pour ses compositions, dont La Légende de sainte Radegonde, qui sera éditée par la librairie France et publiée en revue. Il obtient son baccalauréat le 5 novembre 1864. À partir du début des années 1860, il travaille pour diverses libraires et revues, mais refuse de prendre la suite de son père, qui juge très négativement les « barbouillages » de son fils. Sa carrière littéraire commence par la poésie ; amoureux de l’actrice Élise Devoyod, il lui dédie quelques poèmes, mais elle le repousse en 1866. Il est disciple de Leconte de Lisle, avec qui il travaillera quelque temps comme bibliothécaire au Sénat. En janvier 1867, il écrit une apologie de la liberté cachée sous un éloge du Lyon Amoureux de Ponsard, et la même année il fait partie du groupe du Parnasse . En 1875, il intègre le comité chargé de préparer le troisième recueil du Parnasse contemporain. En 1876, il publie Les Noces corinthiennes chez Lemerre, éditeur pour lequel il rédige de nombreuses préfaces à des classiques (Molière par exemple) ainsi que pour Charavay ; certaines de ces préfaces seront réunies dans Le Génie Latin. La même année, il devient commis-surveillant à la Bibliothèque du Sénat, poste qu’il conserve jusqu’à sa démission, le 1er février 1890. Anatole France se marie en 1877 avec Valérie Guérin de Sauville, petite-fille de Jean-Urbain Guérin, un miniaturiste de Louis XVI (voir famille Mesnil), dont il a une fille, Suzanne, née en 1881, qui mourra en 1918. Il la confie souvent, dans son enfance, à Mme de Martel (qui écrivait sous le nom de Gyp), restée proche à la fois de lui-même et de Mme France. Les relations de France avec les femmes sont difficiles. Ainsi a-t-il, dans les années 1860, nourri un amour vain pour Elisa Rauline, puis pour Élise Devoyod. En 1888, il engage une liaison avec Léontine Arman de Caillavet, qui tient un célèbre salon littéraire de la Troisième République, de qui il dira “sans elle, je ne ferais pas de livres” (journal de l’abbé Mugnier) ; cette liaison durera jusqu’à la mort de celle-ci, en 1910, peu après une tentative de suicide à cause d’une autre liaison de France avec une actrice connue pendant un voyage en Amérique du Sud. Mme de Caillavet lui inspire Thaïs (1890) et Le Lys rouge (1894). Après une ultime dispute avec son épouse, qui ne supporte pas cette liaison, France quitte le domicile conjugal de la rue Chalgrin, un matin de juin 1892, et envoie une lettre de séparation à son épouse. Le divorce est prononcé à ses torts et dépens, le 2 août 1893. Par la suite, France aura de nombreuses liaisons, comme celle avec Mme Gagey, qui se suicidera en 1911. France s’oriente tardivement vers le roman et connaît son premier succès public à 37 ans, en 1881, avec Le Crime de Sylvestre Bonnard, couronné par l’Académie française, œuvre remarquée pour son style optimiste et parfois féerique, tranchant avec le naturalisme qui règne alors. Il devient en 1887 critique littéraire du prestigieux Temps. Élu, dès le premier tour, avec 21 voix sur 34 présents, à l’Académie française le 23 janvier 1896, au fauteuil 38, où il succède à Ferdinand de Lesseps, il y est reçu le 24 décembre 1896. Devenu un écrivain reconnu, influent et riche, France s’engage en faveur de nombreuses causes. Il tient plusieurs discours dénonçant le génocide arménien et soutient Archag Tchobanian, rejoint Émile Zola, avec qui il s’est réconcilié au début des années 1890, lors de l’affaire Dreyfus. Après avoir refusé de se prononcer sur la culpabilité d’Alfred Dreyfus (ce qui le classe parmi les révisionnistes), dans un entretien accordé à L’Aurore le 23 novembre 1897, il est l’un des deux premiers avec Zola à signer, au lendemain de la publication de J’accuse, en janvier 1898, quasiment seul à l’Académie française, la première pétition dite « des intellectuels » demandant la révision du procès. Il dépose, le 19 février 1898, comme témoin de moralité lors du procès Zola (il prononcera un discours lors des obsèques de l’écrivain, le 5 octobre 1902), quitte L’Écho de Paris, anti-révisionniste, en février 1899, et rejoint le 5 juillet suivant Le Figaro, conservateur et catholique, mais dreyfusard. Il servit de modèle, avec Paul Bourget, pour créer l’homme de lettres Bergotte dans l’œuvre de Proust, À la recherche du temps perdu. En juillet 1898, il rend sa Légion d’honneur, après que l’on eut retiré celle d’Émile Zola et, de février 1900 à 1916, refuse de siéger à l’Académie française. Il participe à la fondation de la Ligue des droits de l’Homme, dont il rejoint le Comité central en décembre 1904, après la démission de Joseph Reinach, scandalisé par l’affaire des fiches. Son engagement dreyfusard se retrouve dans les quatre tomes de son Histoire contemporaine (1897– 1901), chronique des mesquineries et des ridicules d’une préfecture de province au temps de l’Affaire. C’est dans cette œuvre qu’il forge les termes xénophobe et trublion. Devenu un proche de Jean Jaurès, il préside, le 27 novembre 1904, une manifestation du Parti socialiste français au Trocadéro et prononce un discours. France s’engage pour la séparation de l’Église et de l’État, pour les droits syndicaux, contre les bagnes militaires. En 1906, lors d’une réunion, il proteste fortement contre la « barbarie coloniale ». En 1909, il part pour l’Amérique du Sud faire une tournée de conférences sur Rabelais. S’éloignant de Mme de Caillavet, il a une liaison avec la comédienne Jeanne Brindeau, en tournée elle aussi avec des acteurs français. Rabelais est remplacé, au cours du voyage qui le mène à Lisbonne, Recife, Rio de Janeiro, Montevideo et Buenos Aires, par des conférences sur ses propres œuvres et sur la littérature contemporaine. De retour à Paris, le lien avec Léontine, qui avait beaucoup souffert de cet éloignement, se reforme tant bien que mal, mais celle-ci meurt en janvier 1910, sans lui avoir réellement pardonné. En 1913, il voyage en Russie. Au début de la Première Guerre mondiale, France écrit des textes guerriers et patriotes, qu’il regrettera par la suite: il dénonce la folie guerrière voulue par le système capitaliste dans le contexte de l’Union sacrée en déclarant: « on croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels », mais milite en faveur d’une paix d’amitié entre Français et Allemands ce qui suscitera l’indignation et l’hostilité, et lui vaudra des lettres d’insultes et des menaces de mort. Il prend position en 1919 contre le Traité de Versailles, signant la protestation du groupe Clarté intitulée « Contre la paix injuste », et publiée dans L’Humanité, le 22 juillet 1919. Ami de Jaurès et de Pressensé, il collabore, dès sa création, à L’Humanité, en publiant Sur la pierre blanche dans les premiers numéros. Proche de la SFIO, il sera, plus tard, critique envers le PCF. S’il écrit un Salut aux Soviets, dans L’Humanité de novembre 1922, il proteste contre les premiers procès faits aux socialistes révolutionnaires en envoyant un télégramme dès le 17 mars. À partir de décembre 1922, il est exclu de toute collaboration aux journaux communistes. France, tout en adhérant aux idées socialistes, s’est ainsi tenu à l’écart des partis politiques, ce dont témoignent ses romans pessimistes sur la nature humaine, tels que L’Île des Pingouins et surtout Les dieux ont soif (publié en 1912) qui, à cause de sa critique du climat de Terreur des idéaux utopistes, est mal reçu par la gauche. En 1920 il se marie à Saint-Cyr-sur-Loire, où il s’était installé en 1914, avec sa compagne Emma Laprévotte (1871-1930), afin qu’elle veille sur son petit-fils Lucien Psichari, orphelin de mère. Il est lauréat, en 1921, du prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre, et le reçoit à Stockholm le 10 décembre. En 1922 l’ensemble de ses œuvres (opera omnia) fait l’objet d’une condamnation papale (décret de la Congrégation du Saint-Office du 31 mai 1922). Pour son 80e anniversaire, au lendemain de la victoire du Cartel des gauches, il assiste à une manifestation publique donnée en son honneur, le 24 mai 1924, au palais du Trocadéro. Il meurt le 12 octobre 1924 à La Béchellerie, commune de Saint-Cyr-sur-Loire. À l’annonce de sa mort, le président de la Chambre des députés Paul Painlevé déclare: « Le niveau de l’intelligence humaine a baissé cette nuit-là. » Selon certains (André Bourin, 1992), France aurait souhaité être inhumé dans le petit cimetière de Saint-Cyr-sur-Loire, pour d’autres (Michel Corday, 1928), le sachant souvent inondé l’hiver, il préférait rejoindre la sépulture de ses parents au cimetière de Neuilly-sur-Seine. Son corps, embaumé le 14 octobre, est transféré à Paris pour des obsèques quasi-nationales et exposé Villa Saïd, où le président de la République, Gaston Doumergue, vient lui rendre hommage dans la matinée du 17 octobre, suivi par le président du Conseil, Édouard Herriot. En contradiction avec ses dispositions testamentaires, des obsèques nationales ont lieu à Paris le 18 octobre, et il est inhumé au cimetière ancien de Neuilly-sur-Seine auprès de ses parents. Sa tombe, abandonnée et en piteux état, fut sauvée en 2000, par l’historien Frédéric de Berthier de Grandry, résidant alors à Neuilly-sur-Seine ; cette procédure de sauvegarde sauve également la chapelle funéraire de Pierre Puvis de Chavannes, le peintre du Panthéon de Paris. Le 19 novembre 1925, l’Académie française élit au siège de France, après quatre tours de scrutin, Paul Valéry, qui, reçu dix-neuf mois plus tard, ne prononce pas une seule fois, contrairement à l’usage, le nom de son prédécesseur dans l’éloge qu’il doit prononcer et le qualifie de « lecteur infini ». Collectionneur d’art et bibliophile « […] Les sculptures antiques le ravissaient. Bien des fragments précieux ornent les murailles de la Béchellerie […] Son cabinet de travail de la villa Said était tout éclairé par un marbre, un torse de femme, acheté avec le comte Primoli en Italie dans un antre où l’on fabriquait de faux Botticelli […] Il avait collectionné des anges et des saints en bois sculpté, qu’il nommait plaisamment « ses bondieuseries » […] Mais il était très sévère sur l’authenticité du moindre objet […]. Il connaissait tous les émois, toutes les alertes, de la chasse aux occasions. Je l’ai vu battre pas à pas le marché à la ferraille, sur les quais de Tours, soutenu par l’espoir de dénicher le gibier rare […] les livres anciens le passionnaient tout particulièrement. Il sortait même de sa modestie ordinaire et il étalait complaisamment les signes originaux de ses livres rares. Il abondait toujours en anecdotes sur les amateurs « toujours, à dessein, vêtus comme des mendigots » et sur les antiquaires. Ce goût des rares et vieilles choses, il l’appliquait à l’aménagement de son logis […] son occupation préférée. Il surveillait de très près la pose des meubles et des tableaux, traquait la moindre hérésie […] accrochait lui-même des gravures, de menus médaillons. ». Selon son ami et biographe Michel Corday, craignant les conséquences du climat humide de sa maison tourangelle pour ses meubles et objets d’art—et livres anciens et rares, selon l’éditrice Claude Arthaud (les Maisons du Génie, Arthaud, 1967, p. 150 à 169, ill.)—il fit transporter les plus précieux Villa Saïd, maison qui échut ensuite à sa veuve. « C’était l’antre de l’honnête homme 1900 qui se voue aux lettres et à l’amour […]. Quand il rentrait dans la maison, c’était pour y déplacer des statues, trouver de nouvelles places à de nouveaux objets récemment acquis. Il n’aimait guère ceux du XIXe siècle et disait volontiers: « Cela, c’est de la basse époque ». Il était de cette génération qui croit au style plus qu’à l’objet lui-même […] La Béchellerie est devenue le garde-meubles des styles de haute époque » (Arthaud, op. cit.). Rien de tout ce qui appartint à un écrivain quasiment vénéré de son vivant n’a subsisté dans sa dernière demeure en partie du fait que son petit-fils, devenu employé subalterne de la maison Calmann-Lévy—éditeur de son grand’père—le dispersa discrètement peu à peu par l’intermédiaire de l’Hôtel des Ventes de Vendôme, alors que les « maisons d’écrivains » n’étaient pas intégrées au patrimoine littéraire national. Quant au corps de bibliothèque qui abrita les éditions princeps de Rabelais, Racine et Voltaire collectionnées avec passion par France, il tomba en morceaux dans les mains du menuisier venu pour le récupérer (témoignage oral de Mme D., Saint-Cyr-sur-Loire, 23 septembre 2014)… Publiant des photographies de la propriété dont le bureau et la bibliothèque encore meublées vers 1967, Arthaud évoquait « la cour d’honneur, ses vases de fonte pleins de fleurs, sa statue de femme, et si rien n’est plus étonnant et curieux que le capharnaum bavarois de la chambre d’amis […] rien n’est plus triste que cette chambre où sont restées encore à demi-fondues dans leurs chandeliers les bougies qui servirent à veiller l’écrivain durant sa longue agonie » (op. cit.). « J’avais, comme tous les bibliophiles, un Enfer composé de volumes illustrés de gravures scabreuses. Eh bien, il ne m’en reste pas un seul. On m’a tout pris. » (France à M. Corday). Plusieurs ouvrages de France dont un exemplaire d’épreuves de l’Anneau d’améthyste (1899) corrigé et portant un envoi à Lucien Guitry, ainsi que d’autres offerts au comédien ou à son fils Sacha, figurèrent dans la vente publique de la bibliothèque de celui-ci à Paris le 25 mars 1976 (nos 149 à 154 du catalogue—arch pers.). D’autres figurèrent dans les catalogues 63, 65 et 75 du libraire Pierre Bérès, et une importante série d’ouvrages comprenant des exemplaires uniques—certains ayant appartenu à Mme de Caillavet—et enrichis d’envois, et de lettres dont 53 adressées à son égérie de 1888 à 1890, figura dans la bibliothèque littéraire de Charles Hayoit (nos 407 à 439 du catalogue de la vente publique par Sotheby’s-Poulain-Le Fur des 29 et 30 novembre 2001). Par ailleurs, certains exemplaires d’éditions originales de Voltaire portant le cachet de sa propriété tourangelle furent vendus par Sotheby’s à Monaco les 13 et 14 avril 1986. La Bibliothèque historique de la ville de Paris possède un « fonds Anatole France » composé de manuscrits de ses œuvres, de correspondances ainsi que de tous les livres de sa bibliothèque personnelle, qui a été enrichi par dons et par acquisitions au cours du XXe siècle. Œuvre Thèmes et style Les principaux thèmes de son œuvre en prose émergent du recueil Balthasar et du roman plusieurs fois remanié Le Crime de Sylvestre Bonnard. Marie-Claire Bancquart signale entre autres le personnage de l’érudit sensible, ridicule ou aimable, qui a sa vie derrière lui, la bibliothèque (qui possède une présence charnelle), l’action et la justice. Ces thèmes sont particulièrement exposés dans des discours ou des conversations par des personnages tels que Sylvestre Bonnard, Jérôme Coignard et M. Bergeret. Le style de France, souvent qualifié de classique, se caractérise par une ironie amusée, parfois douce et aimable, parfois noire et cruelle, qui exprime son scepticisme foncier à l’égard de la nature humaine, de ses aspirations et de la connaissance, en particulier l’histoire. L’œuvre de France tranche tant avec les courants littéraires de son temps (naturalisme) qu’avec la politique française en matière d’éducation après la guerre franco-allemande de 1870. Contre l’éducation exclusivement scientifique prônée par Jean Macé ou Louis Figuier, il valorise la force réelle de l’imagination: « Fermez-moi ce livre, mademoiselle Jeanne, laissez là, s’il vous plaît, « l’Oiseau bleu, couleur du temps » que vous trouvez si aimable et qui vous fait pleurer, et étudiez vite l’éthérisation. Il serait beau qu’à sept ans vous n’eussiez pas encore une opinion faite sur la puissance anesthésique du protoxyde d’azote! » M. Louis Figuier a découvert que les fées sont des êtres imaginaires. C’est pourquoi il ne peut souffrir qu’on parle d’elles aux enfants. Il leur parle du guano, qui n’a rien d’imaginaire.—Eh bien, docteur, les fées existent précisément parce qu’elles sont imaginaires. Elles existent dans les imaginations naïves et fraîches, naturellement ouvertes à la poésie toujours jeune des traditions populaires.Il refuse le réalisme de Zola, qu’il juge brutal, et, à l’esprit scientifique en littérature, il oppose des écrivains comme Dickens et Sand, car, pour lui: « L’artiste qui ne voit les choses qu’en laid n’a pas su les voir dans leurs rapports, avec leurs harmonies [...]. » Toutefois, son attitude à l’égard de Zola évolue au début des années 1890 avec La Bête humaine, L’Argent et La Débâcle, auxquels il consacre des articles élogieux. Ses œuvres comportent donc de nombreux éléments féeriques et souvent proches du fantastique. C’est dans le même esprit qu’il aborde l’histoire, se défiant des prétentions scientistes, non pour réduire cette discipline à une fable, mais pour souligner les incertitudes qui lui sont inhérentes. L’histoire est un thème qui revient souvent dans ses œuvres. Le style qu’il utilise pour en parler est caractéristique de l’ironie et de l’humour franciens: « Si je confesse aujourd’hui mon erreur, si j’avoue l’enthousiasme inconcevable que m’inspira une conception tout à fait démesurée, je le fais dans l’intérêt des jeunes gens, qui apprendront, sur mon exemple, à vaincre l’imagination. Elle est notre plus cruelle ennemie. Tout savant qui n’a pas réussi à l’étouffer en lui est à jamais perdu pour l’érudition. Je frémis encore à la pensée des abîmes dans lesquels mon esprit aventureux allait me précipiter. J’étais à deux doigts de ce qu’on appelle l’histoire. Quelle chute! J’allais tomber dans l’art. Car l’histoire n’est qu’un art, ou tout au plus une fausse science. Qui ne sait aujourd’hui que les historiens ont précédé les archéologues, comme les astrologues ont précédé les astronomes, comme les alchimistes ont précédé les chimistes, comme les singes ont précédé les hommes ? Dieu merci! j’en fus quitte pour la peur. »France utilise plusieurs types d’ironie: il peut s’agir de faire parler naïvement des personnages en sorte que le lecteur en saisisse le ridicule ou bien d’exprimer avec loquacité l’antithèse de ce que l’auteur pense, en faisant sentir l’ineptie des propos tenus. Le premier genre d’humour est le plus léger et imprègne tout particulièrement L’Île des Pingouins, qualifiée de « chronique bouffonne de la France » par Marie-Claire Bancquart. La seconde sorte d’humour se manifeste surtout par une ironie noire qu’illustre par exemple le conte 'Crainquebille’, histoire d’une injustice sociale ; France fait ainsi dire à un personnage qui analyse le verdict inique prononcé par un juge: « Ce dont il faut louer le président Bourriche, lui dit-il, c’est d’avoir su se défendre des vaines curiosités de l’esprit et se garder de cet orgueil intellectuel qui veut tout connaître. En opposant l’une à l’autre les dépositions contradictoires de l’agent Matra et du docteur David Matthieu, le juge serait entré dans une voie où l’on ne rencontre que le doute et l’incertitude. La méthode qui consiste à examiner les faits selon les règles de la critique est inconciliable avec la bonne administration de la justice. Si le magistrat avait l’imprudence de suivre cette méthode, ses jugements dépendraient de sa sagacité personnelle, qui le plus souvent est petite, et de l’infirmité humaine, qui est constante. Quelle en serait l’autorité ? On ne peut nier que la méthode historique est tout à fait impropre à lui procurer les certitudes dont il a besoin. » Résumé de ses œuvres Le Crime de Sylvestre Bonnard Sylvestre Bonnard, membre de l’Institut, est un historien et un philologue, doté d’une érudition non dénuée d’ironie: « Savoir n’est rien – dit-il un jour – imaginer est tout. » Il vit au milieu des livres, la cité des livres, mais se lance à la recherche, en Sicile et à Paris, du précieux manuscrit de La Légende dorée qu’il finit un jour par obtenir. Le hasard lui fait rencontrer la petite fille d’une femme qu’il a jadis aimée et, pour protéger l’enfant d’un tuteur abusif, il l’enlève. La jeune fille épousera par la suite un élève de M. Bonnard. Ce roman, qui fut jugé spirituel, généreux et tendre, fit connaître Anatole France. Histoire contemporaine À partir de 1895, France commença à écrire des chroniques pour L’Écho de Paris, sous le titre de Nouvelles ecclésiastiques. Ces textes formeront le début de Histoire contemporaine. Autour d’un enseignant à l’université de Tourcoing, une tétralogie satirique de la société française sous la Troisième république, du boulangisme au début du XXe siècle. Les dieux ont soif Les dieux ont soif est un roman paru en 1912, décrivant les années de la Terreur à Paris, France, entre l’an I et l’an II. Sur fond d’époque révolutionnaire, France, qui pensait d’abord écrire un livre sur l’inquisition, développe ses opinions sur la cruauté de la nature humaine et sur la dégénérescence des idéaux de lendemains meilleurs. La Révolte des anges “La révolte des anges” adopte un mode fantastique pour aborder un certain nombre de thèmes chers à Anatole France: la critique de l’Église catholique, de l’armée, et la complicité de ces deux institutions. L’ironie est souvent mordante et toujours efficace. L’histoire est simple: des anges rebellés contre Dieu descendent sur terre, à Paris précisément, pour préparer un coup d’État (si l’on peut dire) qui rétablira sur le trône du ciel celui que l’on nomme parfois le diable, mais qui est l’ange de lumière, le symbole de la connaissance libératrice... Les tribulations des anges dans le Paris de la IIIe République sont l’occasion d’une critique sociale féroce. Finalement, Lucifer renoncera à détrôner Dieu, car ainsi Lucifer deviendrait Dieu, et perdrait son influence sur la pensée libérée... Influence et postérité Anatole France a été considéré comme une autorité morale et littéraire de premier ordre. Il a été reconnu et apprécié par des écrivains et des personnalités comme Marcel Proust (on pense qu’il est l’un des modèles ayant inspiré Proust pour créer le personnage de l’écrivain Bergotte dans À la recherche du temps perdu), Marcel Schwob et Léon Blum. On le retrouve a contrario dans Sous le soleil de Satan, croqué à charge par Georges Bernanos dans le personnage de l’académicien Antoine Saint-Marin. Il était lu et exerçait une influence sur les écrivains qui refusaient le naturalisme, comme l’écrivain japonais Jun’ichirō Tanizaki, il fut la référence pour Roger Peyrefitte. Ses œuvres sont publiées aux éditions Calmann-Lévy de 1925 à 1935. Anatole France est également, de son vivant et, quelque temps après sa mort, l’objet de nombreuses études. Mais après sa mort, il est la cible d’un pamphlet des surréalistes, Un cadavre, auquel participent Drieu La Rochelle et Aragon, auteur du texte: « Avez vous déjà giflé un mort ? » dans lequel il écrit: « Je tiens tout admirateur d’Anatole France pour un être dégradé. » Pour lui, Anatole France est un « exécrable histrion de l’esprit », représentant de « l’ignominie française ». André Gide le juge un écrivain « sans inquiétude » qu’« on épuise du premier coup ». La réputation de France devient ainsi celle d’un écrivain officiel au style classique et superficiel, auteur raisonnable et conciliant, complaisant et satisfait, voire niais, toutes qualités médiocres que semble incarner le personnage de M. Bergeret. Mais nombre de spécialistes de l’œuvre de France considèrent que ces jugements sont excessifs et injustes, ou qu’ils sont même le fruit de l’ignorance, car ils en négligent les éléments magiques, déraisonnables, bouffons, noirs ou païens. Pour eux, l’œuvre de France a souffert et souffre encore d’une image fallacieuse. D’ailleurs M. Bergeret est tout le contraire d’un conformiste. On lui reproche toujours de ne rien faire comme tout le monde, il soumet tout à l’esprit d’examen, s’oppose fermement, malgré sa timidité, aux notables de province au milieu desquels il vit, il est l’un des deux seuls dreyfusistes de sa petite ville… L’ensemble de l’Histoire contemporaine est, à travers un rappel du scandale inouï que fut l’affaire Dreyfus, un réquisitoire accablant contre la bourgeoisie cléricale, patriote, antisémite et monarchiste, dont beaucoup d’analyses restent applicables à l’époque actuelle. La modération apparente du ton, le classicisme du style qui se plaît souvent aux archaïsmes parodiques, a pu tromper des lecteurs habitués à plus de vociférations, et l’on peut même imaginer que certains détracteurs se soient sentis concernés par les sarcasmes dirigés contre l’extrême-droite et ceux qui réclamaient « la France aux Français » (Jean Coq et Jean Mouton au chapitre XX de M. Bergeret à Paris). Reflétant cet oubli relatif et cette méconnaissance, les études franciennes sont aujourd’hui rares et ses œuvres, hormis parfois les plus connues, sont peu éditées. Œuvres * Catalogue des œuvres d’Anatole FranceLes œuvres d’Anatole France ont fait l’objet d’éditions d’ensemble: * Œuvres Complètes, Paris: Calmann-Lévy, 1925-1935 * Marie-Claire Bancquart (éd.), Anatole France Œuvres (4 vol.), Gallimard, coll. « La Pléiade », 1984-1994 (ISBN 2-07-011063-X, 2-07-011125-3, 2-07-011211-X et 2-07-011361-2) Poésies * Les Poèmes dorés, 1873 * Les Noces corinthiennes, 1876. Drame antique en vers Romans et nouvelles * Jocaste et le Chat maigre, 1879 * Le Crime de Sylvestre Bonnard, membre de l’Institut, 1881. Prix Montyon de l’Académie française * Les Désirs de Jean Servien, 1882 * Abeille, conte, 1883 * Balthasar, 1889. Premier recueil de nouvelles publié par Anatole France * Thaïs, 1890,; réédité en 1923 avec la mention “Nouvelle édition revue et corrigée par l’auteur”. Cet ouvrage a fourni l’argument à l’opéra Thaïs de Jules Massenet * L’Étui de nacre, 1892, recueil de contes; réédité en 1923 avec la mention “Édition revue et corrigée par l’auteur” * La Rôtisserie de la reine Pédauque, 1892 * Les Opinions de Jérôme Coignard, recueillis par Jacques Tournebroche, 1893 * Le Lys rouge, 1894 * Le Jardin d’Épicure, 1894; réédité en 1921 avec la mention “Édition revue et corrigée par l’auteur” * Le Puits de Sainte Claire, 1895 * Histoire contemporaine en quatre parties: * 1. L’Orme du mail, 1897; réédité en 1924 avec la mention “Édition revue et corrigée par l’auteur” * 2. Le Mannequin d’osier, 1897; réédité en 1924 avec la mention “Édition revue et corrigée par l’auteur” * 3. L’Anneau d’améthyste, 1899 * 4. Monsieur Bergeret à Paris, 1901 * Clio, 1899; réédition sous le titre Sous l’invocation de Clio, 1921 * L’Affaire Crainquebille, 1901 * Le Procurateur de Judée, 1902 * Histoire comique, 1903 * Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables, 1904 * Sur la pierre blanche, 1905, * L’Île des Pingouins, 1908,; réédition Paris: Théolib, 2014 (ISBN 978-2-36500-082-6); * Les Contes de Jacques Tournebroche, 1908 * Les Sept Femmes de Barbe bleue et autres contes merveilleux, 1909 * Les dieux ont soif, 1912 * La Révolte des anges, 1914 Souvenirs * Le Livre de mon ami, 1885. Réédition illustrée par Fernand Siméon aux Editions G. Grès et Cie en 1921. * Pierre Nozière, 1899 * Le Petit Pierre, 1918 * La Vie en fleur, 1922 Théâtre * Au petit bonheur, 1898. Pièce en un acte * Crainquebille, 1903 * La Comédie de celui qui épousa une femme muette, 1908. Pièce en deux actes * Le Mannequin d’osier, 1897. Comédie adaptée du roman homonyme (première représentation le 22 mars 1904); Histoire * Vie de Jeanne d’Arc, 1908 Critique littéraire * Alfred de Vigny, 1868 * Le Château de Vaux-le-Vicomte, 1888. Préface de Jean Cordey. Rééditions: Calmann– Lévy, 1933 ; Presses du Village, 1987 ; archives pers.[réf. nécessaire]) * Le Génie latin, 1913. Recueil de préfaces * La Vie littéraire, Paris, Calmann-Lévy, 1933. La préface de la "quatrième série" est datée de mai 1892 Critique sociale * Opinions sociales, 1902 * Le Parti noir, 1904 * Vers les temps meilleurs, 1906. Recueil de discours et lettres en 3 tomes ; 3 portraits par Auguste Leroux * Sur la voie glorieuse, 1915 * Trente ans de vie sociale en 4 tomes: * I. 1897-1904, 1949, commentaires de Claude Aveline * II. 1905-1908, 1953, commentaires de Claude Aveline * III. 1909-1914, 1964, commentaires de Claude Aveline et Henriette Psichari * IV. 1915-1924, 1973, commentaires de Claude Aveline et Henriette Psichari; seconde édition (1971)[réf. nécessaire]; * « Préface » du livre de: Dr Oyon, Précis de l’affaire Dreyfus, Paris, Pages libres, 1903 Adaptations Théâtre * Crainquebille Musique * Thaïs de Jules Massenet * Le Jongleur de Notre-Dame de Jules Massenet, inspiré d’une des nouvelles de L’Étui de Nacre ; * Les Noces corinthiennes, opéra d’Henri Büsser. Filmographie * Des adaptations au cinéma d’œuvres d’Anatole France ont été réalisées dès son vivant. * Il apparaît aussi dans un documentaire de Sacha Guitry, Ceux de chez nous (1915). * Films * 1914: Thais de Constance Crawley et Arthur Maude ; * 1920: Le Lys Rouge de Charles Maudru ; * 1922: Crainquebille de Jacques Feyder, avec Françoise Rosay ; * 1926: Les dieux ont soif de Pierre Marodon.Téléfilms * 1981: Histoire contemporaine de Michel Boisrond, avec Claude Piéplu dans le rôle de Monsieur Bergeret (série de 4 téléfilms). Hommages * De nombreuses voies publiques, transports publics, portent le nom d’Anatole France, parmi lesquels une station du métro de Paris et une du métro de Rennes. En 2015, il est le vingt-neuvième personnage le plus célébré au fronton des 67 000 établissements publics français: pas moins de 177 écoles, collèges et lycées lui ont donné son nom, derrière Joseph (880), Jules Ferry (642), Notre-Dame (546), Jacques Prévert (472), Jean Moulin (434).En 1937, la Poste française émet un timbre-poste à son effigie.Deux portraits de lui dessinés et signés par Théophlie-Alexandre Steinlen, l’un daté de 1917, l’autre annoté "Saint-Cloud, janvier 1920" figuraient sous les numéros 74 et 75 du catalogue de dessins et estampes du marchand Paul Prouté de 1985. * Dans Les Puissances des ténèbres (1980), le romancier britannique Anthony Burgess mentionne Anatole France et sa nouvelle « Le Miracle du grand saint Nicolas » comme source d’inspiration pour un opéra écrit par le narrateur Kenneth Marchal Toomey. * Une statue de lui assis devant une petite colonnade orne le parc de la préfecture d’Indre-et– Loire. * Dans le cadre des 31èmes Journées Européennes du Patrimoine, la municipalité de Saint-Cyr-sur-Loire (37), l’association “Saint-Cyr; hommes et patrimoine” et le Conseil Général d’Indre-et-Loire ont organisé ces manifestations: * le 19 septembre 2014, installation du buste de France en 1919 par Antoine Bourdelle (cf. le bronze du musée d’Orsay reproduit sur cette page), exemplaire en pierre (?) inauguré en 1955 puis restauré, dans le parc du manoir de la Tour, espace à vocation littéraire qui honore les hommes de lettres illustres ayant séjourné dans la commune; * le 20 septembre 2014, évocation musicale de sa vie et de son œuvre avec musiques de Paul-Henri Busser et de Massénet dans le parc de La Perraudière (mairie); * du 20 au 28 septembre 2014, présentation dans la mairie de l’exposition "Anatole France, sa vie son œuvre et ses dix ans à Saint-Cyr-sur-Loire" (cf. le magazine municipal Saint-Cyr présente... de septembre-décembre 2014, Anatole France “Pourquoi m’avez-vous oublié ?”– p. 6 et 7).L’un de ses textes faisait partie du corpus au Baccalauréat de Français en juin 2016. Une petite polémique [1] [2] se déclencha après les épreuves au cours desquelles de nombreux candidats qui ne le connaissaient pas l’avaient parfois pris pour une femme. Citations * « La langue française est une femme. Et cette femme est si belle, si fière, si modeste, si hardie, touchante, voluptueuse, chaste, noble, familière, folle, sage, qu’on l’aime de toute son âme, et qu’on n’est jamais tenté de lui être infidèle. » (Les Matinées de la Villa Saïd, 1921) ; * « Ah! c’est que les mots sont des images, c’est qu’un dictionnaire c’est l’univers par ordre alphabétique. À bien prendre les choses, le dictionnaire est le livre par excellence. » (La Vie littéraire) ; * « Je vais vous dire ce que me rappellent, tous les ans, le ciel agité de l’automne, les premiers dîners à la lampe et les feuilles qui jaunissent dans les arbres qui frissonnent ; je vais vous dire ce que je vois quand je traverse le Luxembourg dans les premiers jours d’octobre, alors qu’il est un peu triste et plus beau que jamais ; car c’est le temps où les feuilles tombent une à une sur les blanches épaules des statues. Ce que je vois alors dans ce jardin c’est un petit bonhomme qui, les mains dans les poches et sa gibecière au dos, s’en va au collège en sautillant comme un moineau... » (Le Livre de mon ami, chapitre X: « Les humanités ») ; * « Le lecteur n’aime pas à être surpris. Il ne cherche jamais dans l’histoire que les sottises qu’il sait déjà. Si vous essayez de l’instruire, vous ne ferez que l’humilier et le fâcher. Ne tentez pas l’éclairer, il criera que vous insultez à ses croyances (...) Un historien original est l’objet de la défiance, du mépris et du dégoût universel. » (L’Île des pingouins, préface) ; * « De tous les vices qui peuvent perdre un homme d’État, la vertu est le plus funeste: elle pousse au crime. » (La Révolte des anges, chapitre XXI) ; * « La guerre et le romantisme, fléaux effroyables! Et quelle pitié de voir ces gens-ci nourrir un amour enfantin et furieux pour les fusils et les tambours! » (La Révolte des Anges, chapitre XXII) ; * « Je ne connais ni juifs ni chrétiens. Je ne connais que des hommes, et je ne fais de distinction entre eux que de ceux qui sont justes et de ceux qui sont injustes. Qu’ils soient juifs ou chrétiens, il est difficile aux riches d’être équitables. Mais quand les lois seront justes, les hommes seront justes. » (Monsieur Bergeret à Paris, chapitre VII) ; * « L’union des travailleurs fera la paix dans le monde », cette citation, faussement attribuée à France (c’est une traduction de Marx), se trouve notamment sur le Monument aux morts pacifiste de Mazaugues dans le Var ; * « On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels » (« Lettre ouverte à Marcel Cachin », L’Humanité, 18 juillet 1922) ; cité par Michel Corday dans sa biographie (1928); * « Ma faiblesse m’est chère. Je tiens à mon imperfection comme à ma raison d’être. » (Le Jardin d’Épicure, 1894) ; * « Monsieur Dubois demanda à Madame Nozière quel était le jour le plus funeste de l’histoire. Madame Nozière ne le savait pas. C’est, lui dit Monsieur Dubois, le jour de la bataille de Poitiers, quand, en 732, la science, l’art et la civilisation arabes reculèrent devant la barbarie franque. » (La Vie en Fleur, 1922) ; * « Bénissons les livres, si la vie peut couler au milieu d’eux en une longue et douce enfance! » (La Vie littéraire, tome 1, préface) ; * « Mais parce que mes passions ne sont point de celles qui éclatent, dévastent et tuent, le vulgaire ne les voit pas. » (Le Crime de Sylvestre Bonnard, membre de l’Institut, 1881). * "C’était le seul homme de valeur à avoir accédé, durant la guerre, à un poste de haute responsabilité; mais on ne l’a pas écouté. Il a sincèrement voulu la paix et c’est la raison pour laquelle on n’eut pour lui que du mépris. On est ainsi passé à côté d’une splendide occasion". (lettre de 1917 à propos de Charles 1er de Habsbourg). Les références Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/Anatole_France




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